Médiation culturelle : le Collectif Wow rassemble les indépendants de la zone francophone
Par Thomas Corlin | Le | Médiation
Peu identifiés et pourtant de plus en plus nombreux, les médiateurs indépendants ont désormais leur collectif, Wow. L’initiative est portée par quatre médiatrices éparpillées entre la Suisse et le France, et ambitionne une cartographie complète du métier, d’après l’une d’entre elles, Anne-Sophie Marchal, de la structure suisse la Lucarne.
Quelles sont les problématiques propres aux médiateurs indépendants ?
Les musées embauchent moins et le freelance séduit.
L’indépendance et le freelance ont de plus en plus de succès auprès des médiateurs depuis environ 2017. Les structures muséales embauchent moins ou ne renouvellent pas toujours les postes, ce qui engendre une saturation du marché, avec de nombreux nouveaux arrivants injectés chaque année. Or, il est difficile de s’identifier auprès des employeurs pour obtenir des mandats ponctuels.
Qu’importe le métier, l’indépendance représente une charge de travail considérable, en plus de sa pratique propre, et il n’existe pas de formation à ces tâches-là. Budget, communication, administratif, etc : nous voulons mettre en commun les compétences à ce niveau. La micro-entreprise est généralement la configuration la plus choisie par les médiateurs indépendants, bien qu’il n’y ait pas qu’elle.
Quel est le statut du Collectif Wow et à qui s’adresse-t-il ?
C’est pour l’instant une initiative totalement bénévole sans statut juridique, même si nous entreprenons les démarches pour devenir une association. L’adhésion est à 20 euros et requiert la signature d’une charte - c’est ma structure, La Lucarne, qui endosse temporairement la facturation pour le collectif. Nous sommes quatre médiatrices (avec Pauline Lacaze de l’Atelier Bordelais, Cécile Bonneau des Petites Évasions, Émilie Lebel des Regards en Miroir) officiant dans des domaines comme l’architecture, le patrimoine, les beaux arts, l’art contemporain, pour tous les publics ou le jeune public en particulier. Nous ne sommes pas un collectif de professionnels qui traiterait des appels à projets, mais une sorte de syndicat sans véritable revendication. Il n’existe presque rien pour mettre en lien les médiateurs indépendants, à l’exception d’un groupe sur Facebook et de Linkedin. Wow pourrait combler ce manque.
Nous comptons déjà 25 adhérents et un millier de followers tous réseaux sociaux confondus.
Tous les médiateurs indépendants sont les bienvenus, et ce dans la zone francophone. Nous ne préférons pas intégrer les artistes-médiateurs qui, du fait de leur double statut, ne partagent pas les mêmes problématiques que nous. Une façon d’intégrer les médiateurs étudiants est en réflexion, mais il n’est pas possible pour l’instant de les intégrer à nos échanges, puisqu’ils ne connaissent pas encore la réalité du métier. Ma structure et celles des autres fondatrices sont basées en France et en Suisse, nous avons eu beaucoup de réponses en France, quelques-unes en Belgique, et nous sommes convaincues que nous pourrions en avoir au Canada francophone. Nous comptons déjà 25 adhérents et un millier de followers tous réseaux sociaux confondus. Nous avons organisé notre première rencontre avec les membres le 1er décembre dernier. Pour l’instant, tout est gratuit sur le site, nous proposons des ressources en accès libre, mais réfléchissons à une petite rémunération à terme.
Comment les médiateurs indépendants se remettent-ils de la crise ?
Nous avons été touchés, mais l’indépendance permet peut-être de mieux résister en créant ses propres outils. Une des fondatrices, Cécile Bonneau, spécialisée dans le territoire rural, le patrimoine, l’histoire et les beaux arts, a monté sa propre structure, Les Petites Évasions, en mars 2020, devant l’impossibilité de travailler dans les institutions à ce moment-là. Une de nos membres a lancé Créazine à Cherbourg : elle se servait auparavant des collections de musées, puis a constitué la sienne propre, monté sa micro-entreprise et s’est déplacée avec ses œuvres pour proposer une médiation itinérante.
Quelles bonnes pratiques s’échangent au sein du collectif ?
Il y a d’abord le volet administratif et la réalité économique du métier, sur lesquels nous pouvons échanger ouvertement - comme, par exemple, des questions de grille tarifaire. Côté techniques de médiation, il y a des échanges, dans une certaine mesure. Tout le monde ne souhaite pas forcément donner ses trucs et astuces, il y a un peu de rétention d’information, c’est naturel. C’est un métier compétitif, il est d’ailleurs déjà arrivé que deux membres issus de la même ville se rencontrent par Wow et, au lieu de rester en concurrence sur les mêmes réseaux et pratiques, choisissent de devenir partenaires.