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Pass vaccinal : comment gérer les litiges au sein des personnels des scènes publiques ?

Par Thomas Corlin | Le | Rh, formation, intermittence

Refus vaccinal, contrôles d’identité, annulations : le pass vaccinal a mis les lieux culturels dans des situations délicates depuis leur réouverture. La vice-présidente du Syndicat National des Scènes Publiques (SNSP), Véronique Lécullée, propose quelques solutions pour répondre à certains cas pratiques.

Le pass est en vigueur dans tous les ERP depuis le 24 janvier. - © D.R.
Le pass est en vigueur dans tous les ERP depuis le 24 janvier. - © D.R.

Quelles sont les situations provoquées par l’application du pass vaccinal aux personnels des scènes publiques ? 

La situation restait tolérable lorsqu’il était encore possible de présenter un test négatif, mais l’application du pass vaccinal contrarie le principe selon lequel la santé des employés est dissociée de l’exercice de leur métier. Bien sûr, nous sommes légalistes au SNSP, nous ne nous prononçons pas pour ou contre le pass vaccinal en soi, et incitons à respecter son déploiement, mais il s’agit de pointer les cas complexes que cela pose pour certains gérants d’équipe en termes de ressources humaines. Les employeurs de tous les secteurs se sont rapidement prononcés en signalant qu’ils ne voulaient pas vérifier ces pass. 

En cas d’annulation pour refus vaccinal, c’est à la compagnie employeuse de gérer la situation.

Ce nouveau pass implique donc que tous les personnels étant exposés à du public soient vaccinés. Or, tous les personnels ne le sont pas, du moins pas en permanence. Un directeur technique refusant de se faire vacciner peut alors continuer certaines de ses missions lorsque le lieu dans lequel il travaille accueille du public - en consultant ses fiches techniques dans un bureau ou en procédant à un montage, par exemple. 

Néanmoins, plusieurs cas sont remontés jusqu’à nous : la directrice d’un lieu patrimonial a dû annuler un festival parce qu’elle ne trouvait pas de remplaçant à son directeur technique non-vacciné, du fait d’une pénurie de régisseurs sur son territoire. Ailleurs, il a fallu remplacer un chargé de billetterie non vacciné pour les moments d’accueil du public.

Comment se gèrent les annulations (en cas de refus de vaccination, de contamination, etc) dans les équipes artistiques, après achat du spectacle ?

Dans le cas d’une annulation pour refus de vaccination, le lieu d’accueil n’est pas redevable d’une indemnisation puisque c’est la compagnie qui est employeuse, et doit donc gérer son affaire. Certaines compagnies ont pu faire reprendre des rôles par un comédien disponible, quand cela était artistiquement faisable. Actuellement, ce type de cas est le plus souvent recensé dans le secteur du cirque. Il y a hélas des cas d’annulation sèche à ce motif pour les compagnies.

Dans le cas d’une contamination Covid, il s’agit d’estimer les pertes de la compagnie et de voir s’il peut y avoir indemnisation, ne serait-ce que partielle. Le report est bien sûr privilégié, avec possibilité de payer une moitié puis de verser la seconde lors de la date du report. C’est du cas par cas, selon les territoires : des collectivités refusent d’indemniser des dates qui n’ont pas eu lieu. 

Dans le cas d’un problème de santé autre, c’est l’assurance de la compagnie qui couvre les frais. 

De façon générale, le SNSP souhaite que les conditions pour l’activité partielle (maladie covid ou pass vaccinal) soient assouplies. Aujourd’hui, c’est le droit commun qui s’applique alors que les conséquences peuvent être catastrophiques pour le milieu du spectacle et de la culture.

Le pass vaccinal, bientôt levé ?

D’après Gabriel Attal, porte-parole du Gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres le 09 février 2022, « nous constatons un début d’amélioration à l’hôpital et des projections nous laissent espérer qu'à l’horizon de fin mars-début avril 2022, la situation se soit suffisamment détendue à l’hôpital pour que nous puissions lever le pass vaccinal et peut-être aussi avancer sur la question du port du masque ».

En vigueur dans tous les ERP depuis le 24 janvier, il a notamment fait l’objet d’un « appel au retrait » signé par 21 organisations professionnelles de la musique et du spectacle vivant, le 10 février. Selon celles-ci, le pass « dégrade un peu plus la perception du secteur culturel par la population, fracture les individus en étant source de discorde et achève de démolir le moral des équipes qui font vivre la culture et en sont une richesse cruciale ».

Le seuil du pass vaccinal étant fixé à 16 ans, la fréquentation des scolaires a été compromise. Comment scènes publiques et établissements scolaires ont-ils collaboré ? 

Le lien s’est beaucoup délité depuis la pandémie, surtout dans des territoires dont les académies ont été les plus vigilantes sur l’application des mesures. Tout dépend de l’interprétation des référents locaux, c’est parfois le maire ou l’inspecteur d’académie qui décide de la tenue ou non d’une séance scolaire ou d’une sortie. Parfois cela relève aussi du choix de l’établissement scolaire : le pass vaccinal ne s’applique pas aux établissements eux-mêmes, mais devient obligatoire en extérieur à partir de 16 ans. Certains chefs d’établissement ont renoncé à des sorties scolaires au nom de l’injustice que cela créait au sein même de leurs établissements, puisque certains niveaux pouvaient se rendre aux pièces et d’autres non. 

Quelle est la position du SNSP concernant les éventuels contrôles d’identité que devraient effectuer les personnels en lien avec les pass vaccinaux ?

Ces contrôles sont parfois effectués par des prestataires extérieurs, spécialisés dans la sécurité et embauchés par la mairie. Dans la plupart des cas cependant, c’est le personnel d’accueil qui les effectue. A priori, la vérification de l’identité des détenteurs ne se généralise pas encore. Le SNSP aurait une position plus tranchée si elle venait à devenir obligatoire.