Tiers lieux : à Bliiida (Metz, Moselle), 83 projets en cours et toujours de l’espace à exploiter
Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition
À Metz (Moselle), un ancien hangar de bus a été reconverti en un tiers lieu, Bliiida, où se mélangent industries culturelles, économie sociale et solidaire, business numérique et médias. Ancien de l’IRMA (désormais rattaché au Centre National de la Musique), Fabrice Jallet officie dans l’association coordinatrice du lieu, et décrit une structure incubatrice très rodée, dont la dynamique déborde hors les murs.
Qui sont les résidents de Bliiida et dans quelle mesure collaborent-ils ?
En ce moment, près de 150 personnes travaillent à temps plein (salariés et entrepreneurs) sur le lieu, et si l’on compte l’espace de co-working et les collaborateurs et prestataires ponctuels, ce chiffre monte à 450. Les structures sont présentes temporairement, dans le but de se développer, et officient dans plusieurs départements : les industries culturelles et créatives, l’innovation sociale et solidaire, le business numérique et les médias. Fait rare dans ce type de lieu, nous intégrons l’artisanat et l’artisanat d’art. Par ailleurs, l’espace peut aussi être loué pour de l’événementiel et des tournages. Le lieu possède notamment une salle de spectacle, le Walking Ghost Hall, d’une capacité de 1 000 places debout, et sa propre cantine.
La sélection se fait à la fois sur l’originalité et la viabilité économique du projet, sur sa capacité de développement et son désir de mutualisation.
Bien sûr, nous ne forçons par les collaborations, mais toute structure qui intègre Bliiida doit être ouverte ou demandeuse de mutualisation de compétence, dans la mesure du faisable et du pertinent. Récemment, deux modes de production (une imprimerie, des designeurs) se sont rejoints pour fabriquer des lampes dont vient d’être lancée l’édition.
Enfin, il y a au sein de Bliiida un makerspace et nous accompagnons aussi les étudiants des Beaux Arts, avec des financements de la ville et de la métropole, dans leur professionnalisation à leur sortie d’école - certains étant devenus artistes en résidence chez nous.
Quelle entité coordonne le site et sous quelles modalités les structures y résident-elles ?
Je suis salarié de l’association qui anime le site, la TCRM Bliiida, d’après l’ancien nom du réseau de transport local qui y résidait. Elle est investie par la ville et la métropole de Metz et réunit 9 personnes. Nous coordonnons les services aux structures présentes, sélectionnons les projets qui passeront par Bliiida, et sommes le relai de programmes d’accompagnement plus globaux, en commun avec d’autres structures et d’autres tiers lieux (comme Fluxus, incubateur culturel et artistique porté par une quinzaine d’entités culturelles du territoire dont la DRAC et l’Agence Culturelle Grand Est, et ESS We Can, destiné aux entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire et financé par la Région Grand Est, la métropole de Metz et deux partenaires privés : Veolia et AG2R La Mondiale). La sélection se fait à la fois sur l’originalité et la viabilité économique du projet, sur sa capacité de développement (afin qu’il y entre mais soit capable d’en sortir) et son désir de mutualisation.
L’association qui anime le lieu est la boîte à outils du pôle culture de la Ville.
Notre association est investie par la métropole de Metz et travaille sous convention avec l’entité qui a la propriété du site, la SAEML, une société d’économie mixte. C’est à elle que les résidents payent un loyer - l’association s’en faisait un temps le relai, mais la SAEML le gère désormais directement. Chaque structure est autonome, il n’y a pas de consortium économique comme c’est le cas dans quelques tiers lieux.
Enfin, l’association sert de boîte à outils du pôle culture de la ville. Quand des besoins nous remontent, nous voyons si nous avons entre nos murs les ressources pour y répondre et monter des opérations culturelles.
Combien de projets abrite Bliiida et quel est le turnover ?
Nous cherchons à nous ouvrir au grand public pour montrer le travail de nos résidents, et organisons souvent des portes ouvertes.
Actuellement, 83 projets incubent chez nous. Chacun y reste environ trois ans, même si cela est variable et repose à la fois sur les besoins d’expansion des structures, mais aussi sur leur honnêteté quant à ces besoins. Pour beaucoup, des envies de bureaux ou d’ateliers plus grands, le désir de bouger dans le centre, d’y ouvrir une boutique, motivent le départ. Notre suivi de projet se prolonge d’ailleurs une fois sorti des murs de Bliiida. Nous recevons actuellement trois ou quatre demandes par mois pour intégrer le site.
Comment cet espace est-il devenu un tiers lieu ?
Ce hangar de 30 000 m2 a d’abord été investi en 2014 par l’association qui gérait la Nuit Blanche. Des artistes et artisans s’y sont progressivement installés, et tout ceci s’est structuré avec l’arrivée de trois dispositifs d’incubation, dont The Pool dans le champ des start-ups numériques et industrielles. Le nom vient de l’avenue de Blida où il se trouve, du nom de la ville algérienne, dont le « i » a été triplé pour exprimer les valeurs du projet : innovation, inspiration et intelligence collective.
Quels sont les prochains développements visés pour Bliiida ?
Nous n’occupons « que » 13 000 m2 du site, il reste donc de la place, même s’il ne s’agit pas forcément de l’occuper entièrement. Nous cherchons à nous ouvrir au grand public pour montrer le travail de nos résidents, et organisons souvent des portes ouvertes. Ensuite, nous visons l’exploitation d’une boutique en centre de Metz qui vendrait des produits « made in Bliiida ».
Nous participons à la dynamique de structuration du Réseau des tiers-lieux du Grand Est qui rassemble déjà une trentaine de lieux. La forme associative a été créée en septembre au Shed à Reims (Marne), et nous allons en définir les axes de coopération le 30 novembre prochain en Alsace.
Quels tiers lieux partagent le même type de fonctionnement et de volume en France ?
Probablement l'Hotel 71 à Lyon (Rhône), le Wip à Caen (Calvados), Darwin à Bordeaux (Gironde) et la Halle Tropisme à Montpellier (Hérault).