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Médiation : quelques clés de la réussite pour musées et sites patrimoniaux

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Depuis trente ans, Métapraxis a fait de la muséographie et de la médiation son cœur de métier. Directrice du cabinet, Muriel Meyer partage son expérience.

Le MusVerre, musée du verre d’art contemporain à Sars-Poteries - © Métapraxis
Le MusVerre, musée du verre d’art contemporain à Sars-Poteries - © Métapraxis

Comment les demandes des établissements culturels ont-elles évolué au cours de ces dernières années  ?

J’espère voir les établissements culturels aller vers une médiation personnalisée qui s’adapte à chaque visiteur.

Les établissements culturels demandent de plus en plus de technologie dans leurs parcours de visite. En 1990, j’organisais une exposition intitulée Mémoire d’Égypte. L’exposition s’est déroulée à Strasbourg, Paris et Berlin durant quelques mois. Chaque édition rassemblait près de 300 000 personnes. À l’époque cette exposition était révolutionnaire car nous avions du numérique : à l’aide d’une technologie au laser, une vidéo tournait en boucle dans une salle : quand le visiteur se déplaçait d’une salle à une autre avec son casque, il pouvait capter le son du nouvel espace grâce à la diffusion infrarouge. C’est comme s’il zappait les chaines en marchant. Le public était émerveillé.

Cette exposition était temporaire. Par la suite nous avons tenté de mettre des écrans et de proposer plus de technologies dans des expositions permanentes mais nous nous sommes heurtés aux réticences des établissements culturels. Ces écrans d’abord indésirables sont devenus indispensables au fil du temps. Aujourd’hui il est très rare de ne pas avoir une diffusion audiovisuelle ou un écran tactile sur un parcours de visite. Nous sommes passés du rejet à un fort souhait de technologie. Sans visiteurs, les établissements culturels n’existent plus, le numérique a permis à certains de continuer à vivre. La technologie permet à l’art et la culture de s’exprimer autrement. Elle offre des nouvelles formes de médiation.

Exposition permanente du 5e Lieu, le CIAP de Strasbourg, intitulée « Un voyage à Strasbourg » pour L’Eurométropole de Strasbourg, inaugurée en 2019. - © Métapraxis
Exposition permanente du 5e Lieu, le CIAP de Strasbourg, intitulée « Un voyage à Strasbourg » pour L’Eurométropole de Strasbourg, inaugurée en 2019. - © Métapraxis

En tant que muséographe, vous travaillez dans la médiation depuis 1990, quelle est votre vision sur l’évolution du domaine ?

Faire de la médiation, c’est savoir interagir avec le public. Il faut toujours réfléchir aux modes de récit les plus adaptés pour emmener le visiteur à bien comprendre l’histoire du lieu de visite et de l’objet exposé. Par exemple, lorsque nous avons conduit les travaux de réhabilitation de la bibliothèque des Dominicains à Colmar, nous avons choisi de faire un parcours de visite sous la forme d’une rétro chronologie. L’établissement a été construit au XVIIIe siècle au moment des confiscations révolutionnaires. À cette époque, des ouvrages ont été regroupés dans des entrepôts qui sont devenus des bibliothèques patrimoniales car ils abritent des manuscrits datant du XIIIe siècle pour les plus vieux. Grâce à cette narration rétro-chronologique, le public comprend d’abord dans quel contexte a été construit le bâtiment puis quels sont les objets mis en valeur tout au long du parcours. 

Trente ans d’expérience dans la muséographie

Muséographie : ensemble des techniques de conception et d’organisation des musées ; art de penser, construire et aménager un espace pour raconter une histoire à partir d’une thématique ou d’un matériel scientifique.

Créé en 1990 par Muriel Meyer, Métapraxis est un cabinet de muséographie spécialisé dans la maîtrise d’œuvre et l’assistanat à maîtrise d’ouvrage.

Métapraxis a participé à l’élaboration et la réhabilitation de prestigieux lieux de culture : 

• Le musée régional rhénan à Bonn, en Allemagne

• Le musée des Confluences à Lyon

• Le MusVerre Hauts-de-France à Sars-Poteries

• Le 5e Lieu, Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine de Strasbourg

• Le Château de Malbrouck 

En trente ans d’expérience ma vision sur la médiation a évolué. J’espère voir les établissements culturels aller vers une médiation personnalisée qui s’adapte à chaque visiteur. L’utilisation des nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle, peut nous aider dans cette démarche. En connaissant mieux le comportement et les centres d’intérêts des visiteurs, notre médiation sera plus efficace car nous pourrons créer une relation de proximité avec eux.

Le CIAP du Pays de Guebwiller en Alsace, au Château de la Neunbourg, inauguré en 2019.  - © Métapraxis
Le CIAP du Pays de Guebwiller en Alsace, au Château de la Neunbourg, inauguré en 2019. - © Métapraxis

Après trente ans d’existence, quelles sont vos observations sur les visiteurs de musées et leurs besoins ?

En réalité lorsqu’un visiteur vient dans un musée, son désir n’est pas d’apprendre mais plutôt découvrir et comprendre ce qu’on va lui présenter. En tant que concepteur, il est très important de saisir cette nuance pour réussir la médiation avec le public. Plutôt que d’emmagasiner des connaissances de manière brute, le visiteur souhaite ressentir l'« effet whaouh ». Nous travaillons afin de créer le meilleur parcours de visite possible mais on ne sait jamais avec certitude comment le public va réagir. L’essentiel c’est de se positionner comme un accompagnateur dans le récit qu’on lui présente. Le visiteur souhaite être embarquer dans une aventure. La manière dont on a construit le parcours de visite doit lui permettre de vivre cette aventure dans les meilleures conditions.

Quels sont les éléments nécessaires pour créer un bon parcours de visite ? 

Notre travail, c’est de donner au visiteur l’envie d’aller au bout du parcours.

Il faut interroger les visiteurs et analyser leurs comportements pour choisir les types d’activité à mettre en place. Par exemple savoir s’il faut proposer des jeux, déterminer dans quelle mesure recourir à la technologie et aux objets numériques. Le plaisir est capital dans un parcours de visite. Il faut supprimer les éléments qui compromettent l’amusement et la compréhension du public. Cela peut être un écran mal éclairé, un élément sonore mal réglé, un jeu ou du matériel défectueux. En venant dans un lieu de culture, le visiteur sait qu’il aura de la lecture à faire, qu’il devra écouter ou observer des éléments, parfois même résoudre des énigmes. L’agencement du parcours doit lui permettre de ne jamais être perdu et de toujours s’amuser. Si le visiteur a le moindre doute ou s’il est irrité, il est découragé puis mécontent. Notre travail, c’est de donner au visiteur l’envie d’aller au bout du parcours. Un visiteur satisfait est un visiteur qui va ensuite témoigner positivement de l’établissement.