#rentrée2020 : « Le public mettra du temps à se réhabituer aux concerts » (S. Marrel, Caramba)
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Comment la culture prépare-t-elle sa rentrée 2020 alors que persistent les incertitudes autour de la crise de la Covid-19 ? Culture Matin interroge différents acteurs du secteur au fil de l’été. Aujourd’hui, Sandrine Marrel, directrice du booking chez le producteur-tourneur Caramba Culture Live (Jean Louis Murat, Claudio Capéo…).
Quels artistes de votre catalogue ont été empêchés de tourner par la crise sanitaire ?
On ne peut pas faire de « tournées gruyères », où certaines des dates sur lesquelles nous comptions ne se font pas ; c’est contraire à la mécanique du métier.
Le confinement est tombé en plein milieu d’une grosse tournée des Zénith de Claudio Capeo. Nous l’avons reportée deux fois, puis une troisième fois, en mai 2021. Nous devions aussi faire tourner des artistes internationaux comme Dropkick Murphys ou Tones and I sur l’été. Le lancement de l’album d’Hochi a également été décalé, et avec lui la tournée qui devait suivre cet automne.
Nous n’avons malheureusement pas pu reporter toutes les dates concernées, ce qui complique certaines tournées. On ne peut pas faire de « tournées gruyères », où certaines des dates sur lesquelles nous comptions ne se font pas ; c’est contraire à la mécanique du métier. On essaye donc tant que possible de dérouler tout ce qui était prévu initialement pour limiter la casse.
Notre chiffre d’affaire s’est donc divisé par 6 ou 7. On est un gros indépendant, nous sommes 37 salariés, et pour des structures comme les nôtres, c’est un peu la double peine. Les marges dans notre secteur sont déjà très faibles ; alors, si elles disparaissent, il s’agit de survivre. Les mesures d’urgence ne pourront peut-être jamais rattraper ces pertes.
L’accompagnement d’artistes et la logistique administrative ont-elles été complexes à mener ?
Nous sommes passés en activité partielle, mais nous avons eu un énorme surcroît de travail.
Le paradoxe, c’est que nous sommes passés en activité partielle, mais que nous avons eu un énorme surcroît de travail pour penser, repenser, abandonner et reprendre des plannings de tournée. Même sans les concerts, la gestion de ces plans de tournée constamment remis en cause est minante.
Côté artistes, tout le monde ne fait pas face à la situation de la même manière. Forcément, ceux qui ont plus de bouteille sont plus patients que les plus jeunes. Ceux qui le pouvaient ont peaufiné leur projet. Il y a eu aussi des rythmes différents de prise de conscience, selon les pays, les mentalités.
Comment la rentrée s’organise-t-elle, de votre côté ?
Une des inconnues qui nous préoccupent le plus, c’est le retour du public. Les jeunes reviendront peut-être assez facilement, mais qu’en est-il des autres ? Certains de nos artistes, comme Claudio Capeo, ont un public très large, familial. Quand celui-ci aura-t-il assez confiance pour revenir en concert ? Il faudra laisser le temps au public de reprendre l’habitude d’acheter des billets de concert. Dans les études qui paraissent actuellement, il est bien dit que les gens ont hâte de revenir en concert, mais uniquement lorsque le virus aura disparu !
Côté salles, nous avons programmés quelques petits concerts cet automne, sous réserve de confirmation. La réouverture de ces lieux dépendra des directeurs, des préfets, des nouvelles directives. Certains refusent déjà d’ouvrir en jauge partielle. Pendant ce temps, ce report de calendrier provoque un embouteillage qui nous projette sur des dates très éloignées.
Aussi, on réfléchit à l’économie du secteur. On voit bien, par exemple, avec les problèmes de remboursement que rencontre France Billet, que nos modèles doivent être mis à plat. On s’interroge aussi sur une diversification de notre activité chez Caramba, au cas où la situation actuelle viendrait à devenir courante.