Production

Théâtre en livestream : comment Artcena imagine ce qui restera après la crise

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

À la veille de la réouverture des lieux culturels au public, que peut-on retenir des nombreuses expériences de livestream menées dans les arts vivants ? Directrice du Centre National des Arts du Cirque, de la Rue et du Théâtre (Artcena) qui a mené une veille sur le sujet, Gwenola David partage ses observations sur le support.

Le Théâtre de la Ville (Paris) maintient ses directs en ligne après la réouverture des salles. - © Agathe Poupeney
Le Théâtre de la Ville (Paris) maintient ses directs en ligne après la réouverture des salles. - © Agathe Poupeney
  • Le théâtre filmé : un genre à créer ? 

Si un support comme la fiction radiophonique a déjà une histoire, des codes, un jeu d’acteur et des usages définis, ce n’est pas le cas du théâtre filmé, d’où le fait qu’il ne trouve pas toujours son public. Quelque chose doit être inventé dans ce champ-là : il n’est pas possible de filmer simplement du théâtre, un cadre fixe devant un spectacle n’est pas attrayant. La captation contrarie de nombreux paramètres constitutifs du spectacle vivant, comme la participation du public, sa liberté de regard, etc. Il faut trouver un moyen de compenser cela, de proposer autre chose. Nous avons remarqué par exemple, lors des lectures que nous co-organisons, que le support avait quelque chose d’artisanal et de fragile, et que cela pouvait créer une intimité. L’interaction est aussi une piste, les conversations post-lectures avec les artistes ont été très animées. 

  • Quelles aides ? 

Les captations de spectacle sont désormais éligibles au crédit d’impôt à l’audiovisuel, suite à un amendement datant de février dernier. Dans le plan de relance de la culture, l’enveloppe de 20 millions consacrées à l’écologie et au numérique comprend l’achat de matériel pour la captation. À l’échelle régionale aussi, un soutien matériel ou budgétaire a été mis en place, notamment dans la Région Grand Est, ou en Nouvelle-Aquitaine où l’OARA accueille des spectacles dans son studio de tournage. Enfin, certaines sociétés de production engagées pour des captations peuvent faire appel à des aides du Centre National du Cinéma. 

  • Un outil de développement des publics, avec médiation.

La crise a été l’occasion de découvrir que cet outil pouvait créer du lien avec le public. Bien sûr, cela a eu lieu dans des circonstances où il n’y avait pas d’alternative au virtuel. Beaucoup de choses ont en tout cas été explorées : diffusions en direct ou en différé, entretiens avec les artistes, etc. Des publics jusqu’alors difficiles à atteindre ont été au rendez-vous, et il y a quelque chose à travailler de ce côté-là sur le long terme, en créant des façons de rendre ce support complémentaire à la programmation en salle. Certains spectateurs, qui n’ont peut-être jamais mis les pieds dans un théâtre, ont tenté l’expérience parce qu’elle ne nécessitait ni le déplacement ni l’achat d’une place, et c’est un geste intéressant. Seulement, cela devra se faire avec la médiation adéquate, sans quoi cette offre sera réservée à quelques avertis. 

  • Retrouver les salles, pas les écrans ? 

Tous les lieux avec lesquels nous sommes actuellement en contact sont impatients de rouvrir, c’est évident. Cela représente déjà un gros travail, avec beaucoup d’hésitations, notamment en matière d’aération, ce qui va devenir une variable propre à créer des inégalités dans le secteur. Le livestream ne sera probablement plus la priorité à ce moment-là. Nous sommes partenaires de lectures qui ont lieu au Monfort (Paris 14e) : d’ici le 19 mai, quelques-unes auront encore lieu en vidéo et en audio pour la radio, mais elles se feront en public directement après.