Festivals d’été : succès in extremis du No Logo de Fraisans (Jura)
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Sauvé par le gong : le No Logo de Fraisans (Jura) a fait le plein en toute dernière ligne droite, frôlant l’endettement après avoir dû se reconfigurer pour faire face à l’augmentation des coûts. Son directeur Florent Sanseigne revient sur cette édition périlleuse, ainsi sur que le litige qui l’oppose au festival du même nom à Saint-Malo.
Quel bilan tirez-vous de cette édition post-pandémique ?
L’assurance annulation passe alors de 20 000 à 45 000 €, les toilettes sèches augmentent de 40 %, et j’en passe…
Le bilan est positif, même si nous avons frôlé le désastre, et ce jusqu’à la dernière minute. En décembre 2021, dans le contexte encore incertain que nous savons, nous avons mis en vente notre billetterie, qui s’est lancée plutôt doucement. À cette époque, notre budget prévisionnel est le même qu’à notre habitude, le prix du ticket reste aussi accessible que possible, en harmonie avec notre indépendance économique. Seulement, en avril, notre budget consacré aux prestations techniques augmente de 35 %, et notre équilibre ne tient plus. L’assurance annulation passe alors de 20 000 à 45 000 €, les toilettes sèches augmentent de 40 %, et j’en passe…
Dans ces conditions, nous choisissons d’augmenter notre jauge de 14 à 15 000 festivaliers par jour. Hélas, en juin, nous enregistrons une chute des ventes, sans doute due à un petit retour de covid et à la crise du pouvoir d’achat. Nous optimisons tant que possible la promotion, la communication, je doute d’ailleurs qu’une seule commune de la région n’ait eu droit à son affiche No Logo - ce qui, en passant, n’est guère écologique, je le regrette. Trois semaines avant le festival, il nous manque encore 8 000 entrées sur les 45 000 nécessaires pour éviter l’endettement. C’est finalement sur les quinze derniers jours que tout est parti : sur chaque journée, nous avons affiché complet le matin pour le soir même.
L’augmentation des coûts, les « exclusivités » sur certains artistes et ces nouveaux comportements volatiles risquent d’avoir raison de festivals indépendants comme le nôtre. Nous fêterons bien sûr nos dix ans l’an prochain, probablement avec une jauge similaire, mais à l’avenir le château de cartes menacera de s’écrouler.
Qu’avez-vous observé des nouvelles habitudes de vos festivaliers ?
Nous avons affiché complet le matin pour le soir même, sur chaque journée.
Désormais, le public se décide à la dernière seconde et, lorsqu’il le fait, entend bien se faire plaisir. Nous relevons par exemple que les tipis, des tentes haut de gamme, n’ont jamais rencontré un tel succès que cette année. Ensuite, nous n’avons jamais connu une dépense aussi haute de bar par festivalier : ce qui est le plus cher est parti en premier. Le merchandising aussi s’est entièrement vendu. Enfin, alors que l’essence n’a jamais été aussi chère, notre public le plus éloigné (nous estimons qu’environ la moitié n’est pas de la région) s’est néanmoins déplacé jusqu’à nous en voiture.
Comment s’était passée votre édition 2021 en période de pandémie ?
Nous avions opté pour une jauge à 7 500, et nous avons accepté pour la première fois des subventions du CNM, tout en étant transparents sur le sujet auprès de notre public. Une partie de cette subvention a d’ailleurs été restituée. Les rapports avec la préfecture ont été houleux cependant, celui-ci nous a fait changer maintes fois de protocole sanitaire dans l’espoir de nous faire baisser les bras, mais nous avons tenu bon. J’avais même mobilisé mon avocat pour prévenir tout décret d’annulation de la part du Préfet, pour faire foi de la jauge qui avait été fixée à l’origine. Trois jours avant le festival, il a été décrété que nous constituions une bulle sanitaire, et la majeure partie du dispositif de tests a été suspendue dans la foulée. En fin de compte, une cinquantaine de cas positifs ont été recensés à l’issue de festival, une newsletter a été envoyée, et aucun désagrément particulier entre la Préfecture et le festival n’a été à déplorer.
Un litige vous oppose avec le festival No Logo BZH, qui se tient le même week-end que le vôtre, à Saint-Malo. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Michel Jovanovic et moi avons lancé No Logo dans le Jura, dans l’idée de créer un événement « non profit », qui a rencontré un succès dès la première année. Malgré ma méfiance quant au lancement d’un deuxième festival du même type, j’ai appris qu’il l’avait fait, en Bretagne. Nous sommes pourtant associés, et il devait avoir mon accord pour utiliser le nom - un procès nous oppose depuis 2017 à ce sujet. Les deux festivals ne défendent plus les mêmes valeurs d’indépendance, d’intégrité économique, etc. Nous avons par exemple pour principe de payer tout notre personnel : il se trouve que cette année, un bénévole engagé dans l’équipe du No Logo BZH s’est rendu par erreur à notre événement dans le Jura… Nous l’avons simplement hébergé une nuit, pour amortir son déplacement.