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Festivals d’été : une édition 2022 « plus jeune » pour Terres du Son

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

Après avoir joué le jeu des adaptations pendant la pandémie, Terres du Son (à Monts, Indre-et-Loire) retrouve sa formule classique avec une affiche ciblant un public moins familial. Sa coordinatrice Pauline Ruby décrit une édition économiquement plus tendue, avec de fortes exigences logistiques.

Le festival ambitionne d’accueillir 40 000 spectateurs.  - © Fabien Garou
Le festival ambitionne d’accueillir 40 000 spectateurs. - © Fabien Garou

Quelles sont vos ambitions en matière de billetterie pour cette première édition depuis la levée totale des restrictions ? 

Elles sont plus hautes que d’habitude. Certaines de nos têtes d’affiche sont davantage orientées musiques urbaines, comme PNL, ce qui fait baisser notre cœur de cible vers les 15-35 ans. La programmation demeure variée, avec d’autres propositions plus familiales, comme Vianney. Nous espérons réunir 40 000 festivaliers cette année. 

Pour l’instant, les indicateurs sont positifs, nous avons même un peu d’avance sur nos ventes par rapport aux années précédentes - pourtant, notre public a toujours acheté au dernier moment, ça ne date pas de la crise. Cela peut paraître anecdotique, mais la bonne fréquentation de la Foire de Tours, un événement très populaire de notre territoire, nous rassure.

Pour autant, nous restons méfiants : il faut prendre en compte le fait que les événements privés (mariages, anniversaires et autres cérémonies) vont reprendre, il y aura du rattrapage de ce côté-là aussi, et ils auront la priorité sur d’autres loisirs, ce qui peut nous priver d’une partie du public. 

Cette reprise est très concurrentielle en matière de têtes d’affiche, comment avez-vous abordé cette programmation ? 

Nous avons fait le choix, comme d’autres, de réimposer le festival en faisant événement avec de grosses têtes d’affiche. PNL ou Vianney sont chers, mais nous l’assumons. Notre budget programmation a doublé par rapport à 2019. Malgré cela, nous ne nous payons pas de grosses têtes d’affiche internationales - la plupart des festivals français ne le peuvent plus non plus. 

Nous avons atteint le maximum de nos capacités en termes de budget programmation.

Les cachets ont augmenté depuis la crise, nous en témoignons avec cette nouvelle édition. Même certains artistes découvertes peuvent demander les même sommes que s’ils avaient déjà beaucoup tourné. Des festivals de taille intermédiaire à structure associative, comme le nôtre, risquent de ne plus s’y retrouver si la pression financière augmente encore - nos modèles économiques ne seront bientôt plus viables. En tout cas, nous sommes arrivés au maximum de nos capacités en termes de budget. 

Dans quelles conditions financières votre structure sort-elle de la crise ? 

Nous avons tenté des formules alternatives pendant la pandémie, à nos frais en fin de compte. En 2020, nous avons rapidement monté une série de concerts dans cinq villages, sur des jauges entre 500 et 1 000 personnes, ce qui nous a permis de travailler sur une offre culturelle en circuit rural tout en conservant le lien avec nos bénévoles, sans risque financier. En revanche, notre opération de 2021 s’est soldée par un déficit : nous sommes retournés sur le Domaine de Candé à Monts, que nous occupons depuis 2008, mais en l’exploitant tout à fait différemment. Nous nous en étions tenus à la jauge de 5 000 personnes alors imposée par notre préfecture (alors qu’au niveau national d’autres zones avaient pu largement les dépasser) et programmé des artistes comme Grand Corps Malade qui, selon nous, auraient dû assurer une fréquentation proportionnelle. 

Hélas, ça n’a pas été le cas : sur les 3 500 escomptés pour faire notre break, nous n’avons réuni que 2 500 personnes par soirée, engendrant alors une perte de 200 000 €. Malgré cela et une météo infecte, l’édition a été une belle opération humaine. Le Centre National de la Musique nous a heureusement aidé à éponger ces pertes, nous repartons donc sur un bilan comptable sain, à zéro. 

Les prestataires du spectacle ont été très fragilisés par la crise, comment les retrouvez-vous cette année ? 

Parmi nos prestataires restauration, un food truck a cessé son activité à cause de la pandémie, les autres sont là. À ce sujet, il est à noter que nous nous ajoutons une contrainte cette année : celle de passer au 100 % végétarien. Nous leur demandons donc d’adapter tous leurs menus. Nous avons d’ailleurs invité un chef étoilé de la région, à des prix tout à fait abordables bien sûr. L’activité bar et restauration rencontre cette année de grandes pénuries : il devient même compliqué de se fournir en huile et en camions frigos. Côté scène également, nous rencontrons aussi des difficultés d’approvisionnement en matériel, ainsi qu’en main d’œuvre, certains techniciens s’étant reconvertis.