Production

Tourneurs : Caramba retrouve son activité pré-crise et se diversifie

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

Les artistes ont repris la route des concerts, mais dans quelles conditions ? Promotion, personnel technique, saturation des salles : Sandrine Marrel, directrice du développement au sein de la société de production Caramba Culture Live, fait état des nouvelles problématiques auxquelles la filière fait face depuis la reprise.

Hoshi, artiste-phare du roster Caramba, en tournée cet été. - © Caramba
Hoshi, artiste-phare du roster Caramba, en tournée cet été. - © Caramba

Structurellement, comment Caramba sort-il de la pandémie ?

Les aides sont à saluer : nous n’avons pas eu à restructurer, nos effectifs sont les mêmes. Nous avons même de grandes ambitions de croissance sur les mois à venir. La pandémie a aussi été l’occasion de diversifier davantage nos activités : nous coproduisons plusieurs dates de festivals, nous nous investissons sur un festival (Check-In Party à Guéret, Creuse), sur un nouvel événement à Lorient (Morbihan), sur la réouverture d’une salle orientée spectacle, le 13e Art (Paris 13e) et sur des expositions immersives. 

Comment se passe la reprise pour vos artistes ?

Il faut d’abord relever que nous avons pu faire tourner assez décemment nos artistes sur l’été 2021, puisque une grosse partie de notre catalogue est française. Ensuite, tous nos artistes ne sont pas égaux face à la crise : chaque parcours est différent et chacun a fait face aux événements avec sa personnalité et surtout ses moyens. Les artistes en développement on pu connaître une expérience paralysante.

Nos gros noms ont tous fait le choix de se mettre en création malgré l’absence de tournée. Claudio Capéo a concrétisé son album en italien, Hoshi a maintenu son album au printemps 2020 pour l’agrémenter d’un second volet lors de sa réédition l’année suivante et Bénabar a sorti un album sans tournée puis un second, et tourne désormais. 

Nous avons également continué à signer de nouveaux artistes, à différents stades de carrière : des jeunes comme Enchantée Julia ou Chien Noir nous ont rejoint, une artiste plus confirmée comme Lucie Antunes aussi, et enfin une figure historique de la chanson, Véronique Sanson.

Les artistes parviennent-ils à retrouver leur public ?

Nous suivons le pointage de billetterie des festivals et offrons un soutien en communication si besoin.

Encore une fois, c’est disparate. Grand Corps Malade joue sans difficulté à guichets fermés - nous avons vendu plus de 150 000 tickets sur sa tournée. Le rappeur suisse Makala a vendu 1 800 tickets en deux jours - c’est enthousiasmant. D’autres peinent à attirer l’attention. Nous observons que les petites et grandes salles parviennent à remplir correctement, mais que les jauges intermédiaires ne trouvent plus leur place dans le paysage. Les artistes qui y correspondent en pâtissent donc.

De manière générale, le public jeune est au rendez-vous, ainsi que les vrais fans de musique - ceux-là étaient dans l’attente. C’est le public plus large, volatile, indécis, souvent familial, que nous avons du mal à mobiliser depuis la reprise. 

Comment reprennent vos négociations avec les festivals ?

Il n’y a pas eu de bouleversement dans nos échanges, mais nous essayons de faire au mieux pour coller à leur réalité. Nous suivons l’évolution de leur billetterie et proposons des aides sur la promotion pour atteindre le public des artistes qu’ils ont bookés dans notre roster. Selon les résultats des pointages, nous pouvons demander à nos artistes de réaliser des phoners avec la presse locale ou de communiquer sur leurs réseaux pour mobiliser leurs fans.

Parmi les festivals, là encore, c’est inégal : certains sont satisfaits de leur lancement des ventes, d’autres sont inquiets. 

Qu’est ce que vous avez vu changer dans vos manières de travailler ?

Dès 2021 et le retour partiel des tournées, nous avons constaté de nouvelles difficultés logistiques dans nos métiers. L’embouteillage tant craint est réel, et il le sera jusqu’en 2023 probablement : il y a une grande pression sur la location de salles, tout le monde tourne en même temps, il devient complexe de jouer dans les salles désirées. 

Le coût des frais en tournée a également bondi, principalement l’essence et les péages. Les sociétés de tour-bus aussi sont saturées et il nous est difficile de trouver de nouveaux fournisseurs, même à l’étranger - pour l’été 2022, c’est presque impossible. Il en va de même pour le matériel de tournée et le personnel technique, qui viennent tous deux à manquer - constituer une équipe complète n’est plus aussi fluide qu’auparavant. Ces nombreux surcoûts ne nous empêchent pas pour autant de faire tourner nos artistes, ni ne nous contraignent à renoncer à des dates. Seulement, nous étirons ou repositionnons les tournées, et cela se fait au prix d’une partie de la marge économique habituelle, ainsi que d’un surplus de travail pour nos équipes.

C’est aussi le marketing qui a changé de temporalité : nous gardons des éléments de communication pour les derniers moments avant une date, quitte à sortir de l’habituelle chronologie entre album et tournée. Nous devons rester agiles pour suivre le nouveau comportement du public.