Médiation, droits culturels : comment le MAC VAL élabore son audioguide multilingue
Par Bertrand Dicale | Le | Médiation
Depuis septembre 2021, le Musée d’art contemporain du Val-de-Marne met à la disposition des visiteurs un audioguide écrit et enregistré par des bénévoles, avec des analyses et commentaires des expositions en lingala, malgache, portugais et italien. Une nouvelle session d’enregistrement se tiendra au cours de ce printemps pour une extension l’été prochain. Explications avec Irène Burkel, chargée de l’accessibilité auprès des publics et responsable du projet.
À quels besoins vient répondre la mise en place de cet audioguide ?
Beaucoup de minorités sont dotées d’un important bagage culturel mais n’ont pas de visibilité dans le discours public.
Tous les médiateurs de musée le constatent, les discussions avec le public autour des œuvres donnent lieu à des moments d’échanges très riches. Beaucoup de témoignages et d’expériences de vie de la part du public viennent enrichir l’analyse et la lecture des œuvres. Malheureusement, cela reste à l’oral et n’est pas matérialisé. En tant que médiateur, on se demande souvent comment réussir à exploiter ces échanges de manière concrète.
Certains avis ne sont jamais pris en compte dans l’histoire de l’art. Beaucoup de minorités sont dotées d’un important bagage culturel, avec notamment une grande diversité de langues, mais elles n’ont pas de visibilité dans le discours public. Aujourd’hui, la notion de droit culturel est au cœur des débats et des préoccupations. Par la mise en place de notre audioguide multilingue, notre démarche est d’apporter une réponse à ces différents besoins. Pour cela nous avons choisi de nous orienter vers ce projet qui place le public comme participant à l’offre artistique du musée.
Comment se déroule la participation des volontaires et l’élaboration de l’audioguide ?
Il n’y a pas de prérequis nécessaires pour participer à l’élaboration du guide. Avoir un bagage en histoire de l’art n’est pas obligatoire. Nous laissons les volontaires apporter leur propre regard sur les œuvres. Nous souhaitons qu’ils enrichissent l’audioguide grâce à leur culture et au travers de leur langue. Toutefois, un niveau minimum de français est nécessaire pour participer. Lors de notre première session d’enregistrement nous avons suivi ce procédé et il n’y a pas eu de sélection. Nous avons adressé l’appel à plusieurs structures telles que des ambassades et des associations communautaires, puis nous avons accueilli les différents volontaires. Pour la prochaine session d’enregistrement, nous souhaitons que les bénévoles conservent la même liberté.
Au niveau des langues enregistrées, nous avons également décidé de ne pas faire de sélection. Le MAC VAL considère que chaque langue représente un apport, même si cette langue est très peu parlée en France et dans le Val-Marne. Aujourd’hui notre audioguide compte quatre langues avec le lingala, l’italien, le portugais et le malgache. Nous attendons beaucoup de la prochaine session d’enregistrement.
Notre public est très varié et nous souhaitions valoriser sa diversité. L’objectif de ce projet est de mettre en valeur la richesse culturelle d’un territoire comme le Val-de-Marne.
D’un point de vue technique, nous collaborons avec la société Audiovisit, spécialisée dans la création, la conception et la mise en place d’outils de visite. Nous avons travaillé ensemble la méthodologie. Ils ont effectué les premiers enregistrements puis ils ont élaboré un système pour que nous soyons en mesure de poursuivre en toute autonomie. Aujourd’hui nous enregistrons depuis l’auditorium du MAC VAL. Une fois les enregistrements effectués, Audiovisit prend en charge le montage.
Qu’attendez-vous de l’impact de l’audioguide auprès du public ?
Notre public est très varié et nous souhaitions valoriser sa diversité. L’objectif de ce projet est de mettre en valeur la richesse culturelle d’un territoire comme le Val-de-Marne. Par la participation volontaire et bénévole des habitants et des habitantes du département, nous voulons nous inscrire dans une démarche de cocréation avec le public.
En ce qui concerne les visiteurs, nous souhaitons que le public soit agréablement surpris. Nous voulons que les visiteurs se sentent les bienvenus au musée et qu’ils aient ce sentiment d’être reconnus dans leur identité. Grâce à cet outil, nous voulons redéfinir la relation entre l’individu et l’établissement. Le visiteur pourra se dire que l’institution a pensé à lui individuellement dans sa particularité. Le public se sentira davantage légitime à fréquenter le musée.
Quelles sont les perspectives d’évolution et d’avenir de cet outil ?
En plus de donner l’occasion aux bénévoles de participer, l’audioguide a aussi vocation à devenir un outil de visite pour les personnes locutrices de ces langues. Cela ouvre un grand champ de possibilités. Notre musée prend une dimension internationale et cela permet d’accueillir un public plus large. Nous savons néanmoins que certaines traductions auront plus de portée que d’autres car certaines communautés comptent plus d’habitants que d’autres.
Cependant, nous croyons que toutes les langues méritent d’être représentées, donc nous souhaitons effectuer le maximum d’enregistrements pour garantir cette offre de diversité culturelle à notre public. Au MAC VAL, les expositions changent chaque année, donc il y a un renouvellement perpétuel et il y aura toujours de la matière pour travailler. L’audioguide multilingue est un outil qui s’inscrit dans la durée.
Le MAC VAL en bref
Musée d’art contemporain du Val-de-Marne (MAC VAL), Place de la Libération à Vitry-sur-Seine
• 1999 : collection agréée par le conseil artistique des musées et Projet Scientifique et Culturel validé par la Direction des Musées de France.
• La collection du MAC VAL, née d’une politique départementale de soutien aux artistes mise en œuvre en 1982, a pour spécificité l’art contemporain en France à partir des années 1950.
• Collection constituée de « plus de 2 500 œuvres reflétant la création de près de 330 artistes »
• Direction : Alexia Fabre