Production

Théâtre : le GK Collective construit des spectacles pour temps de pandémie

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

Groupe de recherche théâtral connu pour ses formes participatives et ses thématiques volontiers futuristes, le GK Collective a redoublé d’efforts pour adapter ses performances ou en créer d’autres en fonction des restrictions sanitaires. Sa directrice artistique Gabriella Cserhati revient sur la manière dont la Covid s’est intégrée à leur démarche artistique.

« Radio Doléances » du Collective GK - © Loic Nys-Sileks
« Radio Doléances » du Collective GK - © Loic Nys-Sileks

Alors que les dispositifs de théâtre habituels sont empêchés par la crise, quelle formes avez-vous conçues en fonction de la situation ?

Nous étions en pleine création quand la crise a commencé. Nos résidences se sont annulées, mais nous avons voulu nous rendre utiles aussi vite que possible malgré la distanciation physique. Notre projet de start-up fictive « Agence de Rencontre Sans Risque » a mis en ligne une version adaptée d’une de ses performances : il s’agit d’une conversation téléphonique entre deux individus, avec partition fournie et des espaces de liberté, qui se fait sur rendez-vous. Les retours ont été bons, le projet a fait du bien aux gens pendant le premier confinement. 

Suite à l’annulation de dates en présentiel de nos performances individuelles avec des « Robots », la Maif Social Club nous a commandé une création, qui s’intitulera « Mirage » et prendra la forme d’une classroom sur Zoom pour « apprendre à ignorer le réel ». Le spectacle a été entièrement répété à distance, ce qui a été éprouvant. Puisque le confinement a été levé quand nous avons pu le jouer, nous avons ajouté un rendez-vous présentiel pour les spectateurs qui habitaient en région parisienne. 

Le masque collait bien à la narration, il contribuait à la pudeur du spectateur.

En été et automne, nous avons pu jouer certains de nos spectacles, notamment nos entretiens avec des robots, et un autre sur une barque. Dans le premier cas, les Robots avaient un masque transparent qui collait plutôt bien à la situation - puisque nous jouons avec les conditions du réel et que le masque fait partie de notre réalité, c’est une nécessité dramaturgique. Dans le second cas, le masque collait bien à la narration, il contribuait à la pudeur du spectateur. 

Parmi les dispositifs que nous développons, existe le THéâTRe CaCHé, qui sont des situations fictives qui s’insèrent dans la réalité sans nécessairement prévenir. Il fait l’objet d’une charte à laquelle nous avons intégré des critères sanitaires, et de deux masterclasses que nous avons données à la Fai-Ar. Nous avons commencé en novembre les répétitions d’un spectacle dans cet esprit, qui se tiendrait en ville, dans plusieurs décors et en mouvement, pour plusieurs spectateurs. 

Depuis octobre, nous avons travaillé avec l’idée que cette situation durerait encore au moins une saison. Nous avons également lancé une création sur le long terme, « L’Arbre à Secrets », une pièce en espace naturel dont la première devrait se tenir en 2022. 

Les « Robots » du GK Collective à la Gaîté Lyrique (Paris 3e) - © Quentin Chevrier
Les « Robots » du GK Collective à la Gaîté Lyrique (Paris 3e) - © Quentin Chevrier

Quel bilan tirez-vous de ces expériences en tant qu’artiste, mais aussi professionnellement ? 

Nous avions déjà l’habitude de créer rapidement, de réfléchir en laboratoire, de travailler d’un côté en sous-marin, de l’autre avec les institutions, selon la temporalité des projets, donc nous avons pu rester dans la continuité de notre démarche. Notre théâtre parle d’anticipation, nous avons beaucoup travaillé sur des scénarios d’effondrement systémique par le passé, donc thématiquement, la situation était raccord. Par exemple, quand nous utilisons du numérique, c’est que le numérique est le thème du spectacle, comme dans le cas de notre spectacle sur Zoom.

D’une certaine façon, le réel glisse vers le type de fiction que nous développions déjà, c’est à la fois beau et troublant. Soudainement, des questions qui nous obsèdent depuis longtemps, comme celle de la légitimité du théâtre, de la recherche autour de sa fonction véritable, sont devenues incontournables dans le milieu culturel. 

Nous avons de quoi offrir des spectacles compatibles avec la pandémie.

D’autre part, techniquement, nous avons de quoi offrir des spectacles compatibles avec la pandémie : nous jouons avec des jauges faibles, voire avec un spectateur unique, dans des cadres variés, notamment naturels. Nos performances peuvent se tenir dans presque n’importe quelles conditions. Nous avons donc le savoir-faire en termes de dispositifs modulables. 

Un collectif francilien de recherche théâtrale

Le GK Collective est un groupe francilien de recherche théâtrale fondé en 2009 par la metteure en scène hongroise Gabriella Cserháti. Il comprend également Isabelle Hazaël, Rachel Huet-Bayelle, Fabien Lartigue, Morgane Le Rest, Arnaud Lesimple, Quentin Pradelle, Julien Prévost. Il est accompagné par Alexis Nys de Productions Bis, Agathe Delaporte d’Akompani et Nicolas Combet.