Avignon Off : comment le théâtre du Train Bleu s’est imposé en 3 ans dans la jeune création
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Ligne artistique bien définie, suivi des compagnies, charte graphique identifiable : en 3 ans, et malgré la pandémie, le Train Bleu s’est rangé parmi les lieux références du Off d’Avignon. Aurélien Rondeau et Charles Petit, programmateurs du lieu, sont optimistes malgré les difficultés de cette édition mise à mal par la crise sanitaire.
Sur quelle impulsion le Train Bleu s’est-il lancé en 2018 ?
Il s’agissait à l’origine de trois personnes issues de compagnies de théâtre, qui connaissaient bien l’écosystème avignonnais, ses besoins, ses lieux, mais aussi ce qu’il lui manquait. Nous avons voulu créer le lieu dans lequel nous voulions être accueillis en tant que compagnie. Pour autant, le Train Bleu n’est pas à proprement parler un théâtre tenu par une compagnie, mais plutôt par cinq co-directeurs gravitant autour du spectacle vivant.
La moitié de notre équipe est avignonnaise, ce qui nous permet une autre implantation sur le territoire.
Le Train Bleu revendique une ligne artistique claire, la jeune création, qui avait besoin de plus d’espace sur le Off - les nombreuses sollicitations de compagnies dès notre ouverture nous l’ont confirmé. Nous tenons aussi à une certaine éthique, qui va de la manière de gérer le théâtre aux conditions de travail du personnel. Dans certains théâtres du Off, des responsables de billetterie peuvent travailler jusqu’à 17 heures en une journée pour garder le lieu ouvert. Il arrive aussi que des stagiaires soient à des postes de responsabilité. À ces postes, nous embauchons des salariés, qui travaillent 7 heures par jour, parce qu’il s’agit de missions centrales pendant le festival - faire commencer les pièces à l’heure, gérer la billetterie, etc.
Nous voulions aussi avoir une approche un peu plus personnalisée que d’autres lieux, qui donnent pour ainsi dire les clefs du théâtre à la compagnie qui lui a loué un créneau, mais ne propose presque aucun accueil ni encadrement. Chez nous, bien sûr, la compagnie gère ses invitations et son réseautage, mais nous proposons un soutien à la communication, l’accès à notre réseau de pros, et, dans certains cas, des temps de résidence pendant le reste de l’année. La moitié de notre équipe est avignonnaise, ce qui nous permet une autre implantation sur le territoire. Côté communication, nous travaillons avec la même attachée de presse que la Manufacture (un lieu partenaire sur plusieurs projets, nous avons par exemple décalé nos jours de relâche pour que public et professionnels puissent profiter autant que possible de nos programmations), et notre identité graphique est très identifiable. Cette ligne de conduite a été laborieuse à imposer, mais elle est désormais visible et installée.
Sur quel modèle économique fonctionne le lieu ?
Nous proposons plus que des salles à louer : nous vendons un service.
Nous louons l’espace et nous l’avons équipé grâce à nos fonds propres et au soutien d’un investisseur. Il s’agissait, paraît-il, d’anciens locaux de France Bleu Radio - pratiquement un garage en terre battue lorsque nous l’avons récupéré. Il dispose de deux salles et nous programmons aussi hors les murs. Nous les louons aux compagnies à des tarifs légèrement au dessus de la moyenne avignonnaise, du fait de l’encadrement que nous proposons. Nous ne faisons pas que louer un espace pour jouer, nous vendons un service, et nous gérons aussi la billetterie. Nous n’avons pas réinventé le modèle de la participation au Off, le « deal » est classique. Nous évitons par exemple de travailler avec de trop petites compagnies, même si elles nous intéressent artistiquement, pour leur éviter de se prendre un mur. Nous choisissons donc des compagnies peut-être pas encore tout à fait structurées, mais dont l’émergence se fait facilement.
Nos fonctionnons sur une économie privée, à l’exception de quelques subventions entièrement fléchées vers nos résidences, et non pas sur le fonctionnement du lieu. Nous menons le projet avec le soutien d’une structure de production basée à Paris, la Magnanerie, qui nous fournit des compétences et une force de frappe en matière de réseau que nous n’avions pas forcément. Enfin, nous avons des partenariats avec la Sacem, la DRAC et la Région.
Comment le Train Bleu a-t-il traversé la crise ?
En fin de compte, plutôt bien. Nous avons bénéficié de nombreuses aide : le fonds de solidarité, l’aide du Ministère pour les théâtres du Off, le Prêt Garanti de l’État et un moratoire sur notre loyer. Nous avons perdu quelques créneaux compte tenu des conditions sanitaires, mais c’est une perte maîtrisable. La programmation de cette année est entièrement composée de reports de 2020.
Le Train Bleu mène-t-il d’autres activités ?
En plus des résidences et des jurys auxquels nous participons, nous organisons avec trois lieux dans l’Oise des rencontres professionnelles intitulées la Croisée. Leur deuxième édition aura lieu en octobre prochain, et réunira 26 propositions artistiques en recherche de partenariats.