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Résidences : les « CoOps » de la Maison des Métallos optimisent la présence des artistes

Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition

Déjà réorganisée depuis 2018 autour de résidences participatives et non seulement autour de la diffusion de spectacles, la Maison des Métallos (Paris 11e) a pu facilement réagir face à la pandémie. Action sociale, résidences réinventées, projets en interne : sa directrice Stéphanie Aubin revient sur une année riche.

La Maison des Métallos a accueilli des centres sociaux et ou d’accueil de jour depuis la crise. - © Christophe Raynaud de Lage
La Maison des Métallos a accueilli des centres sociaux et ou d’accueil de jour depuis la crise. - © Christophe Raynaud de Lage

À votre arrivée en 2018, la Maison des Métallos a changé ses méthodes de travail et sa temporalité. Quel est ce nouveau fonctionnement ? 

Il fallait répondre à plusieurs problématiques. Tout d’abord, la logique de diffusion à outrance n’était plus satisfaisante : dans les théâtres, les artistes jouent sur un certain nombre de dates puis repartent, il ne font que passer dans les lieux. D’autres modes de relations avec le public doivent être mis en œuvre. Ensuite, les formes de résidence existantes manquaient souvent d’interaction avec leur environnement et leur équipe d’accueil : j’ai moi-même été résidente en tant que chorégraphe par le passé, et cela ne consiste souvent qu’à travailler dans son coin, sans s’investir sur le terrain. Enfin, même avant la crise, la culture doit s’atteler à proposer un nouveau paradigme pour accompagner des transitions nécessaires dans nos façons de vivre, surtout au niveau écologique. C’est une ressource comme une autre, et elle doit prendre des formes diverses, à plus forte raison depuis la pandémie. 

La crise a peut-être été moins violente pour nous que pour d’autres structures culturelles. 

Des « CoOps » ont donc été mises en place à la Maison des Métallos. Ce sont des temps d’accueil d’un mois, durant lequel des artistes travaillent sur un thème en harmonie avec ce qu’ils font, sous différents formats, la plupart participatifs. Tout est co-décidé avec l’équipe du lieu, qui met à disposition sa connaissance du quartier et ses compétences pour que les artistes concrétisent leur projet - en termes de technique, de sécurité, de moyens, etc.

Leur temps de présence est découpé en « fabriques artistiques », en « fiestas », et en sorties en extérieur ou dans d’autres lieux, le tout avec une participation différente du public. Sur le mois, ils jouent une dizaine de fois un spectacle déjà rôdé de leur répertoire, afin d’être libre pour d’autres créations. Grâce à ce mode de fonctionnement, la crise a peut-être été moins violente pour nous que pour d’autres structures culturelles. 

Comment ces « CoOps » se sont transformées depuis la crise ?

Elles ont pratiquement toutes été reportées parce qu’elles n’ont pas pu se produire dans des conditions adéquates. Pour chacune d’entre elle cependant, une option alternative a été pensée pour créer quelque chose ensemble à la date d’origine, en fonction des protocoles sanitaires et la plupart du temps sans la présence de l’artiste. Il y a eu des podcasts, mais aussi d’autres formes inattendues : Daniel Larrieu, danseur formé comme horticulteur, nous a permis de diffuser « Ice Dream » dans notre salle fermée, que nous avions transformé en oasis de fraicheur pendant le mois de juillet, et a également demandé à des gens du public de planter des fèves qu’il avait distribuées, pour les lui renvoyer plus tard. 

La façade de la Maison des Metallos - © Christophe Raynaud de Lage
La façade de la Maison des Metallos - © Christophe Raynaud de Lage

Renaud Herbin a proposé une micro-forme pour une marionnette, qu’il a présentée avec succès dans des établissements scolaires. Le jeu d’ombres utilisé dans son installation a aussi été projeté sur notre vitrine. 

Enfin, nous avons développé le « Hub », un réseau social en ligne pensé avant la crise, dont l’artiste Julie Nioche s’est emparée pour faire une « Fabrique Artistique ». Il y a eu une forte demande d’inscriptions, et au final une vingtaine de personnes ont suivi une semaine d’activités en ligne avec l’artiste. 

Actuellement, l'Atelier des Artistes en Exil, que dirige Judith Depaule, collecte actuellement chez nous des récits de personnes ayant immigré en France il y a longtemps et résidant actuellement dans le quartier de Belleville. Nous réfléchissons déjà à pérenniser ce projet et à lui donner la forme d’un parcours ou d’une chasse au trésor dans le quartier, en suivant une application à élaborer - si nous trouvons les moyens. 

Pour les mois à venir, nous devrons probablement arrêter les reports et faire table rase. Quelques « CoOps » auront peut-être lieu. Je sais déjà que Daniel Larrieu souhaite végétaliser de manière permanente l’entrée du lieu lors de son passage en juillet. 

Quelles autres activités avez-vous pu conserver ? 

Le Centre de Jour de l’Adamant, qui prend en charge des personnes atteintes de troubles psychiques, est normalement logé sur une péniche sur la Seine. Depuis que celle-ci a débordé, nous l’hébergeons. Lors du premier confinement, le centre social du Picoulet dans notre quartier a également utilisé nos locaux pour que les élèves qui ne sont pas équipés numériquement puissent suivre des cours à distance. Le lieu a aussi été privatisé pour des tournages, seule activité lucrative qu’il est possible de maintenir. 

Avez-vous eu recours au chômage partiel depuis le début de la crise ?

En tant qu’Établissement public de coopération culturelle (EPCC), nous n’y avons pas droit. Nous sommes une équipe de 26 personnes et, en dehors du premier confinement, pratiquement personne n’a cessé de travailler, à quelques exceptions près - les hommes de ménage, et certains membres avec des enfants à charge ne pouvant techniquement pas télétravailler, tous ceux-là ont tout simplement touché leurs salaires.