« La coopération entre lieux culturels locaux a été renforcée par la crise » (M. Alaitru, Chabada)
Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition
À Angers (Maine-et-Loire), les dates circulent plus que jamais entre salles de concert, scène nationale et lieux d’art pour permettre à chaque structure de déployer sa programmation selon les jauges requises. Mélanie Alaitru, co-directrice du Chabada, célèbre SMAC angevine, décrit cette chaîne d’entraide qui s’est installée pour donner lieu à une saison culturelle décente malgré la crise sanitaire.
Depuis la crise sanitaire, le Chabada accueille les spectacles d’autres structures et délocalise les siens dans des salles plus vastes. Comment cette chaîne de solidarité locale s’est-elle mise en place ?
C’est de la débrouille et du bon sens principalement. Dès juin, nous avons réalisé qu’il n’était plus possible de programmer des dates dans les conditions que nous connaissions. Notre grande salle accueille normalement 900 personnes. La jauge est désormais limitée à 243 en zone verte et 150 en zone rouge - Angers ayant basculé en zone rouge. Pour autant, il nous fallait continuer à exister en tant que lieu, et donc programmer des événements d’une façon ou d’une autre.
Comme d’autres SMAC, nos capacités en assis sont limitées, nos gradins ne sont guère modulables. Le recours à d’autres lieux s’est imposé, comme cela s’est produit aussi dans d’autres villes. La programmation d’été de la ville d’Angers a initié le mouvement, en mettant la priorité sur le soutien à la scène locale dans un premiers temps. Plusieurs lieux ont ouvert leurs portes pour que des structures locales programment chez eux, principalement en extérieur, comme le Musée des Beaux Arts d’Angers ou le Quai.
Le recours à d’autres lieux s’est imposé, comme cela s’est produit dans d’autres villes.
Nous avons ainsi pu reporter plusieurs têtes d’affiche sur lesquelles la billetterie avait déjà été vendue, des grosses dates que nous avons pu reporter grâce aux capacités d’accueil en assis d’autres espaces. Les jauges ayant changé entre temps, nous n’envisagions pas d’expliquer à la 151e personne qui avait acheté son billet lors de la mise en vente d’une date qu’elle ne pourrait pourrait plus assister au spectacle. Nous avons donc sollicité par exemple le Théâtre de Chanzy, un équipement municipal, pour des concerts tels qu’Isaac Delusion.
Puis il nous est vite apparu que nous pouvions rendre le même service à d’autres lieux plus petits que le nôtre, qui s’étaient également engagés sur des dates qu’ils ne pouvaient plus recevoir selon les nouvelles restrictions. Le Joker’s Pub, un lieu avec lequel nous avions l’habitude de collaborer, programme quelques concerts chez nous sur la saison. Ces collaborations ne datent pas d’hier, mais la crise les a renforcées.
Sur quels arrangements logistiques et financiers reposent ces échanges d’espaces entre lieux ?
La programmation estivale était prise en charge par la Ville d’Angers et les collectivités locales, ce qui nous a permis d’économiser sur notre enveloppe pour notre programmation annuelle à venir. Ensuite, lorsque nous programmons dans un lieu comme le Théâtre de Chanzy, c’est une mise à disposition gratuite puisque c’est une salle gérée directement par la ville. Nous assurons la date avec notre équipe, nous payons nous-mêmes le plateau, mais le lieu nous est prêté gracieusement.
Concernant la programmation d’autres lieux dans les espaces du Chabada, les cas de figure diffèrent. Il s’agit avant tout de ne plomber personne. Le lieu est gratuit dans tous les cas, mais nous facturons la mise à disposition, les frais annexes, principalement la sécurité et le ménage, afin que le Chabada ne soit pas perdant non plus. Avec le Joker’s Pub, on procède par coproduction, ce qui était déjà le cas avant la crise.
La comptabilité de cette programmation partiellement délocalisée se fait-elle en intégrant les compensations annoncées par le gouvernement ?
Par expérience, nous préférons ne pas nous projeter sur des aides potentielles. Les règles changent constamment, il a même été mis en doute pendant un temps que le Chabada ait droit au chômage partiel. Concernant ces nouvelles aides, je n’en connais pas encore les critères d’attribution, je préfère donc ne pas compter dessus.
Nous partons de notre budget normal, et si des compensations nous parviennent un jour, nous les utiliserons pour programmer davantage de concerts. Pour l’instant, cette saison tient sur 20 dates, contre 35 en temps normal. Nous avons néanmoins eu la confirmation du maintient de nos subventions, ce qui est le plus important.
Comment s’envisage la programmation sur l’ensemble de l’année ?
Nous partons de notre budget normal, et si des compensations nous parviennent un jour, nous les utiliserons pour programmer davantage de concerts.
Elle sera entièrement perturbée. Actuellement, les choses changent d’une semaine à l’autre, voire d’une journée à l’autre. Certaines structures de production travaillent déjà avec leurs artistes sur des propositions artistiques ajustées aux restrictions sanitaires, et elles ne vont pas tarder à émerger. Tout le monde a bien compris que le virus n’allait pas disparaître de sitôt.
La configuration assise, si elle n’est pas idéale, ne gâche néanmoins pas tout. Il y a des choses à faire, à imaginer. Le public coopère, à notre connaissance aucun spectateur n’a rendu sa place parce qu’un spectacle était passé en assis. En revanche, il a du mal à se projeter et à réserver des spectacles sur notre saison, tout simplement parce que nous avons du mal à programmer sur le long terme, et que les concerts sont annoncés au fil de l’eau.