Reprise : à Châteauroux, l’Équinoxe repart à la conquête de son public
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
À Chateauroux (Indre), la scène nationale l’Equinoxe saisit l’opportunité de cette reprise hors norme pour se réinventer et aller à la rencontre de nouveaux publics. Hors les murs, nouvelle formule abonnement, jeune public : son directeur Jérôme Mantchal, dont c’est la première saison, veut démystifier cette grande bâtisse.
Comment avez-vous abordé la programmation de cette saison clé ?
Nous avons changé notre système d’abonnement : en réservant, le spectateur ne s’engage plus, mais il peut aussi se présenter à la dernière minute.
Dans les grandes lignes, c’est une saison normale de scène nationale, mais beaucoup de choses ont changé. Déjà, nous avons tenté une programmation sur juin et juillet l’été dernier, afin de faire passer certains de nos reports, ce qui est une opération exceptionnelle. Nous avons poussé jusqu’au 10 juillet - au delà de cette date, Châteauroux se vide.
Ensuite, nous avons ajouté une vingtaine de spectacles à l’affiche, il y en a environ 70 cette année. Pour autant, nous sommes restés dans les limites de notre budget habituel : certains reports étaient déjà payés, et les spectacles sélectionnés sont moins coûteux.
L’enjeu principal de cette saison, ainsi que de mon mandat (qui commence concrètement maintenant puisque j’ai hérité de la programmation de mon prédécesseur avant que le Covid ne nous fasse fermer), c’est d’ouvrir le théâtre vers l’extérieur et de chercher de nouveaux publics. L’Équinoxe est un des plus grands théâtre de France, c’est un équipement massif, avec un plateau de 36 x 15 mètres, un hall assez gigantesque - il peut avoir un côté « temple » propre à intimider une partie du public. Je travaille donc à « dédramatiser » ce lieu.
Pour ce faire, je mise sur des spectacles hors les murs, afin d’aller chercher le public là où il est, et des spectacles jeune public pour capter les familles. Nous optimisons aussi la gratuité quand cela est faisable. Nous avons aussi changé notre système d’abonnement pour plus de souplesse : en réservant, le spectateur ne s’engage plus, mais il peut aussi se présenter à la dernière minute.
Comment se passe le retour du public ?
C’est assez mou, il faut le dire. Les abonnements sont en baisse de 9 %, ce qui n’est pas énorme, mais à prendre en compte. La pandémie y est forcément pour beaucoup, mais nous remarquons cette baisse depuis une dizaine d’années. Sur une année normale, à une certaine époque, nous en comptions 1750; l’an dernier, nous n’en avions que 1064.
Nous avons choisi de conserver la distanciation d’un siège entre foyers de spectateurs, et le masque dans tout le lieu.
Hors abonnements, les réservations sont plus rares, et comme dans beaucoup d’endroits, nous remarquons une nouvelle tendance à l’achat de dernière minute. C’est dans l’ensemble une reprise lente mais régulière. Quant aux choix, ils sont très prudents, les gens vont vers les valeurs sûres - François Morel, ça marche bien, « A Room With A View » du Ballet National de Marseille, aussi. Parmi les premiers spectacles de cette rentrée, « Fuir Le Fléau » de la Compagnie le Festin a eu du mal à remplir - un spectateur m’a d’ailleurs dit qu’il n’irait jamais voir un spectacle qui parle de fléau dans le contexte actuel.
Où en êtes-vous au niveau des dispositifs sanitaires ?
Notre cas est particulier : nous avons choisi de conserver la distanciation d’un siège entre foyers de spectateurs, et le masque dans tout le lieu. Nous sommes probablement un des derniers lieux culturels à appliquer cela, et ce n’est ni une contrainte imposée par notre préfecture, ni même un choix personnel, mais une réclamation récurrente d’une grande partie du public, à savoir sa frange sénior. Cela les rassure, et nous voulions nous assurer qu’ils reviennent. Dans l’esprit des gens, cela rend les lieux plus sûrs, donc nous maintenons ce dispositif - même s’il est difficilement tenable sur les pièces qui rencontrent un grand succès. Nous avons quand même espoir de pouvoir nous en passer bientôt, les chiffres dans notre département étant très rassurants.
Quant au pass, pour le théâtre, les choses sont plutôt fluides, le public est coopérant. En revanche, la situation était plus critique pour notre cinéma, l’Apollo : nous avons dû engager une entreprise extérieure spécialisée dans la sécurité pour faire respecter les contrôles après des premiers jours très tendus avec certains spectateurs.