Production

Musiques actuelles : après une belle reprise à Petit Bain, premiers signes de défiance sanitaire

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

Pourtant une des rares à avoir connu une rentrée quasi-normale, la salle de concert et restaurant Petit Bain (Paris 13e) relève déjà les premiers effets d’un retour d’incertitude sanitaire. Le directeur du lieu Laurent Decès lève déjà le pied sur la programmation et espère des directives accommodantes du Ministère de la Culture.

Colins Stetson en live à Petit Bain. - © Titouan Massé
Colins Stetson en live à Petit Bain. - © Titouan Massé

Quel a été l’impact de la crise sur la rentrée 2022 pour Petit Bain ?

Curieusement, en comparaison avec ce que d’autres lieux nous font remonter, nous n’avons pas autant vécu les hésitations du public. Nous avons choisi de ne reprendre les concerts que fin août : les configurations assises ne sont pas jouables pour notre salle, et le pass sanitaire nous a semblé périlleux à appliquer tant que les centres vaccinaux étaient saturés. Pour une reprise plus sereine, nous avons donc attendu des conditions plus confortables, à savoir des concerts debout sans masque à 75 % de jauge. 

Nous avons optimisé cette fenêtre de tir pour programmer autant que possible. 

Le public est revenu normalement, qu’importe la cible concernée par l’esthétique musicale sur scène. Les deux ou trois concerts qui ont le moins rempli n’auraient pas connu de meilleur sort dans un contexte normal. Quant à la billetterie, certes, elle se lance avec un peu moins d’anticipation qu’avant, mais nous ne remarquons pas cette tendance à l’achat presque systématique en dernière minute. 

Nous avons repris une programmation quasi-normale (notre rythme de croisière s’élève à 240 événements par an), il fallait bien écouler tous les reports cumulés depuis mars 2020. Il y a certes quelques soirées club en moins, mais elles n’ont pas disparu pour autant. Nous avons optimisé cette fenêtre de tir pour programmer autant que possible. 

Les menaces de cinquième vague et les restrictions sanitaires de retour dans quelques pays étrangers interfèrent-elles déjà avec votre programmation ?

Nous sommes soumis à l’actualité, c’est une évidence. Du côté du public, rien ne fléchit pour l’instant. En revanche, côté tourneurs, nous sentons déjà la secousse. Quelques concerts (notamment un groupe de metal qui avait de nombreuses dates en Allemagne et en Autriche) ont dû être annulés, non pas par nous, mais par les artistes et tourneurs eux-mêmes. Certains pays ayant déjà interdit les événements publics, des tournées internationales se voient déséquilibrées, et contraintes d’être abandonnées dans leur totalité. Des problèmes de visas, ou tout simplement de cas-contacts parmi les artistes, viennent aussi compliquer les choses. 

Nous avons l’habitude de programmer entre trois et six mois d’avance, désormais nous programmons plutôt avec une visibilité de deux mois. Il y a une semaine, j’aurais probablement continué à chercher de nouvelles dates, voire à booker un concert dans six mois, mais à la lumière des dernières nouvelles, je me retiens. Nous retrouvons déjà les vieux dilemmes des pics de la pandémie : notre temps fort, le festival How To Love, tombe en mars et nous restons très prudents sur sa préparation. Devons-nous prendre le risque de le programmer, pour éventuellement l’annuler en fonction d’éventuelles restrictions d’ici-là ? Ou prendre notre temps, quitte à devoir boucler l’événement en panique à la dernière minute s’il peut avoir lieu ? 

Le Petit Bain, salle de concert flottante. - © Petit Bain
Le Petit Bain, salle de concert flottante. - © Petit Bain

Le retour du masque dans les lieux publics change-t-il déjà le comportement du public ? 

En club, la possibilité d’enlever le masque pour boire ou fumer rend les contrôles impossibles.

Petit Bain a accueilli une soirée club samedi soir, qui affichait complet. Sur place, nous avons enregistré 90 « no show », à savoir des détenteurs de places qui finalement ne se présentent pas à l’événement. Sur 400 places vendues, c’est significatif, et une conséquence logique du retour du masque. Le compromis du pass nous permettait de refaire vivre une expérience de concert debout sans masque. Maintenant, nous pouvons imaginer que le combo « pass + masque » rebute une partie du public.

Quant à l’application du port du masque, elle semble peu réaliste selon certains événements. Nos effectifs de sécurité ne sont pas payés ni formés pour cela. Nous n’avons pas les moyens d’en mobiliser davantage à cet effet non plus. En club, la possibilité d’enlever le masque pour boire ou fumer rend les contrôles impossibles. Nous attendons de la part du Ministère de la Culture des mesures impliquant non pas la responsabilité du lieu en cas de non-respect mais celle de l’individu. Le lieu est quant à lui simplement tenu d’afficher des consignes claires, de fournir du gel et éventuellement des masques.