Ventes, finances

Marché de l’art en ligne : les conseils de l’ADAGP aux artistes sur les écueils à éviter

Par Thomas Corlin | Le | Marketing, réseaux sociaux

Prisées par les artistes comme par les galeries, les plateformes de vente d’art en ligne présentent encore quelques lacunes en matière de droits d’auteur. Marion Berthonneau et Pauline Gendrault du département juridique de la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) ont identifié quelques clauses ambiguës à prendre en compte dans les contrats d’adhésion qu’elles proposent.

La plateforme Artsper est une des principales plateformes du secteur. - © Artsper
La plateforme Artsper est une des principales plateformes du secteur. - © Artsper
  • Droit de reproduction : dans quelles mesure, et sur quels supports ? 

Certaines plateformes se donnent le droit de reproduire l’œuvre sur divers supports : en ligne ou hors ligne. Il arrive que soit mentionnée la nature de ces supports (bois, textile, papier), mais jamais l’usage qui en sera fait (promotionnel ? outils de communication ? produits dérivés ?). Il est même question de droit « télévisuel » sur une plateforme. Quoiqu’il advienne, c’est un point à éclaircir avant de s’engager, qu’il s’agisse d’une reproduction partielle, totale, individuelle ou non. 

  • Exclusivité : jusqu’à quand ?  

Il est courant qu’une plateforme demande d’être le seul vendeur en ligne d’un artiste ou d’une galerie. Il faut prêter attention, dans ce cas, à la clause de résiliation, qui n’est pas toujours précisée en amont sur ces sites. L’artiste peut-il changer librement de plateforme après s’être détaché de l’une d’entre elles ? Sous combien de temps et quelles conditions ?

  • Quel algorithme ? 

Un autre cas est remonté jusqu’à nous : un artiste, qui ne vendait vraisemblablement pas assez pour l’algorithme d’une plateforme, ne s’affichait plus dans les résultats de recherche de celle-ci. Sur la page de ses pièces en vente, le module « acheter » n’était plus disponible non plus. Contactés par une cliente de l’artiste qui souhaitait acquérir l’une de ses œuvres, les administrateurs de la plateforme l’ont invitée à se tourner vers d’autres artistes proposés sur le site.

Un engouement à considérer avec précaution

L’engouement pour ces plateformes est assez récent d’après l’ADAGP. « C’est surtout depuis un an que de nombreux artistes nous contactent pour nous faire remonter des situations ou nous demander conseil sur les clauses de contrat. En théorie, ces plateformes devraient passer par nous pour obtenir l’autorisation de reproduire et représenter les œuvres des artistes de notre répertoire, mais elles ne le font pas toujours. »

Quelques-unes des plateformes les plus en vue : 

• Artsper

• Art Majeur

• Singulart 

• Kazoart

• Artquid

  • Une perte de contrôle sur la circulation de l’œuvre ? 

Certaines plateformes imposent une cession de droits d’auteur au profit de l’acheteur, qui comprend le droit de représentation et donc d’exposition de l’œuvre. Un acquéreur professionnel peut alors exposer l’œuvre, voire la confier ou la louer à un centre d’art ou autre lieu d’exposition. Le lieu d’accueil n’aurait plus forcément à contacter l’artiste, et l’artiste risque de perdre le contrôle de la circulation de son travail, voire d’être privé d’éventuels droits d’auteur. 

  • Retirer ses œuvres lorsque c’est une galerie intermédiaire qui les avait mises en vente sur la plateforme ?

Dans un autre cas, c’est une galerie qui avait entrepris de mettre en vente les œuvres d’un de ses artistes sur une plateforme. L’artiste a entretemps rompu son contrat avec cette galerie, mais ses pièces figuraient toujours sur la plateforme, même un an après rupture, son ancienne galerie n’ayant pas fait le nécessaire auprès de la plateforme. L’artiste a donc été contraint de prendre les choses en main en sollicitant l’ADAGP pour obtenir le retrait des visuels de ses œuvres.

  • Quid de l’intégrité de l’œuvre ? 

Certaines clauses stipulent que la plateforme peut adapter l’œuvre à d’autres formats, la corriger, l’améliorer et la modifier. Ceci ouvre donc la voie à des recadrages, des modifications de l’apparence, ou à une dissociation de certains éléments d’une œuvre, sans aucun droit de regard de l’artiste. C’est naturellement inacceptable.

L’ADAGP en bref

• La Société des Auteurs Dans les Arts Graphiques et Plastiques est une société française de perception et de répartition des droits d’auteur dans le domaine des arts graphiques et plastiques.

• Création : 1953

• Mission : gérer l’ensemble des droits patrimoniaux reconnus aux auteurs (droit de suite, droit de reproduction, droit de représentation, droits collectifs), pour tous les modes d’exploitation : livre, presse, publicité, produits dérivés, enchères, vente en galerie, télévision, vidéo à la demande, sites internet, plateformes de partage entre utilisateurs.

Elle représente 196 000 auteurs dans toutes les disciplines des arts visuels : peinture, sculpture, photographie, architecture, design, bande dessinée, manga, illustration, street art, création numérique, art vidéo.

• Nombre de membres directs : 14 500

• Environ 45,1M€ de droits perçus en 2020 (+ 7,9 %)

• Président : Hervé di Rosa, élu le 16/12/2021

• Directrice générale : Marie-Anne Ferry-Fall

• Tél : 01 43 59 09 79

• Adresse : 11 rue Duguay-Trouin, 75006 Paris