Festivals d’été : pour le prestataire B Live, saison riche mais prudence quant à l’avenir
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Acteur majeur parmi les prestataires du live (Rock En Seine, Hellfest, We Love Green et autres) B Live témoigne, à son échelle, des mêmes problématiques que toute la scène. Ressources humaines, hausse des coûts : son directeur Eric Barthelemy s’enthousiasme de cette reprise en force mais s’interroge sur ses effets à long terme.
Comment B Live a-t-il traversé la crise ?
Nous n’avons pas eu à redimensionner l’entreprise, les équipes ont été préservées. Aucun départ n’est en tout cas directement lié à la pandémie, nous pouvons dire que, d’une manière générale, la crise aura épargné l’outil humain et technique. Nous avons eu recours aux différents dispositifs mis en œuvre par les pouvoirs publics, activité partielle, aides, PGE. S’ils ont été efficaces pendant la période de crise, ils mettent aujourd’hui nos entreprises face à de nouveau défis, avec notamment une augmentation de l’endettement qu’il va falloir rembourser. Autre difficulté : pendant les périodes d’activité partielle, les compteurs de congés payés ont continué de grimper, ce qui constitue à la fois un problème opérationnel et un problème financier.
B Live assure parmi les plus gros événements de la sphère live, comment avez-vous fait face aux pénuries de main d’œuvre dans ce contexte ?
Nous avons dû gérer environ 10 à 15 % d’activité de plus que sur une année habituelle, avec environ 15 % de personnel en moins, chiffre qui correspond approximativement à la proportion de salariés qui ont décidé de quitter ces métiers pendant la pandémie. Concernant B Live, nous avons la chance de travailler sur de nombreux festivals importants comme Solidays, le Hellfest ou le We Love Green pour n’en citer que quelques-uns, sur lesquels nous avons pu anticiper largement la constitution des équipes. Mais cela a été beaucoup plus compliqué sur un grand nombre d’opérations qui se sont décidées plus tardivement, sans parler des remplacements de dernière minute que nous avons dû effectuer à cause de la dernière vague du Covid. Nous avons tous vu se profiler cette problématique de pénurie de main d’œuvre dans un contexte ponctuel de très forte activité, nous avons tous tenté de l’anticiper au maximum, mais il n’était évidemment pas possible de former de nouveau techniciens en quelques semaines pour répondre à cette période un peu particulière.
Nous avons dû gérer environ 10 à 15 % d’activité de plus que sur une année habituelle, avec environ 15 % de personnel en moins.
Nous avons malgré tout réussi à assurer toutes les prestations sur lesquelles nous nous étions engagés en assurant une qualité technique et de service irréprochables, mais nous avons dû décliner un certain nombre d’opérations qu’en d’autres temps nous aurions adoré assurer, faute de ressources humaines ou de disponibilité de matériel.
L’un des enjeux de notre filière va désormais être la reconstitution de nos viviers de techniciens pour pouvoir faire face à une activité dont on peut espérer qu’elle reste à un niveau élevé dans les quelques années qui viennent, avec la reprise du spectacle vivant, de l’événementiel en « présentiel », sans parler de la perspective des JO de 2024.
Comment la hausse des coûts de l’énergie et du matériel a-t-il affecté votre équilibre économique ?
Dans le contexte de très forte activité des mois de juin et juillet, nous avons cherché du matériel jusqu’en Europe Centrale, cela a bien sûr entamé la rentabilité de nos affaires. Il nous est aussi arrivé de compléter nos kits en louant du matériel auprès d’autres prestataires, dans l’urgence, nous mettant dans une position difficile pour négocier. Par ailleurs, depuis le début de l’année, nous avons été confrontés à des hausses de prix très importantes du matériel que nous achetons, à laquelle s’est ajoutée une très forte hausse de prix des transports et de l’énergie.
Il est vital pour nos entreprises de répercuter ces augmentations de coûts à nos clients. Tout ceci s’est ressenti sur les devis, il n’aurait pas pu en être autrement avec des augmentations atteignant les 25 % dans certains cas. Cependant, il s’agit ici de tournées colossales générant des moyens colossaux - la tournée ne peut faire l’impasse sur ces coûts techniques.
Comment la situation s’est-elle répercutée sur les négociations avec vos clients ?
Nous avons dû à la fois mettre sur la table des augmentations structurelles de nos coûts, les problématiques plus ponctuelles liées aux coûts de transports et le phénomène très ponctuel des sous-locations. D’une manière générale, cela nous a certainement amené à revoir la pertinence de nos prix et d’en discuter de façon plus transparente avec nos clients. Si l’augmentation parfois importante de leurs factures ont certainement posé un certain nombre de problèmes à nos clients, modifiant des équilibres auxquels ils étaient habitués depuis des années, les discussions se sont en général bien passées. Nous n’avons d’ailleurs pas pu ou pas su répercuter l’intégralité des surcoûts que nous avons-nous-mêmes subis, et je suppose que nous ne sommes pas les seuls dans ce cas de figure.
Il n’était absolument pas question pour nous de tirer un avantage déraisonnable d’une situation de négociation qui nous était pour une fois plus favorable, mais d’expliquer le plus clairement possible les augmentations que nous faisions apparaître dans nos devis. En cherchant toujours les solutions les plus adaptées pour respecter au maximum les contraintes budgétaires de nos clients. C’est de toute façon dans cet esprit que nous devons continuer de travailler.