#rentrée2020 : « Malgré la crise, nous venons de signer de nouveaux artistes » (D. Revert, Alias)
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Comment la culture prépare-t-elle sa rentrée 2020 alors que persistent les incertitudes autour de la crise de la Covid-19 ? Culture Matin interroge différents acteurs du secteur au fil de l’été. Aujourd’hui, Dominique Revert, co-fondateur du tourneur et producteur musical Alias Production (Archive, Simple Minds, Paul Weller, Maceo Parker…).
Quelles sont les dates et tournées que vous avez dû annuler et combien d’entre elles sont reportées ?
Cette année nous travaillions sur des artistes comme Mika, Simple Minds, Jamiroquai, Lou Doillon, Archive, Foals ou Agnes Obel. Sur les artistes anglo-saxons, qui représentent la grand majorité de notre catalogue, 90 % des dates sont déjà reportées sur 2021. Cependant, nous avons des doutes sur le fait que les Américains reviennent en 2021 - le virus a tendance a leur faire encore plus peur qu’à nous, et la situation est particulièrement chaotique chez eux.
Présentement nous sommes en activité partielle, travaillons très peu, notamment parce que les anglo-saxons, majeure partie de notre activité, sont encore confinés et ont encore moins de visibilité que nous.
Du côté des festivals que nous gérons, comme Beauregard (Caen) ou Musilac (Aix-les-Bains), tous deux annulés, leur programmation est reportée à 60 ou 70 % sur 2021, laissant une marge de renouvellement nécessaire à la vie normale d’un événement de ce type.
Comment relance-t-on une carrière d’artiste après un an d’inactivité ?
Il n’y a encore pas très longtemps, le service militaire existait et interrompait des carrières, donc c’est faisable ! Pour l’instant, je n’ai pas eu de retour d’artistes découragés par la situation. Certains ont renoncé au report de leur tournée, de peur que leur disque n’ait trop vieilli d’ici là, par exemple, et qu’ils n’aient plus de projet neuf à défendre. Ils acceptent que cette année soit blanche, et que cet album-là n’ait pas de vie de tournée immédiate. D’autres ont choisi de reporter, notamment quand des frais de production (décor, répétitions, personnel) étaient déjà engagés et que la tournée était au point.
On peut être sûr que cette année blanche se fera ressentir sur au moins trois ans.
Évidemment, les choses seront plus dures pour les artistes en lancement ou en développement, certains devront attendre plus longtemps. Néanmoins, chez Alias, nous venons de signer de nouveaux artistes, même si nous n’avons pas encore de perspective de tournée pour l’instant. J’entends d’ailleurs qu’Alias n’est pas la seule structure de production à signer actuellement de nouveaux artistes sur son catalogue. C’est peut-être une bonne période à ce niveau, paradoxalement !
Comment le secteur du live se prépare-t-il à reprendre ses activités, malgré un calendrier toujours provisoire ?
Le secteur du live a déjà été très affecté par la vague de terrorisme et diverses perturbations sur les transports (grèves, émeutes, etc), qui ont éloigné le public des salles. Ce nouvel obstacle, certes plus extrême, ne fait que s’ajouter à une série déjà longue. Une structure comme la nôtre, d’une quinzaine de salariés, peut survivre avec un an de manque à gagner, grâce à une année 2019 plutôt bonne, et ce malgré des pertes colossales. Si la reprise n’a pas lieu en janvier 2021, rien n’est moins sûr. On peut en tout cas être sûr que cette année blanche se fera ressentir sur au moins trois ans. Je crains des premiers dépôts de bilan pour des petites structures dès septembre.
Nous rencontrons aussi un problème avec l’embouteillage de reports et de nouvelles dates sur la saison pour l’instant établie pour la reprise.
Nous avons payé autant que possible nos partenaires, techniciens, pour les dates qui ont été annulées, mais on ne pourra faire plus - nous devons garder de la trésorerie pour régler nos salaires, et certains dirigeants ont déjà réduit les leurs. La situation des intermittents qui collaborent avec nous, certes privilégiée par rapport aux artistes étrangers, est préoccupante : leur indemnité de base à 1 400 €, ne permet pas de vivre dans une grande ville avec une famille à charge. C’est aussi du côté des loueurs de scènes ou de matériel son et lumière que les dégâts sont alarmants.
La date de reprise étant encore incertaine, l’organiser demeure complexe. Nous avons par exemple voulu réserver 3 soirées à la Salle Pleyel pour un de nos artistes, mais ils ne peuvent confirmer l’option. Si nous ne pouvons disposer que d’une demi-jauge pour raisons sanitaires, financièrement le spectacle est infaisable, et la salle elle-même ne peut pas réduire son prix de location, elle a ses propres frais de fonctionnement à régler.
Nous rencontrons aussi un problème avec l’embouteillage de reports et de nouvelles dates sur la saison pour l’instant établie pour la reprise, à savoir hiver-printemps 2021. Il est presque déjà impossible de trouver des dates dans la plupart des salles, toutes saturées.