Patrimoine : reprise et innovations vidéo aux Catacombes de Paris
Par Thomas Corlin | Le | Médiation
Les célèbres souterrains des Catacombes de Paris (14e) ont repris du service avec une nouvelle typologie de public, et des contenus vidéos. Scarlett Greco, cheffe du service numérique de Paris Musées, et Maximilien Durand, conservateur du site, décrivent des outils qui jettent une nouvelle lumière sur ce site iconique.
Avec quels moyens et dans quel objectif avez-vous produit la visite en ligne de votre site ?
Scarlett Greco : Il y avait une nécessité de construire une expérience vidéo qualitative des Catacombes, à la fois pour rendre compte du caractère inédit de ce site et pour y faire entrer, ne serait-ce que virtuellement, les publics à mobilité réduite, ces souterrains ne permettant pas une accessibilité optimale. C’est aussi une façon de découvrir un site certes connu, mais que beaucoup n’ont jamais visité, pour éventuellement le découvrir sur place ultérieurement.
La visite en ligne coûte 3 à 5 euros selon les tarifs, pour une durée de 40 minutes.
Nous avons procédé en interne à une écriture de scénario, qui collait le plus possible à la visite réelle. Il fallait tant que possible restituer la sensation physique de la descente, de la déambulation souterraine. Pour cela, nous avons fait appel à la société de production audiovisuelle Découpages, basée à Montreuil (Seine-Saint-Denis), qui disposait de caméras assez puissantes pour tourner dans des conditions de faible luminosité. Cette vidéo a été réalisée sur le budget courant du lieu.
Ce projet s’inscrit dans une série de contenus vidéos datant de la pandémie, des cours d’histoire de l’art notamment, auxquels nous donnons accès en ligne une semaine après qu’ils se sont tenus dans notre auditorium, moyennant un tarif, inférieur à celui qui est pratiqué sur place. La visite en ligne coûte quant à elle 3 à 5 euros selon les tarifs, pour une durée de 40 minutes. Nous développons aussi des podcasts tout au long de la période, que nous reconduisons puisqu’ils ont trouvé leur public.
Quels sont les axes traités pour mettre en lumière les Catacombes, objet de beaucoup de projections ?
Maximilien Durand : Les Catacombes représentent pour beaucoup l’occasion d’une visite insolite à thématique macabre. Nous voulions apporter un discours neuf à cet endroit-là, qui remette au centre l’intérêt historique du site, et lui rende peut-être aussi un peu de dignité. Les Catacombes ont tout d’abord une dimension géologique, que nous couvrons avec l’aide d’un ingénieur. Ensuite, des recherches plutôt récentes ont permis de préciser la raison de ces transferts d’ossements, justifiés par la saturation des cimetières à la surface.
Le site se devait d’être autre chose que l’occasion d’une visite insolite un peu macabre.
Enfin, un éclairage philosophique est amené par un anthropologue, qui pointe le changement de paradigme dans les pratiques funéraires qu’implique l’existence d’un tel lieu. Les Catacombes ont vu le jour peu avant la Révolution, et se posaient déjà comme un cimetière républicain laïc, déconnecté de l’Église. Elles sont naturellement l’occasion d’une réflexion cruciale sur la mort et le devenir des restes humains. Tous ces éclairages se font à l’aide de documents, d’archives, d’œuvres d’art prêtées par Paris Musées et mis en ligne en Open Source.
Enfin, les visiteurs des Catacombes étant majoritairement étrangers, et très souvent nord-américains, il était de la plus haute importance de proposer cette vidéo en bilingue, et non pas seulement sous-titrée, pour le confort maximal des non-francophones.
Sur place, comment s’est déroulée la réouverture du site ?
Maximilien Durand : La mise en place des protocoles a été fluide, le public en est même plutôt rassuré, notamment en raison des dispositions particulières du lieu, souterrain et encaissé. Les expositions dans notre partie musée marchent très bien. Pour les Catacombes, la fréquentation est également satisfaisante et nous observons un changement dans la typologie du public. L’essentiel de notre visitorat est d’habitude étranger, mais il devient bien plus national, voire très local. Il semblerait que de nombreux habitants de la région se soient décidés à découvrir un site qu’ils ne connaissaient peut-être que de nom ou de réputation, sans l’avoir jamais visité.
Enfin, la réservation en ligne est désormais obligatoire, ce qui a mis fin aux interminables files d’attente dans la zone de Denfert-Rochereau. C’est un confort pour le public et le personnel, et une nuisance de moins pour les riverains.