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Patrimoine : les coulisses de la renaissance du Cyclop, œuvre d’art à ciel ouvert à Milly-la-Forêt

Par Thomas Corlin | Le | Plein air

Le Cyclop, fameuse œuvre monumentale construite par le couple d’artistes Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, située dans un bois en Essonne, rouvre enfin ses portes après une rénovation prévue de longue date. Fruit de l’action du CNAP et de multiples mécènes en nature, l’opération relance une dynamique autour d’un des sites les plus visités du sud de l’Ile-de-France, d’après Jean Baptiste Delorme, conservateur du Patrimoine au CNAP.

Un détail des parois de miroirs du Cyclop, pendant sa rénovation. - © Camille Verrier
Un détail des parois de miroirs du Cyclop, pendant sa rénovation. - © Camille Verrier

Le Cyclop est en plein air, dans une forêt. Depuis quand nécessitait-il une restauration ?

Les conditions hydrométriques d’une forêt sont effectivement incompatibles avec la conservation d’une œuvre d’art - d’autant que le Cyclop, en plus de sa structure d’ensemble, contient en son sein d’autres œuvres. C’est notamment la « Face aux miroirs » de Nikki de Saint-Phalle qui a subit le plus de dégradations. 

Le CNAP a fourni 1,2 M€ pour la restauration. Deux campagnes de financement participatif avaient été lancées en complément.

La réflexion autour de la restauration du monument a commencé dès 2008 avec un chantier d’école réunissant des étudiants en conservation à l’Institut National du Patrimoine. Il y a eu plusieurs velléités à partir de là, quelques premières démarches, comme la pose d’un filet sur les miroirs, et une recherche autour des miroirs, entreprise par le Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques

C’est l’arrivée de Béatrice Salmon à la tête du CNAP qui a véritablement déclenché les travaux, et le déblocage des fonds nécessaires. Les travaux ont débuté en octobre 2020 et duré un an et demi.

Quels moyens ont-ils nécessité ?

Le CNAP a fourni 1,2 M€ pour la restauration. Deux campagnes de financement participatif avaient été lancées en complément. Par delà ce budget, de nombreux mécènes ont contribué en nature sous différentes formes. L’entreprise Saint-Gobain a travaillé sur des miroirs en assurant leur durabilité dans ces conditions spécifiques, ainsi que la colle idoine aux joints. Clairefontaine ont fourni du papier pour fabriquer le gabarit de ces miroirs. Une entreprise locale nous livre actuellement du sable et du gravier pour aménager le site. 

Enfin, le fonds de dotation du Crédit Agricole Pays de France a soutenu le projet contre échange d’une série de missions de médiation et d’éducation culturelle et artistique avec des établissements scolaires. Deux lycées professionnels parisiens, le lycée Lucas de Nehou (Paris 14e), et le lycée Brassaï (Paris 15e) spécialisé dans la photographie, ont accompagné le chantier.

Trois prestataires ont quant à eux supervisé ce chantier : le cabinet d’architecte GFTK, l’entreprise d’ingénierie Phung Consulting et le cabinet Ecovi, en charge de l’économie de la construction.

Quel est l’historique de cette œuvre ?

Le Cyclop enfin restauré.  - © Regis Grman
Le Cyclop enfin restauré. - © Regis Grman

Nikki de Saint-Phalle et Jean Tinguely voulaient produire une œuvre monumentale en extérieur - ils sont connus notamment pour leurs sculptures en plein air à travers le monde. Le Maroc, l’Italie et la Suisse avaient été envisagés, mais ils ont finalement opté pour une clairière dans le Bois des Pauvres de la forêt de Milly en Essonne, département dans lequel ils avaient leurs ateliers. Le chantier a commencé en 1969 de façon illégale, sans permis de construire, et le maire de Milly-la-Forêt a eu le bon sens de fermer les yeux et de les laisser travailler en cachette. L’œuvre s’est montée par touches, le couple invitant aussi des amis artistes à la compléter à leur façon. Il a fait don de l’œuvre a l’État en 1987, le CNAP en est ainsi le propriétaire. 

Quand le site a-t-il été ouvert au public et quelle a été sa dynamique de fréquentation depuis ?

Avant la fermeture, jusqu’à 20 000 visiteurs par an.

Il a ouvert en 1994. Il a attiré les premières années quelques milliers de visiteurs par an, jusqu’à atteindre une moyenne de 20 000 personnes, jusqu’à sa fermeture en 2020. C’est le monument le plus visité d’Essonne, devant la maison de Jean Cocteau, également à Milly-la-Forêt. Le site est visitable gratuitement, d’avril à novembre, mais l’entrée à l’intérieur est payante et encadrée. Des visites de 45 minutes sont programmées, pour une quinzaine de personnes à chaque fois. Les enfants de moins de huit ans ne sont pas autorisés du fait de l’exiguïté de ce labyrinthe. Mais la visite du seul site est déjà spectaculaire, grâce à cette façade scintillante de 20 mètres et ce wagon de train suspendu surplombant le public. 

Qui anime le site pendant sa saison d’exploitation ?

C’est l’Association le Cyclop. Elle est en charge des visites, mais aussi des résidences d’artistes et de la programmation de performances ou de spectacles autour de l’œuvre. 

Pour sa réouverture, le site sera doté d’un nouvel espace d’accueil, d’une plateforme documentaire en ligne et fera l’objet d’une revue retraçant son histoire. Les ayants-droits ont été d’une grande aide dans la transmission de ressources concernant la mise en place de cette plateforme de ressources.