Ruralité : à la Réole (Gironde), le café la Petite Populaire programme comme une grande
Par Thomas Corlin | Le | Lieux, résidences, locaux de répétition
À La Réole, commune de 4 300 habitants en Gironde, l’ancien programmateur de Smac David Lespes a lancé la Petite Populaire, micro-lieu proposant une offre artistique défricheuse en zone rurale. Lancé en 2018, le lieu a traversé sereinement la crise et développe davantage d’actions socio-culturelles.
Comment s’est monté ce projet plutôt alternatif en zone rurale ?
La Réole rassemble 4 300 habitants, possède une gare et se situe entre deux communes plus importantes, avec Bordeaux à proximité. C’est à l’origine un collectif qui s’est formé à la suite d’une série de concerts en appartements. Après avoir emménagé, fort de mon expérience comme programmateur au Krakatoa (Smac de Mérignac) et de ma connaissance du circuit musical, je me suis dit qu’organiser des concerts chez des gens serait une manière plaisante de rencontrer du monde. Culturellement, une offre existait, mais un certain nombre d’habitants ne s’y retrouvaient pas.
Rapidement a émergé l’envie de disposer d’une structure légale et d’un lieu en dur pour poursuivre ce projet de diffusion. Le centre-ville était déserté comme plein d’autres, mais malgré les espaces disponibles cela n’a pas été évident : beaucoup de locaux en ville étaient inadaptés, trop vétustes, les propriétaires n’étaient pas toujours joignables.
Quelle est sa capacité ?
Il a deux salles, pouvant recevoir chacune 35 personnes. L’un est un espace café avec un comptoir, et l’autre en contrebas est modulable - boîte noire, salle de concert ou extension du café. C’était un ancien magasin de vêtements, nous sommes tombés dessus par hasard.
Les travaux ont été faits en partie bénévolement, l’ouverture s’est autofinancée. Il y a eu un cumul de compétences en interne : des gens qui savaient faire de la maçonnerie, des dons de mobilier, etc. Nous louons cet espace auprès d’un privé.
L’intérêt du public a été instantané, il y avait une attente, les gens sont venus en masse dès le début.
Ainsi, quel est votre modèle économique ?
La location et les frais sont couverts par nos recettes de bar. Nous ne servons de l’alcool que le vendredi de 18 à 21h, et c’est devenu un rendez-vous très populaire. Le reste de la semaine, nous ne vendons que du soft. Le café est tenu bénévolement, c’est une activité séparée de la programmation et de nos actions socio-culturelles.
Le public ne vient pas pour le nom des artistes, mais par curiosité.
Nous touchons par ailleurs des subventions de la Ville, de la Région, de la communauté de communes, au titre à la fois du développement culturel que nous effectuons et de diverses actions socio-culturelles. Nous répondons à des appels à projets de plus en plus nombreux, selon nos compétences et nos envies.
La structure compte deux salariés dont un à temps plein.
Dans quels types de projets socio-culturels vous investissez-vous ?
Nous travaillons par exemple dans des zones dites difficiles, en amenant par exemple une programmation culturelle dans une cité HLM de La Réole, de la façon la moins descendante possible naturellement. Nous intervenons aussi dans les villages environnants sur un périmètre d’une vingtaine de kilomètres.
Nous proposons plusieurs ateliers : couture, langue des signes, sensibilisation aux risques auditifs. Le social n’était pas notre compétence d’origine mais nous apprenons et cela nous investit différemment sur le territoire et nous permet de gagner en légitimité. Nous collaborons en partenariat avec d’autres structures pour ces projets.
Quelle est la ligne de programmation de votre lieu ?
Nous proposons une vingtaine de concerts par an. L’idée est d’amener des artistes que les gens n’auraient pas l’occasion, ni peut-être l’idée de découvrir. Nous avons pu recevoir de la musique expérimentale, des instruments médiévaux ou asiatiques, etc. Il s’agit de mettre un artiste dans un cadre inhabituel et de se démarquer de l’offre proposée par les salles de concerts classiques. Le public ne vient pas pour le nom des artistes, mais par curiosité. Nous proposons aussi de la création, notamment avec des concerts dessinés, et beaucoup de programmation hors les murs.
Comment avez-vous traversé la crise ?
Curieusement, nous sommes passés entre les gouttes. Nous avons même fait pas mal de choses pendant l’été 2021. Nous avons été très réactifs, et le lien avec le public a été conservé. C’est plutôt à la réouverture véritable que les choses ont été un peu compliquées, notamment pour mobiliser des bénévoles.