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Pass culture : l’USEP-SV appelle à plus de transparence

Par Thomas Corlin | Le | Médiation

Désormais réparti entre un chèque individuel et une enveloppe collective confiée aux établissements scolaires, le Pass Culture fait encore l’économie d’une véritable médiation culturelle, selon l’Union syndicale des employeurs du secteur public du spectacle vivant (USEP-SV). Vincent Roche-Leccas, vice-président du SNSP, propose d’impliquer les intermédiaires de la culture dans l’éditorialisation de la plateforme.

Atelier de médiation au Théâtre de Bourg-En-Bresse (Ain), que dirige Vincent Roche-Lecca.. - © Service communication de la Scène nationale de Bourg-en-Bresse
Atelier de médiation au Théâtre de Bourg-En-Bresse (Ain), que dirige Vincent Roche-Lecca.. - © Service communication de la Scène nationale de Bourg-en-Bresse

Cette nouvelle répartition entre choix collectif et individuel du budget du Pass Culture va dans le sens de vos préconisations. Comment peut-elle être optimisée ?

En effet, notre réseau appelait de ses vœux une offre du Pass Culture consistant à la fois en un chèque remis aux jeunes qui le dépensent selon leurs envies, mais aussi en une enveloppe remise à un intermédiaire, comme c’est le cas désormais. Les établissements scolaires disposent en moyenne de 800 € par classe en sorties culturelles et c’est précieux. 

Seulement, nous regrettons à nouveau l’opacité de l’opération, qui se joue directement entre l’agence Pass Culture et les établissements. Ce qui est donc ici proposé est une plateforme sur laquelle figure une sélection de spectacles, parmi lesquels les établissements font leur choix et achètent directement une création, pratiquement sur le mode du « click and collect ».

Cette répartition nous semble aussi peu équitable : en l’état, 250 M€ sont alloués à la part individuelle - les chèques personnels directement confiés aux jeunes - et 45 M€ sont redirigés vers les établissements scolaires. Un meilleur équilibre aurait pu être imaginé. 

Le Pass Culture pense participer à une politique de la demande mais procède selon une politique de l’offre. Cette enveloppe de 250 M€ n’est pas tant une cagnotte supplémentaire permettant à des jeunes de découvrir de nouveaux horizons culturels, mais surtout un redéploiement d’argent public. L’application et la plateforme sont à l’image de ces bouquets de chaîne qui sont proposés aux téléspectateurs : ils en ont une centaine à portée de main, mais tout le monde s’étonne qu’ils n’en regardent que quelques-unes, à savoir celles qu’ils regardaient déjà avant. 

À quel endroit situez-vous cette opacité ?

Il faut rappeler tout d’abord que le Pass Culture est géré par une agence privée, alors que l’État a déjà des antennes très performantes en région. Le SNSP s’est longtemps opposé à « l’agenciarisation » de ce type de mission de service public. C’est ici une opération brassant des millions d’euros qui est confiée à une structure externe dont nous ne connaissons pas les critères.

Le Pass Culture pense participer à une politique de la demande mais procède selon une politique de l’offre.

Comment sont choisis les spectacles figurant sur la plateforme ? Quelle médiation est opérée par la société Pass Culture ? Quels sont ses choix éditoriaux, ses directives ? Quels sont les spectacles qui ne figurent pas sur la plateforme et pourquoi ? Quelle évaluation est prévue pour savoir vers quoi les jeunes se sont tournés ? Nous n’expliquons pas que ces éléments ne soient pas fournis en toute transparence, alors que le dispositif est déjà enclenché sur plusieurs territoires. 

Enfin, nous n’avons que peu d’éléments sur les critères qui conditionnent l’usage du chèque individuel, qui a donc été plafonné à 300 €. Les commerces culturels étant hybrides, certains proposent des jeux vidéos, mais le Pass Culture ne donne pas accès à tous - selon quelle grille exactement ? 

Comment souhaiteriez-vous que le dispositif soit réorienté ?

Tous les intermédiaires ont été écartés du protocole, alors même que ces services existent. Nos lieux disposent de personnels compétents en médiation, en développement des publics et en action culturelle. Notre position de proximité nous permettait d’entretenir des liens avec les collèges et lycées, et de leur offrir notre expertise. Ici, ce lien est suspendu. 

Par ailleurs, un département est consacré à cette question à plus haute échelle : la Délégation Académique à l’Éducation Artistique et à l’Action Culturelle, instance hélas en cours de dévitalisation, est justement prévue pour faire le lien entre équipements culturels et établissements scolaires. Pourquoi n’est-il pas investi dans le déploiement de la part collective du Pass Culture ? 

L’USEP-SV, en bref

 Fédération créée en avril 2017 par quatre organisations professionnelles : Les Forces musicales, Profedim, le SNSP et le Syndeac.

Missions :

- renforcement du dialogue social au sein de la branche

- représentation et mobilisation en faveur de la démocratisation de la culture, de la liberté de la création et de la programmation, de l’exigence artistique et de l’équité territoriale garantie par un renforcement de la décentralisation culturelle