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Médiation culturelle : comment le musée de Saint-Lô (Manche) a-t-il exposé dans les commerces ?

Par Thomas Corlin | Le | Médiation

Du 6 au 27 mars, la collection du Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Lô (Manche) s’est exposée dans le centre de la ville, grâce à des reproductions accrochées dans divers commerces. L’opération a connu des retours enthousiasmants et pourrait être réitérée, d’après Emmanuelle Siot, directrice par intérim.

La FNAC a prêté toute une partie de son présentoir d’entrée pour l’exposition. - © D.R.
La FNAC a prêté toute une partie de son présentoir d’entrée pour l’exposition. - © D.R.

Sur quelle impulsion s’est montée l’opération Chefs-d’œuvre en Magasins ?

Une exposition similaire vue à Rennes m’a inspiré. L’été dernier, un musée de la ville avait travaillé avec des commerçants qui avaient choisi chacun une pièce de la collection. Le musée était ouvert et des cartels y indiquaient que certaines pièces avaient été sélectionnées par des commerçants, qui en montraient une reproduction dans leur boutique. 

Lorsque nous avons dû nous résigner à ne pas rouvrir en janvier dernier, et que nous avons réalisé que la fermeture durerait un bon moment, j’ai voulu répliquer l’opération vue à Rennes avec notre collection, à Saint-Lô. 

Comment la rencontre et la collaboration avec les commerçants se sont-elles déroulées ? 

Il existe une association de commerçants qui organise les manifestations dans leurs espaces. C’est elle qui a relayé notre projet et fait remonter dix-huit réponses positives. Il y a eu des opticiens, des boulangeries, une tapissière, un coiffeur, un chocolatier, une boutique d’articles de cuisine, la FNAC, un restaurateur qui restait ouvert pour faire des plats à emporter, etc. Nous leur avons alors envoyé une sélection d’une centaine d’œuvres dans laquelle ils ont pioché. 

L’affiche de l’événement.  - © D.R.
L’affiche de l’événement. - © D.R.

En fin de compte, bien des commerçants qui n’avaient pas participé ont déclaré qu’ils regrettaient de ne pas l’avoir fait en voyant l’opération se déployer. Cette collaboration était d’ailleurs intéressante en ce qu’elle nous a permis de sortir un peu de notre bulle du musée, et nous a mené à créer du lien avec d’autres secteurs du territoire. Nous avons disposé d’espaces auxquels nous n’aurions pas eu accès normalement. Par exemple, la FNAC nous a prêté tout un présentoir dans leur entrée pour y afficher un quadriptyque - c’est une visibilité qui n’aurait pas été gratuite normalement. Il est certes difficile d’en estimer l’impact sur le public, mais nous avons eu des retours des agents de caisse selon lesquels les clients se montraient curieux au sujet des toiles. 

Nous réfléchissons déjà à réitérer l’opération, même une fois le musée rouvert. Une entreprise de la Manche nous a demandé des œuvres à exposer dans ses locaux, qui sont également accessibles au public. 

Comment avez-vous réglé les questions de droit de reproduction ? 

D’emblée, nous avons exclu de notre sélection les œuvres protégées, car nous nous n’aurions pas eu le temps de faire la demande de droits. Sinon, toutes ces pièces appartiennent à notre collection, nous disposons donc des droits de reproduction. 

Nous avons disposé d’espaces auxquels nous n’aurions pas eu accès normalement.

Nous avons utilisé les photographies réalisées lors du récolement récent du musée pour produire les copies. Nous disposions donc déjà d’une base de données exhaustive de nos pièces. Nous avons commandé à un imprimeur les reproductions sur matériau rigide des tableaux sélectionnés par les commerçants, et elles pourront être réutilisées, par exemple en milieu scolaire. 

Comment envisagez-vous une éventuelle réouverture du musée au public ?

L’été dernier, notre exposition dans le cadre du festival Normandie Impressionniste nous a attiré 20 à 30 % de visiteurs en plus, ce que nous attribuons à une grande appétence du public pour la culture dans le contexte actuel, et à l’attractivité du festival. Nous savons donc que le public sera au rendez-vous. 

Nous avons pris le parti de ne pas faire d’exposition d’hiver dans le contexte actuel, mais de travailler directement sur celle du printemps et de l’été, qui va bientôt finir d’être accrochée. Nous travaillons actuellement comme si nous allions pouvoir vernir cette exposition en public. 

Notre équipe n’a malgré tout pas vraiment connu de baisse d’activité. Elle compte six personnes mutualisées entre deux lieux, le second étant Musée du Bocage Normand. Nous sommes déjà monopolisés par nos actions de conservation et d’inventaire. Les médiateurs quant à eux ont travaillé sur des actions de médiation, régulièrement annulées ou reportées, ou sur des vidéos sur notre collection.