Publics

Culture et ruralité : La Lisière, acteur du développement culturel en Essonne

Le | Médiation

Depuis douze ans, la résidence de création artistique La Lisière organise le festival De jour // de nuit dans les villages d’Essonne. Dans ce deuxième article d’un diptyque consacré au festival, le directeur de La Lisière, Alexandre Ribeyrolles, explique comment l’événement contribue au développement de l’activité culturelle sur ce territoire.

Le spectacle « Une pelle » de la compagnie D’un ours.  - © D’un ours
Le spectacle « Une pelle » de la compagnie D’un ours. - © D’un ours

Quels sont les enjeux de l’action culturelle dans les zones rurales d’Essonne ?

Notre festival aide les collectivités à mener une politique culturelle territoriale plus efficace, notamment en redynamisant le mandat des élus à la culture.

L’Ile-de-France est l’une des régions les plus peuplées et les plus dynamiques d’Europe. Elle est réputée pour son activité économique et son paysage urbain. Pourtant, à seulement dix minutes de la banlieue urbaine en Essonne, il existe d’autres paysages avec une grande diversité d’espaces naturels et d’espaces verts. On y trouve même des zones d’activités agricole. On ne montre pas souvent le côté rural de l’Ile-de-France alors que celui-ci est très vivant et accessible. Valoriser un territoire fait partie des missions portées par un établissement culturel. Le festival De jour // de nuit ne fait pas que promouvoir les art de la rue, il emmène également les habitants à prendre conscience de la richesse de leur territoire. Il y a un enjeu autour du tourisme de proximité et un travail est fait pour révéler cette face cachée de la région et lui donner une identité culturelle et artistique.

Notre festival aide les collectivités à mener une politique culturelle territoriale plus efficace. L’enjeu est de redynamiser le mandat des élus à la culture. Être un élu n’est pas un métier à plein temps. Malgré leur engagement, les élus chargés de la culture peuvent parfois manquer de certains codes et de quelques automatismes au moment de travailler à l’avancement des différents projets dont ils sont en charge. Quand nous construisons la programmation du festival, nous réunissons régulièrement les élus pendant plusieurs mois. Lors de ces temps d’échanges, nous les aidons à mieux comprendre et à s’emparer pleinement des sujets pour lesquels ils ont un mandat.

Le troisième enjeu est la construction d’un espace public non urbain. L’art et la culture sont des outils pour construire cet espace dans les villages. L’espace public est souvent défini comme un lieu ouvert en zone urbaine. Le festival De jour // de nuit permet aux arts de la rue de s’exporter dans les villages et de parler à tout le monde dans un lieu ouvert en zone rurale. Les habitants des villages se réunissent ensemble autour de l’art et la culture qui deviennent alors leurs bien commun. Toutes les mairies et les villages recevant le festival proposent un moment de convivialité autour d’un pot, avant ou après les spectacles. Il y a une volonté commune de créer un espace de partage entre les habitants.

Le spectacle « Bluff » de la compagnie 100 Issues. - © 100 Issues.
Le spectacle « Bluff » de la compagnie 100 Issues. - © 100 Issues.

Comment parvenez-vous à garantir la gratuité du festival et comment se déroule son organisation ?

Pour développer l’activité culturelle d’une région ou d’un département, il faut savoir collaborer avec les collectivités territoriales. Nous recevons des soutiens financiers du département de l’Essonne, de l’agglomération Cœur d’Essonne et de la région Ile-de-France. Ces apports sont essentiels pour maintenir la gratuité des spectacles et prendre en charge le déploiement des équipes. L’ensemble du personnel de La Lisière est mobilisé. Nous faisons appel à deux stagiaires pour s’occuper de l’accueil des publics. Lors du festival nous embauchons temporairement trois personnes pour assurer la médiation. Le caractère itinérant de notre événement implique d’avoir une bonne équipe technique. Au niveau opérationnel, nous avons un régisseur, un directeur technique et sept à huit techniciens.

Chaque jour vingt à vingt-cinq personnes travaillent autour du festival et s’y ajoutent les artistes. Dans chaque village où le festival se déploie, plusieurs bénévoles nous apportent une aide précieuse. Par exemple, sur quinze jours, la partie catering demande à elle seule la préparation et la distribution de sept cents repas. L’implication des habitants en tant que bénévoles est un bénéfice pour nous mais également pour eux. En faisant partie de l’organisation du festival, ils contribuent au développement de l’activité culturelle dans leur territoire.

Le spectacle « Rhinocéros » d’Archibald Caramantran. - © Archibald Caramantran.
Le spectacle « Rhinocéros » d’Archibald Caramantran. - © Archibald Caramantran.

Après douze ans d’existence, quel bilan faites-vous de l’impact du festival sur le département de l’Essonne ?

Le festival a également donné naissance à une véritable communauté parmi les habitants des villages d’Essonne.

Lors de ces dernières années, le festival a contribué à l’avancement de l’action culturelle dans les villages d’Essonne par la création d’un véritable réseau d’élus et de communes ayant comme sujet commun la culture. Grâce aux réunions régulières autour de la programmation du festival, ces élus ont noué des liens forts qui leur permettent de collaborer et de mobiliser des ressources plus facilement pour développer des projets culturels. L’engagement des collectivités territoriales pour l’essor de la culture dans les villages est devenu de plus en plus important au fil des années. Par exemple pendant la crise sanitaire, lorsque la place de la culture était questionnée dans le débat public, lés élus ont pris leurs responsabilités : le festival a pu survivre et les artistes ont été payé alors qu’ils n’avaient pas joué.

Le festival a également donné naissance à une véritable communauté parmi les habitants des villages d’Essonne. Aujourd’hui, nous pouvons dire que nous bénéficions d’un public fidèle. Certains spectacles rassemblent jusqu’à cinq cents personnes. Au départ, les habitants n’allaient qu’aux représentations dans leurs villages. Au fur et à mesure des années, on voit de plus en plus de personnes se déplacer d’une commune à l’autre pour suivre le festival. Lors de cette édition 2023, nous avons vu des spectateurs faire cinq à six villages. Nous sommes également heureux de voir qu’après douze ans, le public s’est familiarisé aux arts de la rue. Aujourd’hui, le festival est un événement attendu, les spectateurs sont plus exigeants sur la qualité des spectacles.