Production

« Dans ce contexte, nous laissons les chiffres de côté » (S. Assadi, 360)

Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition

Fermé à cause du confinement seulement deux mois après son inauguration, le 360 Paris Music Factory (Paris 18e) a pu s’adapter rapidement au couvre-feu, encouragé par le retour de son public. Retour sur le lancement d’un lieu en pleine crise sanitaire, par son fondateur Saïd Assadi.

 Acelino De Paula, Manu Le Prince et ses fils Gaël et Julian en concert au 360 - © Ali Javan
Acelino De Paula, Manu Le Prince et ses fils Gaël et Julian en concert au 360 - © Ali Javan

Qu’est-ce qui a permis la grande réactivité du 360 suite à l’annonce du couvre-feu ?

Je me suis adressé au public avant le concert qui se tenait chez nous le soir de l’annonce. J’ai exposé la situation, rappelé le risque que le secteur et la société encouraient avec la disparition de toute culture. J’ai insisté sur le fait que les lieux de spectacle étaient sécurisés au possible. Le nôtre, par exemple, dispose d’une hauteur sous plafond de 10 mètres, d’une ventilation qui renouvelle l’air, d’un espace permettant la distanciation. Les retours positifs du public nous ont poussé à nous organiser rapidement. 

Ce soir, nous n’avons que 2 demandes de remboursement sur 100 spectateurs.

Nous avons ainsi avancé tous nos concerts à 18h en semaine et à 17h30 le weekend. Les artistes ont instantanément coopéré. Quant au public, ce soir par exemple, sur la centaine de personne que nous pouvons accueillir en respectant les jauges en vigueur, seules deux ont demandé un remboursement, ce qui semble dire que ce sont des horaires jouables.

Nous tâchons donc de rester flexibles pour que le lieu continue à proposer des événements. Ce n’est pas évident, cela représente énormément de travail supplémentaire, notamment pour moi qui reste souvent jusqu’à 1h ou 2h du matin chaque soir. Dans ce cadre, il m’arrive par exemple d’intervenir directement dans l’équipe du restaurant. Je n’ai jamais travaillé autant de ma vie. 

Le bâtiment de la 360 Music Factory. - © Luc BOEGLY photographe / Agence Engasser architecture
Le bâtiment de la 360 Music Factory. - © Luc BOEGLY photographe / Agence Engasser architecture

Le 360 s’est lancé en début d’année, juste avant la crise. Comment a-t-il pu exister ?

Notre lancement s’est fait le 21 janvier et nous avons dû fermer le 15 mars. Le 5 juin, il nous a été possible de rouvrir notre restaurant et notre terrasse, puis, dès le 20 juin, de donner 14 concerts au fil de l’été. Dans ce contexte, nous laissons les chiffres de côté, même si le 360 est un lieu privé. Nous traîterons ces questions-là plus tard. Pour l’instant, nous agissons, nous organisons des concerts. Et le bilan est plutôt positif sur plusieurs aspects. 

La situation actuelle a diversifié notre public

En termes de développement du public, la situation a joué en notre faveur, et solidement implanté le lieu localement. Nous craignions de n’attirer qu’un public que certains appellent bobo, mais le manque d’offre culturelle a orienté vers nous un public local qui n’allait pas spontanément vers l’offre culturelle. 

Lors de notre ouverture, seulement 25 % du public provenait de la Goutte d’Or et du 18e, dans lequel nous sommes implantés. Désormais, 90 % en est issu. En fin de compte, la crise nous a assuré une mixité sociale qui n’est pas toujours évidente à atteindre. C’était un des objectifs de ce projet :  proposer une économie basée sur l’entrepreneuriat pour un lieu de création et de diffusion musicale proche des publics locaux.