Spectacle vivant : le Théâtre de Poche fait vivre la création en pleine campagne bretonne
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Situé à Hédé-Bazouges (Ille-et-Vilaine), commune de 2 000 âmes en pleine Bretagne Romantique, l’illustre Théâtre de Poche connaît depuis 2010 une nouvelle vie sous la direction du Joli Collectif. L’orientation artistique et les méthodes de travail de cette équipe culminent lors de Bonus (du 24 au 29 août), festival en biennale et carte de visite du lieu et du collectif, selon Vincent Collet, son co-fondateur.
Quelle était l’orientation du Théâtre de Poche avant votre arrivée et comment avez-vous implanté la vôtre par la suite ?
L’horizon d’attente du public n’est pas aussi rigide que certains le pensent. Les gens se disent que s’ils sont convoqués par une programmation, même avec des noms inconnus, c’est qu’il y a quelque chose à voir.
Le Théâtre de Poche est un lieu avec une identité forte, et le village d’Hédé-Bazouges est connu pour son historique artistique. L’équipe précédente prenait parfois des risques dans ses choix artistiques, mais n’allait pas forcément chercher ses publics. Lorsque nous avons repris le théâtre en avril 2010, ses finances n’étaient pas à l’équilibre. Nous avons néanmoins monté une programmation en 3 mois, et ouvert au mois de septembre suivant : instantanément, le public a suivi, 700 personnes sont venues en deux jours. Hormis la mairie qui nous connaissait déjà puisque le lieu est un équipement communal, nous avons été découverts à ce moment-là par les tutelles du territoire. Nous sommes depuis soutenus par la Communauté de Communes de la Bretagne Romantique et la DRAC.
Nous avons alors lancé plusieurs projets en même temps. Du côté de la programmation, nous avons puisé dans la scène contemporaine, avec des artistes comme Philippe Quesne ou Grand Magasin. Les spectateurs ont vite adhéré : l’horizon d’attente du public en matière de spectacle n’est pas aussi rigide que certains le pensent, les gens se disent que s’ils sont convoqués par une programmation, même avec des noms inconnus, c’est qu’il y a quelque chose à voir. Nous avons pu par exemple en témoigner pendant Plumes et Goudrons, un rendez-vous plutôt orienté pro, qui permet aux artistes de tester leur création en cours en montrant une étape de travail, et dont le public local raffole.
Pour implanter cette identité et insuffler une autre dynamique au lieu, nous avons lancé plusieurs partenariats avec d’autres structures : du jeune public avec le festival Marmailles à Rennes, des concerts avec les Transmusicales, de la co-programmation avec le Théâtre National de Bretagne, des tournées de spectacles dans des lieux partenaires, des parcours artistiques avec des lieux d’art, sans compter des participations à des programmes européens. La salle elle-même a été transformée pour devenir modulable, accueillant 103 personnes assises, et jusqu’à 300 debout, notamment pour la configuration concert. Nous proposons une cinquantaine de dates par an, où sont présentés entre 12 et 15 projets.
Le Joli Collectif regroupe plusieurs activités, dont celle d’une compagnie. Comment s’est structurée l’entité ?
Nous avons eu recours à un bilan de compétences avec La Belle Ouvrage (Paris), qui nous ont recommandé de tout réunir en une seule unité, et non de séparer les activités de la compagnie, du festival et du théâtre à l’année. La gestion a évolué au fil des ans : à l’origine, il s’agit d’une codirection à quatre, mais certains ont choisi d’avoir un rôle plus périphérique pour continuer leurs propres créations solo, à l’image d’Enora Boëlle. Aujourd’hui, la programmation du lieu et du festival est assurée en grande partie par Damien Krempf et moi-même, et la structure a embauché huit salariés.
Il nous manque 100 places pour être une scène conventionnée - c’est la limite d’une telle structure.
Nous réfléchissons à des façons de développer le projet de lui donner une autre dimension. C’est pourquoi nous programmons hors les murs, menons des actions territoriales et nous positionnons comme un acteur régional. Il nous manque 100 places pour être une scène conventionnée, c’est d’une certaine façon le revers du cachet « mignon » d’un théâtre intimiste.
Quel est le rôle du festival Bonus dans le fonctionnement du théâtre ?
Il est très important, et même s’il est très lourd en terme d’énergie et de travail pour une structure comme la nôtre malgré sa temporalité de biennale, nous ne pouvons pas y renoncer. C’est aussi l’aboutissement de nombreux projets de territoires, comme cette scénographie paysagère devant la mairie, conçue par une formation agricole.
Du fait de la pandémie et des reports, nous avons proposé plus de spectacles sur cette édition, même si nous avons dû renoncer aux concerts. Nous avons vendu 5 000 billets, et compté près de 10 000 visiteurs sur quatre jours - une partie de la programmation étant en entrée libre. Nous avons donné des spectacles en intérieur et en extérieur, avec des jauges plus grandes que d’habitude, notamment avec des gradins pouvant accueillir jusqu’à 350 personnes sur la grande prairie dans les ruines du château. L’événement a accueilli une trentaine de professionnels, des locaux, des gens de Rennes et beaucoup d’artistes qui viennent entre amis.
Quelle forme prend votre saison prochaine après les périodes de fermeture liées à la crise ?
Nous avons comme tout le monde subi les complications de la pandémie, mais nous ne sommes probablement pas les plus à plaindre. Nous avons proposé une sorte de journal, les Inhabituels, et invité des compagnies en résidence, comme d’autres lieux. Ces temps d’accueil de compagnies nous ont donné envie de tester une formule différente pour cette saison, qui consiste en des cartes blanches où ce sont les artistes qui nous prennent par la main et proposent divers projets, voire de la programmation.