Ventes, finances

Overact, solution de trésorerie innovante pour le spectacle vivant

Par Thomas Corlin | Le | Subventions, mécénat, aides

En rachetant une part de la billetterie escomptée sur un spectacle, Overact se pose comme une source de financement alternatif pour des producteurs en mal de trésorerie. Son créateur Pierre Ilias s’explique sur cette initiative originale.

Quelques uns des spectacles soutenus par un Overact - © D.R.
Quelques uns des spectacles soutenus par un Overact - © D.R.

« Je crois que c’est Lee Strasberg, directeur de l’Actors Studio, qui rappelait régulièrement que dans l’entertainment on pouvait tout faire sauf emprunter de l’argent, plaisante Pierre Ilias, fondateur d’Overact. J’en ai moi-même fait l’expérience plusieurs fois ». Des difficultés à trouver des financements, cet ancien producteur-tourneur issu de la musique et du spectacle en a connues, et c’est ce qui lui a inspiré la mise sur pied d’une alternative aux ressources habituelles. 

Overact a donc germé dès 2013, et a nécessité une certaine ingénierie juridique et financière. L’idée n’est pourtant pas si complexe : il s’agit d’acheter à l’avance une part de la billetterie potentielle d’un spectacle à venir d’un producteur qui a besoin de trésorerie. Une fois que le spectacle est mis en vente et que les billets sont vendus, le montant de la vente revient à Overact, avec une remise. 

« Ce n’est pas un prêt, ni un emprunt, ni un investissement, et encore moins une coproduction »

Ce dispositif, breveté et validé par un cabinet spécialisé, n’est « pas un prêt, ni un emprunt, ni un investissement, et encore moins une coproduction », rappelle Pierre Ilias. En effet, le producteur qui a contracté un « Overact » n’est pas redevable, et si le spectacle ne fait pas de recettes suffisantes, Overact ne récupère pas son apport.

Ainsi, les producteurs qui sollicitent Overact doivent présenter un projet fiable et réaliste qui sera examiné par un comité. « Quelqu’un qui veut faire jouer Marilyn Manson devant 400 personnes, ou à l’inverse un inconnu devant 1 700 personnes, ne se verra probablement pas accorder d’apport chez nous », précise Pierre Ilias. La seule garantie exigée est que le plan marketing et promotionnel prévu pour le spectacle soit bel et bien exécuté. 

Le système a vite rencontré son public, du théâtre à la musique, de l’événementiel aux festivals. Les budgets varient eux aussi. « Des petites compagnies de théâtre qui ont besoin de 2 à 5 000 € pour jouer dans le Off d’Avignon ou un tourneur-diffuseur régional qui cherche de plus grosses sommes pour faire jouer une tête d’affiche sur son territoire peuvent faire appel à nous de la même façon. C’est la fiabilité du projet qui compte. » Le procédé est vertueux : un Overact, qui fait l’objet d’une facture émise par le producteur, peut être déclencheur d’autres financements.

Une centaine d’Overacts ont donc eu lieu depuis que l’idée a été mise en pratique, en 2016. La structure emploie une dizaine de salariés, et entend s’exporter. « Ce système ne sera rentable qu’une fois appliqué à un territoire plus large », juge Pierre Ilias. Avant la crise de la Covid-19, Overact recevait jusqu’à une demande par jour. Aujourd’hui, la structure organise une tournée d’information en régions à l’automne 2020 pour faire connaître cette solution financière inédite dans la culture.

Il y a encore 10 ans, je ne pense pas qu’on aurait pu mobiliser des acteurs de la finance sur un tel projet.

Leurs investisseurs sont solides, et soutiennent la démarche depuis le début. Plusieurs se sont engagés, dont la société d’investissement Paluel-Marmont Capital. Pierre Ilias estime qu’il a bénéficié « d’une certaine détente du milieu de la finance vis à vis de la culture. Il y a encore 10 ans, je ne pense pas qu’on aurait pu mobiliser des acteurs de ce domaine sur un tel projetIl ne faut pas perdre de vue qu’un retour sur investissement est désormais possible. »

Pierre Ilias, d’Overact.  - © D.R.
Pierre Ilias, d’Overact. - © D.R.

Mais quid alors d’un tel montage projeté sur l’avenir, au milieu d’une crise qui aura peut-être raison d’une année complète de programmation ? « Naturellement, nous n’avons pas demandé de retour sur les Overacts dont les spectacles devaient avoir lieu pendant cette période ». Overact prévoit même d’étendre la durée séparant la signature d’un Overact et la date du spectacle soutenu, pour les producteurs souhaitant programmer un spectacle dans un délai beaucoup plus long du fait de l’incertitude globale du moment. « Il suffit juste qu’ils nous appellent pour déterminer avec eux quelle offre leur conviendrait le mieux. » À bon entendeur !