VR : quelle forme et quels financements pour le film du Château de Chambord ?
Par Thomas Corlin | Le | Médiation
La VR part à l’assaut du patrimoine et des musées, mais pas n’importe comment. Le Château de Chambord (Loir-et-Cher) s’est équipé d’un film de 12 minutes sur l’histoire et l’architecture du lieu. Son exploitation pourrait dépasser l’enceinte du site, d’après Cécilie de Saint Venant, directrice de la communication du lieu, Arnaud Lemaire de Kemmel Production et l’historien Arnault Berthoux.
L’idée de ce film en réalité augmentée est-elle née avec la crise ou découle-t-elle d’une envie d’innovation numérique pour votre site ?
Pendant longtemps, la 3D ne nous semblait pas satisfaisante, mais aujourd’hui la technologie est assez équilibrée pour restituer la richesse du patrimoine architectural.
Cécilie de Saint Venant : C’est un désir de longue date, qui s’est concrétisé au gré des périodes de fermeture et s’inscrit dans une série de projets déjà réalisés. Nous recevons beaucoup de propositions en ce sens, la technologie 360° est très prisée dans le domaine patrimonial, et il n’est pas toujours évident de faire le tri parmi celles-ci. Nous veillons à ne pas faire du technologique pour du technologique, et sélectionnions des projets qui font sens et entrent en harmonie avec le lieu. Il y a d’abord eu une tablette, l’Histopad, dès 2015. Puis, lors du confinement, l’explosion de la fréquentation sur notre site, qui a grimpé de 89 %, nous a décidé à nous investir davantage.
Quel était le cahier des charges du film et quelle est sa forme finale ?
Cécilie de Saint Venant : Le film a été le fruit d’une rencontre avec Kemmel Production, qui avait déjà travaillé sur Notre Dame de Paris en 2010. Le château était vide pendant le confinement, une vision quelque part effrayante, que nous avons voulu sublimer. Arnaud Le Maire de Kemmel et l’historien Arnauld Berthoux (qui a écrit le texte) ont proposé ce film, conçu comme un voyage vu du ciel, partant d’Italie (l’architecture de Chambord s’inspire de Léonard de Vinci) et offrant des vues imprenables qui exaucent le vœu de François Ier d’admirer en hauteur l’ouvrage qu’il a fait édifier, qu’il espérait offrir à la vue de Dieu.
Arnaud Lemaire et Arnault Berthoux : Il s’agit au final d’un film de 12 minutes, qui propose une vraie expérience esthétique et historique en soi. Il peut être vu par 28 personnes par séance. Pendant longtemps, la 3D ne nous semblait pas satisfaisante en terme de finition, mais aujourd’hui la technologie est assez équilibrée pour restituer la richesse du patrimoine architectural. Les drones permettent d’observer de près, pour la première fois, certains décors sculptés, ainsi que les 282 cheminées et tours qui dominent le château. L’intimité créée par le format offre au spectateur une imprégnation sans précédent et crée un dialogue inédit avec le monument. Le texte est quant à lui narré par Lambert Wilson et Claire Chazal. Le film est en train d’être traduit dans plusieurs langues, 45 % des visiteurs du site étant étrangers.
Sur quel modèle économique a-t-il été produit ?
Arnaud Lemaire et Arnault Berthoux : Kemmel prend à sa charge les frais de production, la réalisation, le montage, ainsi que le cachet des deux narrateurs. Un « couloir » de remboursement est mis en place grâce à un partage des recettes sur l’exploitation du film. C’est un modèle rare, mais plutôt courant sur ce type de projet. Nous envisageons désormais une exploitation du film hors du Château de Chambord, dans des salles dédiées, sur des plateformes et sur le marché des spectateurs déjà équipés de casques de VR. Nous réfléchissons par la suite à monter une antenne de Kemmel spécialisée dans le patrimoine, cette expérience est pour nous la première de cette envergure dans ce domaine.
L’expérience en VR du film coûte 8 euros, en plus de l’entrée du site. Chambord a pris en charge l’achat d’une soixantaine de casques.
Cécilie de Saint Venant : Nous avons voulu travailler avec une société de production qui s’engage dans le projet sur le long terme, pas un simple prestataire. L’expérience en VR du film est payante sur le site, ce n’est pas juste un à-côté gratuit pour distraire les visiteurs. Elle coute 8 euros, en plus de l’entrée du site. Chambord a pris en charge l’achat d’une soixantaine de casques. Il faut rappeler que le site est un Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) qui s’autofinance à 92 %.
Quelle réouverture a connu le lieu depuis septembre ?
Cécilie de Saint Venant : La vidéo a justement suscité la curiosité de nos visiteurs, qui sont revenus nombreux dès la Toussaint, où nous avons atteint des records de fréquentation. Mis à part cela, nous avons retrouvé un rythme de croisière, malgré une baisse du visitorat étranger - qui tombe aujourd’hui à 15 %. Nous travaillons davantage la clientèle familiale et le jeune public aujourd’hui, ainsi que divers projets sociaux en cours.