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« J’en appelle à la solidarité entre prestataires » (P. Abergel, Synpase)

Par Thomas Corlin | Le | Matériel

Parmi les plus touchés par la crise sanitaire, les prestataires travaillant dans les secteurs du spectacle vivant et de l’événementiel sont souvent peu visibles. Du matériel de scène au catering, ces entreprises attendent de nouvelles mesures d’aides de la part des pouvoirs publics. Philippe Abergel, du syndicat d’employeurs Synpase, les représente et dresse un tableau lucide de leur situation.

Le secteur des prestataires attend les décisions de Bercy. - © D.R.
Le secteur des prestataires attend les décisions de Bercy. - © D.R.

Comment les prestataires du spectacle vivant ont-ils été soutenus pendant la crise sanitaire ?

Certaines entreprises n’ont bénéficié d’aucun fond de solidarité parce que leur structure administrative ne correspondait pas aux critères.

Notre secteur a été intégré au Plan Tourisme, ce qui avait du sens en mai et devait probablement simplifier le travail des pouvoirs publics. Malheureusement, les effets de ce plan d’aide ont pris fin cet été, qui a été parfaitement atone et n’a permis à aucun de nos adhérents de se refaire une santé. Nous réclamons donc l’extension des aides jusqu’à l’été 2021. C’est pourquoi nous avons conduit l’opération de communication « Alerte Rouge » à la mi-septembre. 

Par ailleurs, certaines entreprises n’ont bénéficié d’aucun fond de solidarité parce que leur structure administrative ne correspondait pas aux critères. Par exemple, un président de SAS qui ne cotise pas à l’assurance chômage ne pouvait pas être soutenu. Nous luttons pour que tout le secteur soit irrigué. 

Nous comprenons néanmoins que l’État ait besoin de garanties et d’une vision claire de l’activité de nos entreprises - c’est la faiblesse de ces métiers de l’ombre. Il y a un enjeu d’équilibre entre les différents secteurs ; la discussion est serrée mais nous avons de l’écoute. 

Dans quelles proportions vos adhérents sont-ils atteints par la situation actuelle ?

Le secteur représente quelques 10 000 salariés en équivalent-temps plein, y compris 4 000 intermittents - ce qui représente en fait 17 000 individus au total. Ce sont évidemment des chiffres de 2019, le paysage va radicalement changer cette année. Il s’agit de tous les métiers qui concourent à un événement ou un spectacle, de la régie à la structure de scène mobile. 

Nous luttons pour que tout le secteur soit irrigué.

Le chiffre d’affaire a baissé de 90 %, certains arrivent néanmoins à retrouver 20 % de leur activité avec des petites choses, notamment des besoins sur des événements digitaux. Quelques-uns ont pu temporairement sortir du chômage partiel pour faire des devis sur des événements finalement annulés. Dans ces conditions, il est attendu qu’une entreprise sur deux disparaisse dans les 4 à 6 mois à venir. Nous comptons déjà six dépôts de bilan parmi nos adhérents. 

Ensuite, le métier ne fonctionne pas par acomptes. Il n’y a donc rien qui puisse indemniser le travail déjà effectué en amont d’un événement qui n’a finalement pas lieu. Dans l’ensemble, nos entreprises ont encore de la trésorerie pour tenir un trimestre mais, par-delà cet horizon, l’effet sur l’emploi sera dévastateur. Ces prestataires ont souvent des charges fixes assez lourdes, ne serait-ce qu’en entretien de matériel. En absence d’activité, ils ne leur reste qu’à végéter ou à disparaître. 

Comment accompagnez-vous vos adhérents dans cette période critique ?

Comme d’autres syndicats, nous avons adopté une communication directe et permanente avec nos adhérents. Il ne s’agissait même plus de newsletter, mais de point d’infos deux fois par semaine, principalement sur les dispositifs mis en place. Nous avons fait une assemblée générale réunissant 130 chefs d’entreprises à Paris. Nous communiquons par téléphone avec 10 à 20 chefs d’entreprise par jour. Cette période d’inactivité est également très dure psychologiquement, bien sûr. 

La seule chose que nous pouvons demander, c’est de ne pas abuser de la situation pour casser les prix

Certains souhaitent des actions plus bloquantes si les prochaines mesures annoncées ne répondent pas à la détresse du secteur. Je ne sais pas si c’est la bonne solution, mais je comprends que certains en arrivent là. Il s’agit parfois d’entreprises qui ont 20 ou 30 ans, et le travail d’une vie est sur le point de disparaître. 

Quelle attitude saine les clients du secteur peuvent-ils adopter ?

Logo du Synpase - © D.R.
Logo du Synpase - © D.R.

La seule chose que nous pouvons demander pour l’instant, d’ici le retour d’une forme décente d’activité, c’est de ne pas casser le marché, de ne pas abuser de la situation pour casser les prix, voire de ne pas être regardant sur le montant en bas de la facture. Bien sûr, nos clients sont également dans des situations très difficiles, leurs budgets sont réduits, mais il en va de la survie du secteur. J’en appelle donc à la solidarité entre prestataires, je demande de ne pas accepter des devis au rabais parce que l’on est en détresse.