Inclusion : les prescriptions muséales à l’essai à Bruxelles
Par Thomas Corlin | Le | Médiation
Inspirée par un programme déjà en vigueur au Canada, la Ville de Bruxelles teste à son tour les « prescriptions muséales », des visites de lieux patrimoniaux et culturels réservées à des patients en traitement. L'Hôpital Brugmann, plus grand établissement public de la Ville, affine actuellement ses visites dans plusieurs musées et récolte de bons retours, d’après Delphine Houba, Échevine à la Culture.
Comment s’est initié l’expérience de ces prescriptions ?
J’aurais voulu lancer l’expérience bien avant, mais la pandémie l’a retardée. L’idée m’est venue en 2018 d’un article du Monde sur un programme déjà lancé au Canada. J’étais en campagne électorale, et j’ai tout de suite pensé qu’il fallait lancer quelque chose de similaire chez nous. Dans une mission au Québec, j’ai observé à quel point le chantier de l’inclusion numérique dans la culture était déjà bien avancé là-bas et j’étais déterminée à m’y engager aussi en Belgique.
Ayant été, avant mon mandat à la Ville de Bruxelles, Présidente de l’hôpital public Brugmann, établissement-phare de la capitale belge, j’en connaissais déjà les équipes, notamment celles du département psychiatrie et de sa clinique du stress, très portée sur l’art-thérapie, qui a donc été l’équipe idéale pour initier ce projet.
Enfin, la crise a remis au centre de l’actualité les questions de santé, notamment mentale - stress, anxiété, burn-out, etc. La culture a parfois été extraite du domaine des « essentiels », et ce type d’initiative est un bon moyen de rappeler qu’elle en fait partie. Par ailleurs, le rapport de l’OMS sur les liens entre culture et santé a été inspirant dans cette démarche.
En quoi consiste le dispositif jusqu’ici ?
Il est actuellement en rodage, nous testons les protocoles et les médecins les affinent. La visite réunit six patients suivis à la clinique du stress de Brugmann, et elle se tient pour l’instant dans le Musée de la Ville, encadrée par deux ou trois personnes issues du personnel de santé comme de celui du lieu d’accueil. L’objectif est qu’elle puisse se faire, à terme, sans cet encadrement (mais avec des membres du personnel sur place formés à cet effet) et que le patient puisse se rendre dans le lieu uniquement accompagné de proches. Ces visites peuvent être accompagnées d’activités et d’ateliers.
La démarche la plus engageante qui soit en matière d’inclusion et de sensibilisation aux questions de santé.
Nous veillons à ce que les patients soient accueillis par un personnel formé et compétent, qu’ils ne soient pas stigmatisés du fait d’être patients, et puissent vivre leur passage dans le musée en confiance, comme n’importe quel visiteur.
L’expérience est aussi conçue pour contribuer aux analyses scientifiques, qualitativement et quantitativement. Elle est pour l’instant limitée au Musée de la Ville et sera étendue à d’autres musées municipaux - entre autres le Centre d’Art Contemporain, le GardeRobe MannekenPis ou le Musée des Égouts, dans un registre plus insolite. D’autres lieux culturels et établissements de santé sont attentifs à l’initiative, et envisagent d’y participer ultérieurement.
Que remonte-t-il de ces visites et quels moyens mobilisent-elles ?
C’est déjà établi : la culture a un effet sur la santé. Il est démontré qu’elle peut influer sur le taux de sucre dans le sang et qu’elle peut aider les personnes souffrant d’hypertension ou de diabète. Elle dirige l’attention des patients sur quelque chose qui les sort de leur souffrance. Tous les retours que nous avons récoltés sont bons.
Par ailleurs, ce type de démarche rentre dans les missions des lieux de culture, qui sont tenus d’accueillir un public aussi divers que possible. C’est la démarche la plus engageante qui soit en matière d’inclusion et de sensibilisation aux questions de santé.
En terme de moyens, c’est en fin de compte un dispositif peu coûteux. Tous les moyens financiers viennent des fonds dédiés à la culture par la Ville. Les hôpitaux sont déjà saturés et ne peuvent mobiliser pour ce type d’opération que des moyens humains, ce qui est déjà un grand geste. Certains membres du service psychiatrique l’intègrent à leurs missions.
Du côté des lieux d’accueil, cela peut nécessiter de renforcer leurs équipes de médiation et de désigner un membre de l’administration pour suivre le dossier. Cela ne représente donc pas un investissement excessivement lourd pour ces structures, et cela reste entièrement gratuit pour l’institution hospitalière et, bien sûr, pour le visiteur.