Seul-en-scène : comment le slammeur Euréka a-t-il pu tourner pendant toute l’année 2020 ?
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Journaliste lyonnais devenu slammeur, Olivier Tonnelier alias Euréka est parvenu à doubler le nombre de ses dates de concert en 2020 alors que le réseau des salles est à l’arrêt. L’artiste revient sur une année à sillonner entreprises, établissements scolaires et paroisses avec un dispositif minimal.
En l’absence du circuit habituel des salles de concert, comment le projet Eureka a-t-il tourné ?
Dès le début de la crise, j’ai dressé une liste des lieux qui pouvaient malgré tout accueillir des concerts, et je les ai démarchés personnellement. J’ai également mis en ligne une vidéo sur Youtube pour présenter mon travail. Mon slam étant tout public, il peut s’adresser à tous les lieux et toutes les situations - pour preuve, lorsque je demande au public en introduction de mon set si certains d’entre eux ne s’imaginaient jamais assister un jour à un concert de slam, ils lèvent tous la main en général.
Parmi ces lieux qui peuvent proposer des concerts à leur public, se trouvent les entreprises, les établissements scolaires et les paroisses. J’avais également animé des ateliers d’écriture, un autre réseau que j’ai activé à cette occasion. Il y avait un désir de concerts, une curiosité, et j’ai eu des réponses rapides.
Les entreprises, par exemple, sont privées de pots de départ et autres rassemblements. Mon concert n’est pas plus dangereux qu’un séminaire ou une formation, et peut se faire en respectant les protocoles sanitaires. J’ai par exemple joué dans une étude de notaire, un cabinet de comptables, un salon de coiffure ou une agence immobilière - cette dernière ayant d’ailleurs invité sa clientèle pour l’occasion.
J’ai joué dans une agence immobilière qui a invité sa clientèle.
Ainsi, après 27 concerts en 2019, j’en ai donné 55 en 2020 - et je suis ma propre entreprise, mon propre tourneur jusque là. Ma tournée a été vertueuse puisque des salles de concert m’ont contacté pendant les périodes où elles ont pu ouvrir, et la flexibilité de la formule les a attirées. Contrairement à d’autres artistes qui viennent en groupe et ne peuvent baisser leur tarif, je suis resté ouvert à la négociation, baissant mon cachet jusqu’à 50 % selon les situations.
J’ai été étonné d’avoir été le seul à avoir l’idée de ne pas se limiter aux salles de spectacle. En fin de compte, je n’ai même pas fait de concert en ligne, je n’en ai pas eu besoin. Néanmoins, je comprends bien que toutes les musiques ne sont pas adaptées à ces environnements, de par leur contenu ou leur déploiement matériel.
Comment est composé votre concert et avec quel dispositif technique vous produisez-vous ?
Je me déplace avec mon propre matériel : mon laptop, deux enceintes, une petite table de mixage et un écran. Certains lieux, notamment dans le scolaire, disposent déjà d’une salle polyvalente, ce qui facilite l’installation, mais une salle de réunion fait l’affaire. Je suis accompagné de visuels composés pour l’occasion par une artiste lyonnaise qui fait de l’animation. Je n’ai besoin en fin de compte que d’une prise électrique et de quelques mètres-carrés.
Il s’agit bien d’un set de 15 morceaux, et non d’une conférence.
J’avais l’habitude de tourner avec des musiciens avant la crise, ce seul-en-scène est donc nouveau, conçu pour la situation. Il ne s’agit d’une forme « conférentielle », mais bel et bien d’un set de 15 morceaux, qui se déroulent comme autant d’histoires, et traitent de l’écoute de soi, de la force des rêves, etc. Ces histoires sont fictives, mais se veulent universelles : j’y développe par exemple que les situations de catastrophe comme celle que nous traversons peuvent être des moments de transformation, de rebond. J’ai d’ailleurs lancé Euréka dans un moment personnel difficile.
Quel est le prix d’une de vos prestations, et quelles autres formules proposez-vous ?
Le cachet varie énormément en fonction de la structure d’accueil et de ses moyens. Dans le cas du scolaire, par exemple, la capacité financière d’un établissement varie beaucoup, et je ne veux pas imposer un prix.
Je propose également des slams sur mesure pour des entreprises, à diffuser sous forme de clip Youtube. Une communauté de communes m’en a commandé un pour mettre en valeur un territoire, un organisme de formation un autre pour aider les femmes à monter leur entreprise, un cabinet de notaires pour renouveler son image, etc. Dans chaque cas, j’essaie de voir si je peux trouver un moyen de mettre en musique ce que souhaite exprimer le client, et en général c’est le cas. C’est pour eux un outil de communication différent, qui peut faire le buzz.