Production

Tiers lieux : les Amarres mêlent culture et action sociale sur le Port Autonome de Paris

Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition

Depuis le 9 décembre dernier, le nouveau tiers lieu les Amarres (Paris 13e) propose des événements culturels en lien avec ses activités centrées sur l’accueil de réfugiés ou de publics en grande précarité. La mixité du projet répond à des impératifs d’ouverture au public et d’implication des personnes aidées sur le site, selon la programmatrice Lucie Gomez.

Le Port Autonome de Paris met à disposition l’espace jusqu’à fin 2022. - © Michaël Gozlan
Le Port Autonome de Paris met à disposition l’espace jusqu’à fin 2022. - © Michaël Gozlan

Quelles associations sont réunies aux Amarres et comment leurs activités se conjugue-t-elle avec l’accueil de personnes migrantes ou en grande précarité ?

Nous avons choisi de n’intégrer que des associations qui travaillent avec le même public que les accueils de jour (donc en situation migratoire ou en grande précarité), dans les domaines de l’économie sociale et solidaire, de l’accompagnement à l’insertion ou de l’aide à la reprise de parcours universitaire. Contrairement à Grands Voisins, l’espace dont nous avions précédemment la charge, il n’y a pas d’artistes ou de créateurs parmi les structures présentes, afin de renforcer la cohérence autour de l’action sociale. Aux Amarres, les quinze associations présentes travaillent sur des projets en commun et impliquent les hommes et femmes qui fréquentent l’accueil de jour. 

Pour repères, les Amarres sont situées dans les locaux du Port Autonome de Paris, qui ont été vidés puis squattés. L’association Aurore a dans un premier temps investi les lieux avec deux accueils de jour (hommes et familles) puis, à partir de mai, un projet plus mixte a été mis en œuvre, intégrant ces structures. Quelques 3000 personnes sont prises en charge par les accueils de jour. 

Comment une programmation culturelle s’inscrit-elle dans ce lieu ? 

Notre programmation peut attirer la curiosité du public sur nos autres activités.

Il s’agira d’une programmation qui mettra à l’honneur un pays pendant un temps donné. Le premier sera l’Afghanistan, puisqu’une grande partie de l’accueil de jour s’occupe d’exilés Afghans. Le suivant sera la Guinée. L’objectif est d’impliquer les personnes suivies, de leur donner un autre rapport que celui de l’aide, de l’attente : elles préparent des repas, participent à des réunions de programmation, conseillent sur les musiques à mettre en valeur et les artistes à faire jouer. Je n’avais pas de contact avec des musiciens afghans et ce sont certaines des personnes présentes qui ont suggéré des musiciens de la diaspora afghane d’Île-de-France. 

Cette programmation s’étale sur un mois, sans régularité particulière, nous programmons quand cela est possible. Il y a des moments festifs, des concerts, des fanfares mais aussi des ateliers et des débats en lien avec l’actualité. Il s’agit d’articuler une activité militante avec un contenu culturel  et d’investir le lieu intelligemment. 

L’ouverture au public des Amarres date du 9 décembre, nous avons dû la repousser plusieurs fois. L’enjeu d’une programmation culturelle dans un espace comme les Amarres est double. D’un côté, il est forcément un peu festif, ce qui n’est pas un mal en soi : les gens peuvent venir boire un verre, assister à un concert, comme dans un autre lieu. Nous espérons cependant que cela puisse servir de porte d’entrée sur les autres activités du lieu, sur ses engagements, et créer une véritable interaction. Ce n’est pas juste un bar. 

Le lieu est attenant à la Cité de la Mode et du Design. - © Michaël Gozlan
Le lieu est attenant à la Cité de la Mode et du Design. - © Michaël Gozlan

Quelles sont les dispositifs techniques du lieu ? 

Les Amarres ont pris la suite des Grands Voisins presque instantanément, avec une activité recentrée sur l’économie sociale et solidaire.

Nous n’avons pas de scène physique à proprement parler. Nous disposons d’un grand hall central, dans lequel nous installons une scène avec du matériel sonore, avec l’aide d’un ingénieur du son que nous employons ponctuellement, et des effectifs déjà présents - nous sommes tous un peu multi-tâches. Nous transformons cet espace selon nos besoins, seul reste un bar qui est ouvert au public le soir, et réservé aux accueillis et aux travailleurs le jour. Une architecte travaille sur le site, elle a pensé les espaces pour y intégrer des activités diverses et supervisé leur remise à neuf. 

Avec quels moyens fonctionnent les Amarres et pendant combien de temps disposez-vous de cet espace ? 

Les Amarres ont pris la suite des Grands Voisins presque instantanément, avec une activité recentrée sur l’économie sociale et solidaire. Nous avons une convention d’exploitation de deux ans - il reste donc un an. Il y a souvent renouvellement sur ce type de projet, mais nous ne pouvons pas le savoir à l’avance - c’est le jeu des occupations temporaires, nous ne pouvons pas avoir de visibilité. 

Nous fonctionnons sur les budgets d’Aurore et de Yes We Camp, qui mêle des financements d’État (pour l’accueil de jour par exemple) ou privés (pour les bureaux, entre autres), ainsi que des subventions de la Mairie de Paris (pour la construction de la cuisine).