Théâtre : la nouvelle directrice du NTDM Pauline Bayle met l’itinérance et l’émergence à l’honneur
Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition
Fraîchement entrée en poste à la tête du Nouveau Théâtre de Montreuil (Seine-Saint-Denis), Pauline Bayle compte allier grands récits, diffusion hors les murs et soutien renforcé à l’émergence tout au long de son mandat.
Quelle expérience avez-vous de la gestion d’un lieu de création et de diffusion, et qu’est-ce qui a animé votre candidature pour ce CDN ?
Ma compagnie À Tire-d’Aile a été en résidence trois ans à l’Espace 1789 à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), une scène conventionnée. J’ai fait connaissance avec un territoire et ses réalités humaines, et nous avons pu monter des ateliers, des actions ambitieuses sur le long terme, avec des collèges notamment. C’est ce type d’implantation, d’investissement, qui m’a donné envie de dépasser le cycle habituel d’une compagnie - écriture, création, répétition, diffusion. C’est aussi la découverte dans le détail d’un territoire, le 93, qui me semble être riche en possibilités.
Je n’aurais pas postulé aveuglément à n’importe quel Centre Dramatique National, le choix de Montreuil est motivé par mon intérêt pour ce territoire. 10 % de la ville travaille en lien avec la culture, alors que près d’un quart de sa population vit sous le seuil de pauvreté. Cela remet en cause les missions d’un théâtre et le Nouveau Théâtre de Montreuil y répondait déjà très bien, grâce notamment à un travail poussé avec le réseau associatif local. Bien sûr, je connaissais déjà l’établissement en tant que compagnie invitée.
Quel a été votre parcours jusqu’à la sphère théâtrale ?
Je suis rentrée en IEP après le baccalauréat, avec néanmoins l’idée de faire du théâtre - et j’en faisais déjà en atelier, puis au Conservatoire du 5e arrondissement. Après deux textes originaux, je me suis intéressée à des grands textes de l’histoire littéraire, ceux de Balzac et d’Homère. Je ne les ai connus que comme lectrice et pas comme spectatrice, je n’en ai vu aucune adaptation scénique, c’est justement ce travail de réécriture au plateau qui m’intéresse. Le prochain projet de ma compagnie porte sur Les Vagues et d’autres textes de Virginia Woolf.
Quels sont les axes de votre projet pour le Nouveau Théâtre de Montreuil ?
En terme de programmation, je mise sur la fiction, le récit, le besoin de se projeter dans des narrations plus grandes que soi. Je l’illustre en invitant quatre artistes associés qui défendent cela, chacun dans des esthétiques très distinctes. Je privilégierai donc des créations qui s’articulent en séries avec 10, 15, voire 20 représentations si possible. J’ai déjà fait l’expérience de ce format au Théâtre de la Bastille, il permet de développer une identité sur le long terme et de créer une rapport particulier avec le public. Ainsi, j’ouvrirai la saison 2022-2023 avec deux adaptations d’Homère par ma compagnie, afin de rencontrer d’emblée le public du lieu.
Je n’aurais pas postulé à n’importe quel CDN.
Ensuite, je projette une « troisième saison » hors les murs - en plus de celles dans la salle principale du théâtre et dans la salle Maria Casarès. Le précédent directeur, Mathieu Bauer, avait d’ailleurs déjà exploré plusieurs pistes en ce sens, notamment pendant les périodes de confinement. Il s’agirait d’une saison entièrement itinérante, dans divers lieux montreuillois ou dans l’espace public quand cela est possible. Parcs, parkings, rue, friches, mais aussi chez l’habitant : tout est envisageable. Le théâtre a la chance d’être situé face au terminus de la ligne 9, mais Montreuil continue derrière et c’est ce territoire-là qu’il faudra irriguer, par son réseau associatif ou privé. Un camion sera aménagé pour pouvoir faire circuler des versions techniquement plus légères de certaines pièces, cela sera le cas de L’Illade de ma compagnie.
Enfin, il s’agira de donner une vraie chance à l’émergence. Être réellement accompagné par un lieu fait la différence pour une jeune compagnie, j’en ai fait l’expérience moi-même. De nombreuses équipes artistiques sont prêtes mais n’ont pas les moyens. À une époque où les canaux sont embouteillés par la crise, suivre une compagnie sur une saison complète fait sens. Ainsi, nous hébergerons deux compagnies par saison et les accompagnerons en diffusion.
Le NTDM, en bref
• Centre dramatique national depuis 2000.
• 1989 : ouverture du Théâtre Jeunes Spectateurs de Montreuil, devenu par la suite Centre dramatique national pour l’enfance et la jeunesse
• Équipements :- Salle Jean-Pierre Vernant (357 places), salle Maria Casarès (156 places), salle de répétition, bar ouvert le midi et le soir des représentations.
• Directions successives : Daniel Basilier (1989-2000), Gilberte Tsaï (2000-2011), Mathieu Bauer (2011-2021)
• Direction : Pauline Bayle depuis le 01/01/2022