Éditorialisation virtuelle des expositions : comment fait la Fondation Cartier ?
Par Thomas Corlin | Le | Marketing, réseaux sociaux
Après deux expositions en grande partie privées de public par la pandémie, la Fondation Cartier a repensé ses contenus numériques le plus pertinemment possible. Éditorialisation, applications, podcasts, animation en ligne : Naïa Sore, directrice de la communication et du développement, revient sur les supports développés dans ce contexte.
Comment avez-vous conçu vos contenus digitaux depuis le début de la crise ?
Il s’agissait à la fois de donner une vie à nos expositions pendant les périodes de fermeture de la Fondation et de garder un lien avec nos publics en proposant des contenus avec une véritable valeur ajoutée, qui résonnent de façon intéressante avec l’actualité et le moment que nous vivions. Sans pour autant surcharger davantage la production numérique déjà abondante en cette période, ou se substituer à l’expérience de l’exposition.
Le premier confinement a entrainé la fermeture de l’exposition de la photographe brésilienne Claudia Andujar, pour laquelle des contenus en ligne avaient déjà été prévus. Le travail de cette artiste porte sur la défense de communautés indigènes, et les problématiques qu’elle aborde résonnent avec ce que nous traversons. L’un des projets digitaux majeurs a été le développement du site consacré à l’artiste qui entraîne les visiteurs dans son univers et son engagement pour la défense des droits de la communauté Yanomami, en mêlant des médias différents. En complément, nous avons produit plusieurs grands formats de contenus audiovisuels (dont des films-portraits) et une série de podcasts. Notre offre digitale a été imaginée comme une échappée poétique face à la crise sanitaire inédite que nous vivions, en proposant - en complément des contenus pensés pour faire vivre l’exposition de Claudia Andujar - des séquences liées à l’environnement. Ces contenus ont été conçus en dialogue avec les artistes.
Ne pas surcharger la production numérique déjà disponible.
Nous avons ainsi mis à l’honneur l’œuvre du bioacousticien Bernie Krause, que nous avions exposée en 2016, avec le site du « Grand Orchestre des Animaux » et en offrant aux publics, sur nos plateformes, un paysage sonore inédit sur l’Amazonie qu’il a composé pour l’occasion. D’autres artistes proches de la Fondation comme Raymond Depardon et Claudine Nougaret, nous ont aussi permis de diffuser, sur notre site internet, des films dans leur intégralité pendant toute la durée du confinement. Autant de gestes généreux de la part de tous ces artistes qui ont reçu un écho positif auprès de nos publics.
Le second confinement a entrainé quant à lui la fermeture, après seulement quelques jours d’ouverture, des expositions de l’artiste américaine Sarah Sze et du cinéaste arménien Artavazd Pelechian. Nos contenus numériques ont été pensés avec l’expérience de la situation sanitaire précédente. Ces deux expositions ont été l’occasion d’inventer de nouveaux formats d’événements live diffusés sur nos plateformes digitales comme la balade-conversation qui a réuni Sarah Sze et le philosophe Bruno Latour et a permis aux publics de découvrir en avant-première l’exposition.
Un nouveau rendez-vous en ligne autour des éditions de la Fondation a été créé, les Art Book Series dont le premier numéro été lancé à l’occasion de la parution du livre Rural de Raymond Depardon. Parmi les événements live, il y a eu également le concert de la chanteuse Emel fin décembre. Ces événements sont disponibles en replay sur notre chaine Youtube.
Nous avons aussi développé de nouveaux projets digitaux pour chacune de ces deux expositions : une application en réalité augmentée, Night Vision, conçue par l’artiste Sarah Sze et disponible gratuitement sur Apple Store et Google Play. Elle permet de découvrir l’univers de l’artiste et invite à une autre exploration de son travail. Prochainement sera également lancé un projet éditorial en ligne ambitieux, un site de référence sur la vie et l’œuvre du cinéaste Artavazd Pelechian.
Quelle exploitation en public vos expositions ont-elles pu connaître en 2020 et comment cela a-t-il transformé votre calendrier ?
Suite à sa fermeture en mars, nous avons décidé de décaler notre calendrier pour prolonger l’exposition de Claudia Andujar tout au long de l’été, elle a d’ailleurs attiré un public jeune, sensible aux problématiques qu’elle aborde. Un concert de Rodolphe Burger a également pu se tenir dans notre jardin dans le cadre d’une Soirée Nomade, en juin dernier et a été diffusé également en livestreaming. Cela a été un moment tout à fait unique à la sortie du confinement.
Un nouveau décalage de notre calendrier peut être envisagé.
Concernant les expositions de Sarah Sze et d’Artavazd Pelechian, elles n’ont connu que quelques jours d’ouverture au public, pourtant très prometteurs au vu du nombre d’entrée. Une exposition de Damien Hirst est programmée fin mai/ début juin 2021. Nous travaillons sur d’éventuelles adaptations de notre calendrier selon l’évolution de la situation ces prochains mois.
La crise a également affecté notre calendrier de programmation à l’étranger. Mais aucun projet n’a été annulé, tous ont été reportés. L’exposition de Claudia Andujar a voyagé à Milan, dans le cadre de notre partenariat avec la Triennale Milano, où elle n’a hélas connu qu’une brève ouverture au public, et d’autres expositions devraient se tenir en Chine prochainement. Nos contenus digitaux, traduits en plusieurs langues, nous ont permis de garder le lien avec nos publics étrangers.