Production

Festivals d’été : l’Ardèche Aluna Festival dans les starting blocks, malgré beaucoup d’inconnues

Par Thomas Corlin | Le | Plein air

Décalé à la fin juin, l'Ardèche Aluna Festival fait partie des événements musicaux qui veulent se maintenir en s’adaptant aux protocoles sanitaires. Étalement sur plusieurs jours, engagements, comportement du public : son directeur Jean Boucher expose les défis que rencontrent les organisateurs de festivals d’été dans la configuration actuelle.

La grande scène de l’Aluna sera réduite cette année.  - © Francis Vernhet
La grande scène de l’Aluna sera réduite cette année. - © Francis Vernhet

Comment aborder la programmation d’un festival musical dans les conditions posées par le Ministère de la Culture, et ce malgré des incertitudes persistantes ? 

Il y a plus d’inconnues que de connues dans l’équation actuelle. Jusqu’où le public est-il prêt à nous suivre dans ces conditions ? Les artistes seront-ils prêts à s’adapter à d’autres formats et à baisser leurs cachets ? Comment aménager l’espace pour respecter la distanciation ? Nous engageons certaines démarches, mais pas toutes. 

Je ne signerai les contrats que quand je serai sûr que nous pourrons faire jouer les artistes.

L’an dernier, nous avons récupéré nos avances sur les artistes que nous avions booké, il y en avait pour 700 000 euros. En revanche, cette année, les contrats indiquent que les avances ne seront pas reversées en cas d’annulation, ce qui nous empêche de nous engager, les risques financiers étant trop gros pour une structure comme la nôtre. Je ne signerai les contrats que quand je serai sûr que nous pourrons faire jouer les artistes.

Côté public, nous comptons le sonder, lui suggérer différentes configurations, et nous baser sur ses réponses. Sera-t-il prêt à rester assis devant des concerts de pop ? Ou bien à rester debout devant sa chaise ? Si nous sentons qu’il est frileux, nous abandonnerons. Nous savons cependant que si les restrictions s’assouplissent, les spectateurs viendront en trombe et la billetterie repartira de plus belle pour vendre les places supplémentaires. 

Pour l’instant, quelles dispositions avez-vous prises pour que le festival se déroule selon le protocole annoncé ? 

Lorsque le festival a été annulé l’an dernier, 22 000 tickets avaient déjà été vendus, et nous en avons remboursé 7 500. Nous en avons remis en vente 500 pour l’édition de cette année, puis nous avons fermé notre billetterie jusqu’à nouvel ordre, puisque cela nous fait atteindre les limites actuelles de jauge. Pour avoir une idée de l’échelle du festival, nous vendons généralement 55 000 billets sur les trois jours, auxquels s’ajoutent 5 000 invités, ce qui fait de nous un événement de taille moyenne. 

L’enjeu est désormais de savoir si nous pourrions étaler l’Aluna sur plus de jours, un autre format de festival d’été. Il s’agirait de faire jouer des artistes plusieurs fois, moyennant des tarifs adaptés. Des artistes comme Angèle et Soprano, à l’affiche cette année, peuvent remplir plusieurs fois 5 000 places, il faudrait donc en discuter. Cette question des cachets est à l’étude. Notre programmateur est en négociation, et ce sont désormais les structures de production des artistes qui font le tour des festivals pour savoir comment chacun s’organise, et reviendront vers nous avec des propositions. À ma connaissance, même si certaines organisations comme Solidays ont déjà dû annuler, plusieurs souhaitent essayer de s’adapter.

La grande scène du festival Aluna.  - © Francis Vernhet
La grande scène du festival Aluna. - © Francis Vernhet

Concernant les prestataires, nous n’avons là aussi rien signé pour l’instant. Nous savons que nous choisirons une plus petite scène, et sacrifierons la seconde scène. Nous sommes plus souples en termes de restauration et de bar, si ceux-ci pourront ouvrir, car nous avions construit l’année dernière des structures en dur, plus écologiques. Il faudra néanmoins monter une proposition avec un délai de validation très bientôt, pour embaucher les effectifs. Concernant la distanciation, c’est encore en débat : devrai-je louer 10 000 sièges ? 

Nous avons également légèrement décalé nos dates de la mi-juin à la fin juin, afin de laisser d’autres événements sportifs avoir lieu et de ne pas mobiliser pompiers et Croix Rouge sur deux gros événements en même temps.

Comment le festival s’est-il maintenu économiquement après l’annulation de la précédente édition ? 

L’Aluna a été lancé en 2008, dans l’idée de développer le tourisme dans le département de l’Ardèche avec un festival d’été de musiques actuelles. Je gère moi-même deux campings de 500 places, et le festival a lieu sur l’un d’eux. Je lève chaque année 1 million d’euros de la part de mes mécènes pour cet événement. 

Étaler le festival sur plusieurs jours ?

L’an dernier, le travail d’organisation avait déjà été effectué avant d’être annulé, il fallait donc le payer. Nos mécènes nous ont soutenus, grâce aux mesures du Ministère de l’Économie, à hauteur de 400 000 euros. Hormis ce soutien, nous avons contracté un Prêt Garanti par l’État, puis nous avons touché des aides à partir de décembre.