Ruralité et culture : comment Les Elvis Platinés et La Moba agissent dans le Gard
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Dans le Gard, l’association des Elvis Platinés à Sumène et les équipes de la salle La Moba à Bagnols-sur-Cèze multiplient les actions pour animer la vie culturelle des villages de leur territoire. La coordinatrice générale des Elvis Platinés, Julia Da Pozzo Bonggi, et le co-gérant de La Moba, Arnold Métrot, nous expliquent comment ils travaillent. Premier article d’un diptyque sur leur action dans les Cévennes.
Quels sont les projets et les actions menés par votre structure pour agir auprès des populations rurales ?
L’objectif est d’aller partout dans la région, surtout dans les zones que nous n’avons pas visitées.
Les Elvis Platinés - Chaque année, nous organisons le festival des Transes Cévenoles dans le village de Sumène (Gard), avec une programmation portée sur les musiques actuelles et l’art de rue. Le public a l’occasion d’être acteur de l’événement grâce aux ateliers participatifs. De septembre à juin, nous avons également une saison itinérante, avec des déplacements dans les villages des Cévennes. Grâce à un dispositif mobile, nous proposons au public la création d’espaces scéniques dans leurs villages avec des concerts et des spectacles en extérieur. Nous n’avons pas de critères sur le choix des villages dans lesquels nous nous déplaçons. L’objectif est d’aller partout dans la région, surtout dans les zones que nous n’avons pas visitées. Nous organisons aussi d’autres actions auprès de publics spécifiques comme les établissements scolaires. Notre objectif est de favoriser l’émergence des artistes en populations rurales. Aux côtés de trois autres associations, nous avons créé un pôle territorial de coopération associative. Nous conseillons et accompagnons des porteurs de projet artistique.
La Moba - Nous organisons un maximum d’événements gratuits pour encourager le public à fréquenter notre espace. Aujourd’hui, Il y a un risque de voir l’étendue des zones blanches culturelles s’amplifier. La crise sanitaire a accentué le phénomène de désintérêt pour la culture en milieu rural, notamment chez les jeunes. La gratuité est une des solutions. Nous ne voulons pas que notre salle soit un lieu élitiste. Nous avons transformé la moitié de notre bâtiment en fabrique culturelle pour recevoir les populations isolées. Nous proposons des ateliers de découverte musicale et d’initiation à l’art autour de vidéos.
Quels sont les enjeux lorsqu’on parle de déploiement d’actions culturelles en milieu rural ?
Les Elvis Platinés - Dans les milieux ruraux, l’enjeu est d’aller chercher des publics. II faut agir dans des secteurs clé. Le sport est un exemple. En partenariat avec le club de basket de Sumène, nous avons créé Festi’ball. C’est un match de gala costumé qui prend la forme d’un spectacle. Cet événement gratuit a lieu dans le hall des sports de la ville. Les jeunes participent à la programmation artistique et à l’animation de l’événement. Quand on parle d’agir en milieu rural, il y a aussi un fort enjeu de mobilité. Le public doit se déplacer davantage pour assister aux spectacles. Il faut réfléchir à ces contraintes particulières car elles peuvent s’avérer pesantes, comme en ce moment avec le prix du carburant.
L’enjeu est de rétablir le lien avec les populations rurales pour développer l’éducation culturelle.
La Moba - Aujourd’hui l’enjeu est de réussir à rétablir le lien social avec les populations rurales pour développer l’éducation culturelle. Notre solution, ce sont les actions de proximité : à l’initiative de la mairie de Goudargues, nous produisons un festival d’arts de la rue dans ce village. Le déploiement de nos actions en milieu rural repose sur la collaboration. Nous sommes dans une démarche de co-construction avec des structures associatives, des établissements scolaires et parfois même avec le public. Nos actions touchent également des populations spécifiques. Nous avons l’habitude de recevoir des demandes de la part des Ehpad ou des instituts médico-éducatifs.
Recevez-vous des demandes particulières de la part des collectivités territoriales pour agir en milieu rural, et donc des subventions spécifiques ?
Les Elvis Platinés - Nous sommes soutenus par la région et le département du Gard. Nous recevons parfois des subventions de la Drac. Sur une année, ces financements représentent 40 % de nos entrées d’argent, le reste venant des ventes et de la billetterie. Chaque année, ces financements diminuent. Lors de nos actions, nous travaillons toujours avec les mairies, qui peuvent contribuer financièrement. Mais les sommes sont limitées car ces communes ont déjà des budgets culture très retreints.
Les salaires sont moins élevés qu’en ville et il y a un fort taux de chômage.
La stabilité financière est donc un défi. Le coût des places est une question importante car nous sommes dans une zone sinistrée. Il faut prendre en compte la réalité locale : les salaires sont moins élevés qu’en ville et il y a un fort taux de chômage. Nous souhaitons toutefois conserver notre politique de faible coût. Nous pratiquons souvent le gratuit ou des tarifs autour de 5 euros. Notre maximum est 10 euros. Aller au-delà est un risque d’échec quant à notre objectif de rendre la culture accessible en milieu rural.
La Moba - Les institutions publiques fonctionnent de plus en plus sur des appels à projets avec des critères complexes à remplir. En 2021, nous avons été soutenus par la mairie de Bagnols-sur-Cèze à hauteur de 15 000 euros, le département du Gard nous a donné 10 000 euros et la région Occitanie, 5 000 euros. Ces subventions représentent un peu moins de 10 % de nos dépenses. Notre solution a été de prendre un prêt garanti par l’État pour couvrir nos frais. Selon les dispositifs de la Région, les aides pour les structures en milieu rural concernent les organisations basées dans des communes de moins de 10 000 habitants. Nous ne bénéficions pas de ces subventions car nous sommes domiciliés à Bagnols-sur-Cèze, une commune de 15 000 habitants appartenant pourtant à une zone blanche culturelle. Les institutions devraient repenser la définition du terme « milieu rural ». Cela ne se résume pas seulement au nombre d’habitants mais plutôt à l’éloignement par rapport aux grandes villes.