Festivals d’été : à Hyères (Var), le Midi renaît (une nouvelle fois) de ses cendres
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Fort d’un historique de galères peu communes, le Midi Festival (22 au 24 juillet 2022, Hyères, Var) ne pouvait que renaître après la crise - durant laquelle il a pu se maintenir en 2021. Son directeur Frédéric Landini salue un retour à la normale malgré une augmentation des frais (qui n’épargne pas les petits événements) et revient sur l’annulation de 2018, qui a donné lieu à un procès toujours en cours.
Comment la crise a-t-elle affecté votre événement ?
Comme la plupart des festivals, nous avons jeté l’éponge en 2020. En 2021, nous avons tenté le coup de l’adaptation, puisqu’il semblait qu’une fenêtre de tir s’ouvrait pour les festivals de notre taille (notre jauge est d’exactement 1790 spectateurs, sur deux lieux cette année). Au gré des annonces gouvernementales, nous avions d’abord conçu un événement assis, que nous avons basculé debout dès que cela a été possible. La programmation était exclusivement française, ce qui était une première pour nous puisque nous nous positionnons surtout sur de l’international.
Nous avons retrouvé une offre d’artistes normales, les internationaux se remettent à tourner, nous faisons venir des gens de loin cette année.
Décision avait été prise de se plier au pass sanitaire, même si nous aurions pu l’esquiver en renonçant à la barre des mille personnes - il est devenu obligatoire même sous cette jauge dix jours avant l’événement, nous étions donc très satisfaits d’avoir anticipé ainsi, ne serait-ce que pour des raisons de communication. En fin de compte, nous avons eu une fréquentation qui tournait entre 820 et 990 festivaliers selon les jours, et ce fut une belle édition, malgré l’absence des afters, et une billetterie sur place inexistante alors qu’elle constitue normalement 10 % de nos tickets vendus d’habitude. Le Centre National de la Musique a compensé ces pertes.
C’est plutôt l’édition 2021 d’un autre festival géré par notre association en novembre, le Midi Toulon Festival (à l’Opéra de Toulon et au Live, une petite salle du Zénith), qui a connu de grosses pertes puisqu’elle se tenait pile au moment où les contaminations remontaient en flèche. Malgré cela, nous ne repartons pas sur un bilan handicapant, même s’il n’est pas excédentaire, bien sûr.
Cette édition marque-t-elle un retour à la normale ?
Oui et non, mais ce n’est pas forcément à cause du Covid ! Nous avons retrouvé une offre d’artistes normale, les internationaux se remettent à tourner, nous faisons venir des gens de loin cette année. Nos prestataires quant à eux sont de retour, nous n’avons pas relevé de faillites de ce côté-là.
C’est au niveau des afters que nous rencontrons des difficultés : nos après-concerts ont lieu sur un site en plein air qui s’est progressivement équipé, mais qui n’a pas encore obtenu le renouvellement de son autorisation d’ouverture tardive (c’est-à-dire au moment où commencent nos afters). C’est une partie de l’événement sur laquelle nous comptons beaucoup normalement, elle prolonge tout d’abord la soirée sur un mode festif, puis elle nous permet de travailler avec des sponsors différents. C’était aussi une de nos attentes avec la levée totale des restrictions cette année, et il se pourrait que l’en en soit privé malgré tout !
Le Midi est un événement de taille modeste, avec une affiche assez défricheuse, moins soumise à la chasse aux têtes d’affiche. Ressentez-vous malgré tout la hausse des cachets et autres coûts, largement constatée dans le secteur ?
la Fondation Carmignac soutient le festival financièrement et l’accueille pour une après-midi de concerts sur un de ses sites extérieurs.
La tendance s’était déjà accentuée en 2019, mais elle se confirme sur cette reprise. L’augmentation des cachets se situe entre 30 et 60 %, même à l’échelle d’un petit festival comme le nôtre, avec des artistes plus « découverte ». C’est aussi sur la décoration que le prix des matériaux a explosé.
Notre modèle économique repose sur 50 % de subventions et le reste de recettes (principalement de la billetterie).
Quels accords avez-vous conclu avec les lieux qu’occupe le festival cette année ?
Dans le cas du site archéologique d’Olbia, c’est une mise à disposition gratuite de la mairie d’Hyères. Le site reste ouvert aux visites touristiques pendant le festival, notre public s’y rend d’ailleurs souvent. Sa jauge est de 1490 spectateurs.
Concernant la Fondation Carmignac sur l’île de Porquerolles, il s’agit d’un partenariat de sponsoring qui voit la fondation soutenir le festival financièrement, et l’accueillir pour une après-midi de concerts sur un de ses sites extérieurs, pour une jauge 400 personnes.
Le Midi Festival a connu des éditions périlleuses en 2018 et 2019, comment s’en est-il relevé ?
En 2018, nous avons dû annuler la plus grosse partie de l’événement à cause d’une malfaçon du montage de la scène. Il s’agissait d’une scène déployée depuis un camion, que nous avions choisie pour coller aux courts délais de montage que nous permettait l’Hippodrome où se tenait cette édition. Le prestataire a eu un jour de retard, et une fois montée, la scène a révélé plusieurs insuffisances après les observations de nos équipes techniques, puis d’un ingénieur structure dépêché sur place en pleine nuit, la veille de l’ouverture, le tout attesté à 9h du matin par un huissier. La commission sécurité n’a pas eu à confirmer ce que nous savions déjà. Le prestataire, revenu sur place, n’avait même pas tenté de faire les modifications nécessaires et avait même reconnu, sans gêne : « j’ai un peu bâclé le montage ».
Sur cette édition donc, seul les concerts à la Villa Noailles et les afters ont été maintenus, dans une ambiance exécrable puisque le public était furieux. Ce fut un désastre en termes de communication : tête d’affiche cette année-là et parrain du festival, Étienne Daho avait annoncé l’annulation de sa date en premier, avant notre propre communiqué. L’assurance a comblé les frais, et l’association s’en est remise, mais le préjudice en termes d’image était énorme.
En 2019, nous avions annoncé un certain nombre de têtes d’affiche comme Metronomy, avant de devoir reconfigurer la programmation faute de moyens : une société de production qui nous soutenait s’était retirée après mise en vente du festival. Elle l’a fait proprement, mais nous avons dû rétropédaler sur l’affiche, et ce fut encore un périple en terme de communication. Cerise sur le gâteau : une tempête nous a contraint d’annuler la soirée du samedi, traditionnellement la plus fréquentée.
Ces mésaventures nous ont imposé un long combat, mais nous avons su en faire une force. Une étrange énergie nous sauve dans ces moments-là. Il est à souligner que nous avons toujours gardé de bons contacts avec la Ville d’Hyères et la Région à travers ces épreuves.