#rentrée2020 : « Le public respecte de lui-même les mesures sanitaires » (M. Segui, Montreuil)
Par Thomas Corlin | Le | Médiation
Comment la culture prépare-t-elle sa rentrée 2020 alors que persistent les incertitudes autour de la crise du Covid-19 ? CultureMatin interroge différents acteurs du secteur au fil de l’été. Aujourd’hui, Marine Segui, directrice du développement des publics au Nouveau Théâtre de Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Quels projets ont dû être interrompus à cause du confinement ? Lesquels seront réactivés et comment ?
Toutes nos actions engagées dans le champ scolaire ont été interrompues. Pour certaines, on a réinventé des modalités, comme pour notre programme musical avec un collège et l’ensemble l’Instant Donné, qui ont maintenu une connexion à distance, mais les restitutions de projets ont été annulées. Pour les options théâtre « lourdes » en lycée, les professeurs ont pris le relais, mais les activités avec des artistes intervenants de chez nous, dans le cadre du bac, ont été annulées, ainsi que le parcours spectateur, forcément.
Concernant nos projets de territoires, notre « Fabrique des Savoirs », où des non-spécialistes partagent leurs connaissances, a été maintenue virtuellement - un jeune a partagé sa passion pour le QR Code, un autre une recette de cookies.
Dans le champ social, un projet avec un centre d’accueil de mineurs et d’hébergement n’a pu être enclenché, il a donc été décalé en accord avec nos partenaires sociaux.
Quels sont les projets nés en réaction à la situation de crise actuelle ?
Nous avons cherché notre propre voie, tout en interprétant à notre façon les sollicitations gouvernementales à un « été apprenant ».
Nous avons dû élaborer une stratégie pour retrouver ce lien avec notre public. Pendant les réunions de réseaux avec des CDN ou scènes nationales, la solidarité avec les artistes a souvent éclipsé la question du public. Néanmoins, certains par exemple ont quand même fait circuler des questionnaires auprès de leur public. Nous avons cherché notre propre voie, tout en interprétant à notre façon les sollicitations gouvernementales à un « été apprenant ». Nous nous sommes beaucoup interrogés sur la façon de reprendre contact avec les spectateurs, et d’employer les moyens d’urgence mis à disposition par les pouvoirs publics, qui nous demandaient en très peu de temps de monter un projet, dont nous doutions qu’il allait atteindre les personnes qui en avaient le plus besoin.
Nous avons donc voulu distinguer notre programmation de juillet, intitulée « Retrouvailles », qui mêle concerts et petites formes, de notre communication sur la prochaine saison 2020-2021. D’un côté, il s’agit de ré-enclencher un travail à l’adresse de notre public, souvent local (50 % de notre fréquentation est dyonisienne ou montreuilloise), et, de l’autre, de relancer notre programmation de créations et de pièces accueillies. Le projet « Retrouvailles » nous interroge aussi sur l’ouverture du théâtre au public en juillet, une période où de nombreux habitants du territoire ne peuvent pas partir en vacances, et nous sommes tentés de la rendre pérenne, ce qui impliquerait des choix budgétaires.
Le fil rouge que l’on a choisi pour l’année prochaine, en réponse à la crise, est celui déjà engagé entre différents lieux culturels du 93 (Commune d’Aubervilliers, TGP, etc) suite au texte du collectif « La Beauté du Geste », lancé dans le cadre des Jeux Olympiques de 2024. Une réflexion commune était enclenchée, et la sous-préfète nous a incité à mettre en avant la jeunesse de ce territoire particulièrement touché par la crise du Covid-19. Cela a donné lieu à un New Deal de la culture, en clin d’œil au plan de Roosevelt, qui consiste en des commandes publiques auprès de jeunes locaux. Le NTDM soutient donc un support radio, avec Radio Parleur et Making Waves, qui se concentre pour l’instant sur la collecte de témoignages autour de l’expérience de la crise sanitaire sur cette zone.
Les présentations de saison « à domicile », déjà pratiquées par le passé, vont désormais devenir courantes, et nous en rajouterons une dans notre atelier d’artiste, réservé à une cinquantaine de personnes, sur le modèle d’un pot plutôt que d’un rituel formel.
Comment les équipes composent-elles avec les rebondissements constants liés à la crise sanitaire ?
Côté budget, rien n’est acté concernant les exonérations de charges, nous ne savons rien sur le fameux gel des subventions.
Comme bien des lieux, nous avons dû établir un plan A, un plan B et un plan C, pendant que côté finances, le budget changeait régulièrement. Les équipes sont fatiguées, et nous avons concentré nos vacances entre le 15 juillet et le 15 août, date de la reprise des répétitions.
Nous avons un grand manque de visibilité à tous les niveaux. Côté budget, rien n’est acté concernant les exonérations de charges, nous ne savons rien sur le fameux gel des subventions. Les tutelles ont néanmoins garanti leur subvention. A priori, la perte de billetterie devrait être compensée par l’économie sur les frais de structure. Quant au chômage partiel, nous l’avons réservé à la technique, au personnel d’accueil et à la billetterie - des contrôles auront d’ailleurs lieu à ce niveau, ils ont commencé dans d’autres lieux.
Côté mesures sanitaires, les pouvoirs publics nous donnent la responsabilité de ne pas déclencher de nouveaux clusters de contamination et nous laissent agir à notre manière. On s’arrange, comme tout le monde, avec des méthodes pour encourager la distanciation sociale sur place. Lors de notre premier weekend de « Retrouvailles », qui se passait principalement en extérieur, nous n’avions pas les autorisations préfectorales nécessaires trois jours avant, mais la mairie nous a laissé agir. On s’est finalement rendu compte que le public lui-même respectait assez naturellement les mesures sanitaires.
Nous avons également tenu un séminaire pour le personnel du NTDM. Il tournait autour de 4 thématiques : la solidarité aux artistes (à ce titre, il nous importe de soutenir les créations expérimentales chères à la maison, et peu mises en avant dans cette crise), le lien avec le public, la visibilité de nos missions, mais aussi l’assouplissement, voire la désobéissance (relative !) aux diverses injonctions.