Plateformes : Pianity, quand la musique s’empare des NFT
Par Thomas Corlin | Le | Merchandising
Après le jeu vidéo et l’art, les NFT prendront-ils pied dans le circuit de la musique enregistrée ? C’est l’ambition de la plateforme Pianity, où de nombreux artistes vendent des éditions limitées de leurs morceaux sous ce format. Cette nouvelle source de revenus pourrait changer leur modèle économique à terme, selon le responsable de la communication du site, David Duarte.
Le phénomène des NFT est encore récent. Quelle a été la genèse de votre plateforme ?
Nous avons entamé le développement de Pianity en mars 2021, dans le cadre d’un appel à projets pour un programme de soutien de six semaines, Open Web Foundry, organisé par Arweave, la blockchain que nous utilisons. Son lancement date du 13 juillet 2021. Nous sommes une douzaine de permanents sur ce projet, dont les trois cofondateurs, Kevin Primicerio, Simon de Kinkelin (le seul du trio à avoir une connexion antérieure avec le secteur musical), et Lancelot Owczarczak.
Les NFTs se sont d’abord popularisés dans le monde de l’art : l’art génératif, le cyberpunk, la vente d’accessoires virtuels, etc. Le secteur du jeu vidéo s’en est aussi emparé depuis un moment. Dans la musique, nous en sommes encore au début, Pianity est en tout cas la seule proposition française dans ce champ jusqu’ici.
Quelques ventes spectaculaires ont de l’écho dans le champ médiatique ces temps-ci, mais cette technologie pourrait bien changer le modèle économique de plusieurs secteurs artistiques sur le long terme, dont la musique.
En quoi consiste l’offre de Pianity ?
La technologie de la blockchain, à l’origine du NFT, permet d’authentifier un fichier et ainsi de le rendre unique, donc d’en établir la propriété. Pianity l’utilise pour permettre aux artistes de vendre des morceaux en édition limitée, à savoir que les fichiers qui en seront vendus pourront être collectionnés et revendus aux enchères comme cela se fait sur certaines éditions limitées de disques physiques ou autres raretés. Il faut penser au NFT comme à un « exemplaire virtuel d’une œuvre ».
En France, le droit d’auteur est totalement séparé du NFT d’un morceau.
Il suffit de s’inscrire sur la plateforme et d’ouvrir son propre profil d’artiste. Chaque morceau mis en vente est à l’écoute en streaming. Il existe différents modèles de mise en vente : l’unique, à savoir qu’il n’existe donc qu’un NFT d’un morceau, le « légendaire » (10 copies), « l’épique » (100), le « rare » (1 000). Lors de la première vente d’un NFT, seule l’édition unique est mise aux enchères. Les autres éditions sont en vente à prix fixe. En revanche, lorsque le marché secondaire sera ouvert, les collectionneurs pourront revendre tous leurs NFT, peu importe l’édition - soit à prix fixe, soit aux enchères. L’artiste perçoit alors 8 % sur chaque plus-value issue de la revente d’un de ses NFT.
Un vote est également mis en place pour déterminer quel NFT sera mis en vente en priorité. Chaque artiste dépose le morceau qu’il souhaite mettre en vente, et les membres de la plateforme votent deux fois par jour, à midi et minuit, pour choisir quels morceaux seront ensuite vendus en NFT .
La plateforme prend 20 % sur chaque transaction, et les autres 80 % reviennent à l’artiste, à son label et à un éventuel graphiste ayant fourni un visuel pour chaque NFT, par exemple. Nous préconisons généralement une fourchette entre 30 et 60 € pour le prix de vente d’un NFT.
Il est également à noter que la blockchain utilisée par Pianity, AreWeave, utilise moins d’énergie et dispense donc de les frais de transactions d’environ 50 à 60 dollars appliqués sur les marketplace fonctionnant sur Ethereum, plus courante mais aussi moins écologique.
Le droit d’auteur est-il impliqué dans ces NFTs ?
Il est totalement séparé de cette mise en vente. Le collectionneur achète un exemplaire unique d’un morceau, pas la composition elle-même, dont les droits sont entièrement conservés par l’artiste. Aucun droit à la reproduction ou à l’exploitation de la composition d’origine n’est liée au NFT. Aux États-Unis cependant, certains NFT comprennent aussi une part de royalties.
Quels champs musicaux sont les plus représentés sur la plateforme ?
Les collectionneurs pourront revendre leurs NFT. L’artiste percevra alors 8 % sur chaque plus-value
C’est le secteur électronique qui a réagi en premier, notamment parce que l’un de nos fondateurs en est proche. Beaucoup de ces artistes sont auto-produits et détiennent la totalité de leurs droits, les mises en vente sont donc plus directes. Ensuite, d’autres styles, d’autres réseaux se sont inscrits sur la plateforme, comme le blues, le rap ou la pop.
Jusqu’ici, quel est le public de votre plateforme ?
C’est tout d’abord la communauté des cryptomonnaies, très attentive aux NFT. Leur nouveauté déclenche un fort engouement et donc de nombreuses acquisitions. Certains collectionneurs asiatiques peuvent d’ailleurs faire monter les enchères de façon inattendue. Un pianiste d’Europe de l’Est a vu son NFT grimper à 50 000 € un peu par hasard, principalement parce qu’une foule de collectionneurs ont investi sur la plateforme précisément quand il a mis en vente son morceau. Le phénomène étant nouveau, il peut donner lieu à ce type de surprises - il est nous arrivé d’enregistrer 1 M€ de transactions sur une semaine, une occurrence unique en soi. Par-delà ce public à la recherche d’enchères en ligne, il existe bien sûr un public de fans qui se familiarise actuellement avec l’outil et s’engage sur notre plateforme pour soutenir les artistes et collectionner leurs oeuvres.