Festivals d’été : que permet la gestion en Société Publique Locale pour Rio Loco ?
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Rendez-vous phare du bassin toulousain (Haute-Garonne), le festival musical Rio Loco passe en Société Publique Locale (SPL) pour donner plus de souplesse à sa gestion municipale. Virginie Choquart, directrice de cette structure qui englobe la salle locale le Metronum, détaille les ambitions de la 27e édition du festival, du 15 au 19 juin 2022, la première depuis la pandémie.
En quoi consiste le changement de gestion de Rio Loco ?
Historiquement, Rio Loco a été un des rares festivals à être entièrement géré par une équipe municipale, au même titre, dans une certaine mesure, que la voirie ou les piscines. La programmation et la production du festival étaient gérés par un sous-département du service culture de la mairie. J’y travaillais, au même titre que tout un personnel de contractuels de droit public, qui ont tous été reconduits dans la nouvelle structure.
La Société Publique Locale mise en place a ainsi conservé toutes les ressources humaines du précédent service, au titre de fonctionnaires mis à sa disposition, tout en assurant un mode de fonctionnement plus agile qui permet de mieux développer l’événement, notamment sur la plan commercial. C’est, par exemple, le mode de gestion qui a été choisi pour le Voyage à Nantes. Le modèle économique a donc été retravaillé : les deux actionnaires publiques de la SPL sont donc la ville et la métropole, mais nous avons également des mécènes privés.
La SPL nous permet désormais de dégager des recettes propres (à raison de 33 %) et de travailler ainsi différents outils, courants pour un festival, mais qui demeuraient très limités dans le cas de Rio Loco : politique de billetterie, stratégie marketing, réseaux sociaux, espace partenaire sur le site du festival, etc.
Combien de personnes travaillent dans cette SPL ?
La SPL emploie trente temps plein. Le festival n’est pas sa seule activité : le Metronum, la salle de musique toulousaine que je dirige, est aussi à sa charge. C’est donc une SPL pensée comme un véritable pôle de développement des musiques actuelles sur le territoire de Toulouse.
Cela se ressentira-t-il sur la programmation du festival ?
Nous avons mis en place il y a deux ans et demi, donc avant le transfert d’équipe, un projet culturel intitulé Réinvention, porté sur l’inclusion et l’éco-responsabilité, dont les axes sont très présents à l’affiche de nouvelle édition de Rio Loco. Côté inclusion, nous travaillons sur la visibilité des femmes dans les musiques actuelles. Puisqu’il est complexe de la rendre tout à fait effective sur scène, nous avons compensé cette impossibilité en organisant sur le festival un forum livestreamé et podcasté, en partenariat avec un grand groupe de média, où se succèderont des personnalités féminines. Cette initiative s’inscrit dans une démarche plus large - en septembre, nous lançons la deuxième édition de notre programme de résidence réservé à deux artistes femmes, la Woman Metronum Academy.
La SPL nous permet de développer une stratégie en marketing, en billetterie, et de mieux communiquer en ligne.
Également, dans le cadre de la saison culturelle France-Portugal et de notre compagnonnage avec l’Institut Français et la Sacem, nous proposons notamment un focus sur la scène électronique lisboète, à laquelle nous consacrons une de nos scènes. Nous travaillons d’ailleurs à dépasser les clivages « musiques actuelles » et « musiques du monde », en creusant une ligne « musiques actuelles du monde » qui permettrait de programmer sans œillères à l’avenir.
Au total, cette édition 2022 réunit 50 artistes, en comptant les propositions plus familiales en cirque et arts visuels. De par son historique, sa tarification très basse (10€ par jour ou 30€ les cinq jours) et son site en pleine ville et au bord de l’eau, Rio Loco conserve en effet un public très large, des jeunes jusqu’aux familles en passant par des mamies locales.
Comment se comporte votre public depuis la reprise de la vie culturelle ?
Au Metronum, c’est très compliqué depuis janvier, le dernier épisode de restrictions nous a achevé. La fréquentation est bien en dessous de la moyenne d’avant-crise, et les comportements changent sans pouvoir encore les identifier clairement : les gens ne sortent plus autant qu’avant, s’engagent moins sur la vie culturelle ou ne se rendent tout simplement pas aux concerts même après achat du ticket. Ces salles pas assez remplies nous questionnent sur nos futures stratégies de programmation.
Cette édition de Rio Loco sera donc un test déterminant. L’an dernier, le festival était un des premiers à avoir lieu en France, dans des conditions sanitaires acrobatiques et avec des jauges de 5 000 personnes. Certains artistes y retrouvaient la scène pour la première fois.