Accessibilité : comment fonctionne à l’Opéra Comique le dispositif Relax pour le public à handicap ?
Par Thomas Corlin | Le | Médiation
Initié en 2018, le dispositif d’accessibilité à la culture Relax est en rodage dans plusieurs établissements pilotes, dont l’Opéra Comique (Paris 2e). Sa secrétaire générale adjointe Laure Salefranque détaille des expériences encourageantes, et les premiers gestes à suivre pour bien préparer ces séances.
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Quel est le public concerné par les séances Relax ?
Toutes les personnes en situation de handicap psychique, psychologique, touchées par un poly-handicap, ou par différentes formes d’autisme (y compris les moins visibles), ou encore la maladie d’Alzheimer.
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Tous les spectacles sont-ils adaptés ?
C’est au public concerné et à leurs familles d’en décider, pas à nous. C’est pourquoi nous ouvrons une séance par spectacle au dispositif Relax, qu’importe la proposition artistique. Baroque, contemporain, français ou autre, d’une durée d’une ou de trois heures : presque toute notre programmation a été accessible au public à handicap. Sur une formule concert entre midi et 14 heures dans un autre espace de notre lieu, nous avons consacré aussi une vingtaine de places à Relax sur une jauge de 100 personnes, et ainsi attiré des personnes issues d’accueils de jour, plutôt qu’accompagnées par leurs proches. Pour les familles, notre seule limite est celle du calendrier : Relax doit se tenir en week-end, préférablement le dimanche, puisque la représentation s’y tient en après-midi. Si un opéra ne joue qu’en semaine, nous ne pouvons programmer de séance Relax.
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Quel est le contingent de places alloué à Relax, et comment est-il réparti dans la salle ?
Une trentaine de places sont réservées à Relax, avec des tarifs préférentiels pour la personne concernée et jusqu’à deux accompagnants. Ces places sont disposées à l’orchestre, le personnel encadrante ne pouvant se démultiplier dans tout l’espace de l’Opéra en cas de besoin.
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Comment se sont déroulées les séances jusqu’ici ?
Les séances ont été un succès, même si nous sommes encore en train d’apprendre. Il arrive que des spectateurs Relax entrent et sortent pendant la pièce pour faire une pause, en raison des fortes sollicitations émotionnelles du spectacle. C’est parfois un processus en plusieurs étapes : sur une séance, un spectateur a souhaité quitter la salle au bout de 15 minutes. Il a retenté l’expérience plus tard, sur un autre spectacle, de 2h30 celui-là, avec succès.
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Quel est le dispositif actuel pour les accueillir ?
Chaque personne achetant un billet pour une séance concernée est prévenue par mail de l’activation du dispositif ce soir-là, notamment grâce à une vidéo. Sur place, une annonce est faite avant le début de la représentation : elle doit être faite à l’oral, sur scène, et non dans les hauts-parleurs.
Les spectateurs en situation de handicap se voient remettre deux documents « faciles à lire » : l’un concerne le déroulé de la séance (les sacs seront fouillés, le spectacle est assis, la salle sera plongée dans le noir, il y aura un entracte, etc), l’autre sur le spectacle lui-même, mentionnant notamment des passages qui peuvent les surprendre (coup de tonnerre, volume sonore élevé, etc).
Un espace hors salle est mis à disposition pour qu’ils s’isolent si besoin : nous utilisons juste quelques paravents, fournissons de l’eau, voire des casques pour se couper de l’environnement sonore du spectacle.
Des éléments de communication destinés à circuler dans le réseau encadrant le handicap sont en cours de fabrication.
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Quels sont les effectifs mobilisés pour une séance Relax ?
Tout notre personnel est formé par des professionnels de l’accompagnement au handicap, y compris celui qui est extérieur à notre établissement, comme les agents de sécurité qui sont le plus souvent des intervenants envoyés par des entreprises - ils sont prévenus que le contact physique est délicat avec ce public-là.
Pour l’instant, ce sont des bénévoles de l’association Ciné-ma Différence, instigatrice du projet, qui sont présents en salle pour encadrer les éventuels déplacements des spectateurs Relax pendant la séance. D’ici la fin de l’année, l’Opéra Comique devrait être autonome dans sa gestion du dispositif.
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Quelles sont les réactions du public et des musiciens ?
Nous avons eu quelques remarques de la part de nos spectateurs habituels, c’était attendu. Le travail à l’œuvre dans ces séances concerne d’abord le public à handicap et leurs familles, mais aussi le public général, qui s’habitue ainsi à la cohabitation avec d’autres typologies de spectateur, et leurs besoins. Il y a là un enjeu pédagogique, une question de visibilité. Nous les encourageons à accueillir avec bienveillance les réactions de ces voisins de salle au comportement potentiellement atypique.
Les artistes (qui sont bien sûr informés en amont de la tenue d’une séance Relax) relatent des expériences fortes : certains spectateurs handicapés ont pu fredonner, chanter ou réagir bruyamment. Ce sont des interventions fortes, mais elles n’ont pas dérangé le déroulé du spectacle, et ont même été l’occasion d’un moment humainement intense pour l’artiste sur scène.
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Avec quel soutien menez-vous cette expérience ?
L’Opéra Comique est un établissement public, financé en grande partie par l’État, et cette opération s’inscrit dans nos missions, elle est donc prise en charge par nos subventions. Deux mécènes privés participent aussi à Relax : Malakoff Humanis et la fondation d’entreprise Gecina.