#rentrée2020 : « Comment gérer l’abondance d’artistes en développement à la reprise ? » (M. Phulpin)
Par Thomas Corlin | Le | Marketing, réseaux sociaux
Comment la culture prépare-t-elle sa rentrée 2020 alors que persistent les incertitudes autour de la crise de la Covid-19 ? Culture Matin interroge différents acteurs du secteur au fil de l’été. Aujourd’hui, Mélissa Phulpin, attachée de presse dans les musiques actuelles, manageuse et éditrice, derrière la structure Tomboy Lab.
Comment votre activité a-t-elle été affectée par le confinement ?
La suspension des concerts a nécessairement interrompu la promotion d’albums qui soutiennent traditionnellement une tournée, et toutes les sessions de promo en présentiel. Les sorties maintenues étaient principalement des EPs ou des singles, accompagnant une vidéo, qui ne génèrent généralement pas beaucoup de promo. Une artiste comme Cléa Vincent a tout de même obtenu un peu de visibilité grâce au titre qu’elle a sorti.
Certains des artistes avec lesquels je travaille ont un peu paniqué, d’autres se sont sentis paradoxalement plus libres.
Paradoxalement, cette baisse du rythme des sorties a créé un manque chez les médias, qui se sont retrouvés à exposer des artistes en développement qui ne les auraient pas interpellés en temps normal. Ceux-ci ont peut-être gagné quelques followers sur les réseaux sociaux, mais je crains que leurs apparitions dans les médias n’aient été noyées dans le flux d’informations sur la pandémie. Les chiffres d’écoute pendant le confinement montrent bien que le public s’est contenté de revenir vers des classiques.
Dans ce contexte, engager de nouveaux projets m’a été impossible, puisque je ne peux établir de planning promotionnel sans visibilité. Quant aux projets maintenus, j’avoue que je marchais sur des œufs en contactant les médias pour leur en parler, jusqu’à me dire qu’après tout on était tous dans le même bateau et qu’il fallait bien continuer de travailler plus ou moins normalement.
Certains des artistes avec lesquels je travaille ont un peu paniqué, d’autres se sont sentis paradoxalement plus libres. Certains ont créé, d’autres n’y sont pas arrivé - ça se comprend.
Comment relancer la communication d’un artiste après un temps d’arrêt partiel ?
Tout d’abord nous sommes rassurés de voir que certains tremplins auront lieu, sous une forme ou une autre. Les Chantiers des Francofolies ou les Inouïs du Printemps de Bourges existeront à la rentrée, ce qui permet à des artistes en développement, les plus vulnérables, de présenter leur travail.
Ensuite, les artistes français auront peut-être plus de place que d’habitude du fait de l’absence des artistes américains en tournée en Europe, mais ce n’est pour l’instant qu’une hypothèse émise par certains acteurs du milieu. De l’autre côté, malgré cet arrêt d’activité, les artistes devront avoir une actualité à proposer quand les choses reprendront, qu’ils aient déjà sorti leur projet ou non.
Comme dans toute la filière, on craint surtout la saturation. Déjà que la musique n’a pas forcément la priorité dans les pages culturelles, la situation risque d’empirer : les blockbusters reportés ou Roland Garros risquent d’occuper d’autant plus de place. Au milieu de tout ça, que faire d’une abondance inhabituelle d’artistes en développement qui doivent profiter de la rentrée pour se lancer ?
Quelles initiatives, quelles réflexions, resteront peut-être de cette période ?
On ne va pas se mentir : personne n’a trouvé les concerts en livestream très satisfaisants. Tous les artistes n’étaient pas équipés pour en faire, ça représente malgré tout du travail et l’attention devant un écran n’est pas la même qu’en situation réelle. Concernant la promotion, l’artistique, de jolies idées ont émergé, comme ce clip d’Aloïse Sauvage réalisé grâce au drone de la personne avec laquelle elle était confinée.
Du côté des labels, certains petits acteurs en profitent pour poursuivre le ralentissement du calendrier des sorties qu’ils avaient déjà enclenchées. En revanche, chez les plus gros, on sent un fort besoin d’exister à tout prix et de reprendre dès que possible un rythme effréné de sorties, ce qui n’est pas forcément très stratégique, mais il faut dire qu’ils ont perdu beaucoup d’argent.
Le confinement a été l’occasion de concrétiser la création d’un syndicat avec près d’une cinquantaine d’attachés de presse indépendants du secteur.
Concernant les médias, bien sûr c’est inquiétant, d’autant que la santé du secteur était déjà très délicate. Malgré cela, des formats ont émergé, comme chez L’Obs, qui a relancé ses sessions live à l’occasion du confinement. L’émission de Laurent Goumarre, Côté Club, va devenir quotidienne, c’est plutôt bon signe pour le live dans les médias.
Le confinement a aussi été l’occasion de concrétiser la création d’un syndicat avec près d’une cinquantaine d’attachés de presse indépendants du secteur pour rappeler l’immense précarité de notre profession. Nos revenus sont ceux de prestataires et ne sont pas liés à la réussite ou non du projet d’un artiste. Nous souhaitons réclamer des aides, mais aussi un changement de notre modèle de rémunération, notamment auprès du Prodiss. Ce sera long !