Production

« Un autre Point Éphémère pourrait ressortir de tout ça » (F. Magal, Point Éphémère)

Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition

Le Point Éphémère (Paris 10e), lieu multidisciplinaire, se concentre sur la création et les résidences le temps de la crise. Sa co-directrice Frédérique Magal, et Lauren Boyer, Leslie Perrin et Juliette Malot, trio de programmatrices de spectacle vivant entrées en poste en février, décrivent l’adaptation de leur activité dans cet espace fermé au public depuis le 30 septembre.

L’espace bar du Point Éphémère a été maintenu ouvert tout l’été. - © Yann Kgbeur
L’espace bar du Point Éphémère a été maintenu ouvert tout l’été. - © Yann Kgbeur

Comment le Point Éphémère a-t-il traversé ces derniers mois de crise ?

Frédérique Magal : C’était une belle saison qui se  déployait quand la Covid-19 nous a fait fermer le 12 mars dernier. Depuis, nous avons maintenu très peu d’événements. Cet été, le bar était ouvert et quelques expositions, rencontres ou répétitions ouvertes ont eu lieu. Il y a même eu du stand-up, avec une petite billetterie, sur notre rooftop. 

Les festivals Jerk Off et Zoa ont bien eu lieu, la soirée de lectures des éditions Verticales aussi, mais nous avons ensuite choisi de fermer le lieu au public le 30 septembre, car le maintien des événements n’était pas viable économiquement. Quelques festivals auront néanmoins lieu, notamment du spectacle et du jeune public, des propositions faciles à gérer en terme de circulation des spectateurs. 

Une programmation conçue en fonction de ce que nous laissent faire des contraintes sanitaires, n’est pas une programmation

Une programmation conçue en fonction de ce que nous laissent faire des contraintes sanitaires, n’est selon moi pas une programmation, mais éventuellement de la décoration, d’où ce choix de limiter l’ouverture au public jusqu’à nouvel ordre. Quant aux reports, j’insiste pour que nous arrêtions d’en faire, cela mène à des projections trop lointaines. 

La période était propice à collaborer avec l'INRAP sur un projet d’archivage autour de notre salle de concert. L’institut travaille sur les strates de stickers, les graffitis, le rituel du lieu, et l’intègrera à un futur séminaire à la Sorbonne. C’était une façon pour nous d’enregistrer ce moment dont il n’est pas facile de garder de trace. 

J’incite donc désormais les équipes à s’engager dans des formations pour enrichir leurs compétences, en technique, son, web ou autres. Nous avions l’habitude d’organiser 7 à 10 événements par semaine, et nous subissons désormais un fonctionnement dégradé qui peut être néfaste. Se former me semble nécessaire pour maintenir une dynamique. 

Sur quoi l’activité du lieu s’est-elle recentrée dans ces conditions ?

Leslie Perrin, Lauren Boyer, Juliette Malot : Nos espaces sont davantage concentrés sur la création. Les périodes de répétition prévues pendant le confinement ont été décalées sur l’été, quand le lieu est normalement fermé, et tous les artistes ont joué le jeu, si ce n’est une compagnie qui a dû reporter pour plus tard. Un appel à projets lancé en juin a recueilli 300 réponses, avec des profils transdisciplinaires.

Nous construisons donc actuellement un calendrier pour 2020-2021 avec 15 projets accueillis en création sur des durées variables, avec d’éventuelles répétitions ouvertes, au public ou réservées aux professionnels.

Frédérique Magal : Nous envisageons aussi de développer un podcast pour conserver un lien avec le public, une rencontre entre un spectateur et un artiste. Également, les quatre studios de musique sont toujours occupés par environ 12 artistes ou groupes.

Il faut rappeler qu’il s’agit d’une mise à disposition du lieu, d’une location à très bas prix. Par exemple, pour les compagnies accompagnées qui viennent répéter, une participation aux frais de fonctionnement de 20 euros par jour est demandée. Cela paye la technique, puisqu’un accueil est assuré de ce côté-là, afin d’autonomiser les artistes.

Le Studio de Danse du Point Éphémère - © Amélie Debray
Le Studio de Danse du Point Éphémère - © Amélie Debray

Le modèle économique du lieu pourrait-il se transformer à terme ? 

Frédérique Magal  : L’association Usines Éphémères, dont le Point Éphémère est le 12e projet, perpétue depuis 1987 un modèle dépendant le moins possible de subventions. Ainsi le Point a atteint 93 % d’autofinancement sur un budget annuel de 2 millions d’euros. Cette année, tout est mené à changer, puisque nous survivons sur le chômage partiel, que nous percevons des aides, et que le loyer du bâtiment nous a été exceptionnellement offert par la mairie. 

Nos activités lucratives sont à l’arrêt, nous en venons donc à repenser notre modèle, voire notre projet. Puisque nous devenons essentiellement un lieu de création pendant cette période, cela peut nous donner accès à des subventions. Pourquoi ne pas s’ouvrir à des partenaires également ? Un autre Point Éphémère pourrait ressortir de tout ça.