Clubs : Nexus, tout un bâtiment consacré à la culture électronique à Pantin (Seine-Saint-Denis)
Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking
Plus qu’un club, la structure Next Us lance à Pantin (Seine-Saint-Denis) Nexus, un complexe culturel dédié à la musique électronique - événementiel au rez-de-chaussée, pédagogique et créatif au premier étage. Le projet, dont la partie festive est inaugurée le 17 septembre, prend un sens particulier alors que l’écosystème de la nuit et de l’électro a compté parmi les plus frappés par la pandémie, d’après son cofondateur Antoine Husson (autrement connu comme Electric Rescue).
En quoi consiste le projet d’ensemble de Nexus et comment êtes-vous structurés pour le gérer ?
Il s’agit de transmettre à la fois l’histoire de la musique électronique, mais aussi les compétences affiliées.
Au rez-de-chaussée, nous lançons un club, avec une programmation les week-ends et, occasionnellement, en semaine. La programmation des week-ends est déjà prête jusqu’en juillet 2022, même si nous ne voulons pas surexploiter cet espace de cette manière-là. Nous prévoyons aussi de louer ponctuellement le lieu à la fois pour de l’événementiel ou des tournages, autant que possible connectés aux cultures électroniques.
À l’étage, nous projetons un espace pédagogique avec une école, des ateliers de production musicale, de scénographie et d’arts numériques, des actions avec les établissements scolaires. Il y aura également un volet créatif avec une webradio, des studios d’artistes, et des partenariats avec un maximum de collectifs franciliens. Il s’agit aussi de transmettre, à la fois l’histoire de la musique électronique elle-même, mais aussi les compétences affiliées - de production, d’organisation d’événements électroniques.
Quel type de lieu accueille votre projet et de quels moyens disposez-vous pour cela ?
Il s’agit d’une zone industrielle à Pantin, qui prend la forme non pas d’une espace étalé, mais d’un triple bâtiment habitué à accueillir des occupations commerciales, tertiaires, etc. Un collectif avait déjà tenté en 2019 de lancer un projet de club dans cet espace, avant de réviser ses objectifs et de l’abandonner. Nous avons nous-mêmes lancé le projet Nexus dans le même endroit début 2020, avant que la pandémie ne nous fasse tout annuler.
Nous envisageons le lancement de la partie « école » et « incubateur » dans un an et demi.
Nous sommes une SAS, intitulée Next Us, et nous travaillons comme prestataires auprès des propriétaires du lieu. La Mairie de Pantin nous a rencontré et souhaite apprendre à nous connaître afin d’engager une collaboration avec nous. Nous avons fait visiter les lieux à la Sacem, qui souhaite être partenaire du projet.
À terme, le business model du lieu consistera à financer les activités à l’étage par les recettes de celles du rez-de-chaussée. C’est pourquoi nous n’envisageons le lancement de la partie « école » et « incubateur » seulement dans un an et demi. Il s’agit d’abord de lancer la partie clubbing, de solidifier notre colonne vertébrale financière, mise à mal par la pandémie, et de faire connaître l’ambition du lieu.
En tant qu’acteur de l’écosystème électronique et du clubbing, comment avez-vous traversé la crise et quel bilan tirez-vous de son impact sur celui-ci ?
À titre personnel, j’ai la chance d’être intermittent, un statut plutôt rare sur la scène électronique. Certains labels ont préféré limiter voire suspendre leurs activités, mais j’ai choisi d’intensifier le rythme des sorties sur le mien pour permettre aux artistes de s’exprimer dans cette période inédite. J’ai aussi pu mener des projets d’arts numériques, notamment au Glazart, qui s’est reconverti en espace d’exposition avec le soutien du Centre National de la Musique. Quant à la structure Next Us, elle a été mise en suspens.
Plus globalement, le secteur semble avoir été moins ravagé par la crise que nous avons pu le craindre. Pour certains, cela a été compliqué : des artistes sont devenus chauffeurs-livreurs pour subvenir à leurs besoins, d’autres ont revendu leur maison à crédit, beaucoup se sont retrouvés sans revenus après avoir eu l’habitude de vivre correctement - et il s’agit d’artistes aux profils variés, émergents comme installés. Les quelques intermittents du secteur, ainsi que les auto-entrepreneurs, ont pu traverser la crise sans connaître ces déboires.
Le secteur semble avoir été moins ravagé par la crise que nous avons pu le craindre.
Cependant, les dégâts globaux semblent moins vastes que prévu - même s’il est encore tôt pour le dire fermement. Les projections annonçaient la liquidation de 90 % des 1 600 clubs du territoires, mais il n’en est recensé qu’entre 300 et 400 - ce qui est déjà tragique en soi, naturellement. Ensuite, les clubs rouvrent enfin, petit à petit. Il est naturel que la plupart d’entre eux ne l’aient pas fait lors de l’annonce de la réouverture en juillet. Cette réouverture était soudaine, l’offre en plein air sollicitait déjà abondamment la masse de clubbeurs potentiels, la vaccination pour les jeunes n’était pas encore très répandue, et la limitation de jauge était trop contraignante pour certains lieux. Bien des boîtes, comme le Rex (Paris 2e), le Club88 à Rennes (Ille-et-Vilaine) et nous-mêmes ont préféré attendre la rentrée et le retour des gens en intérieur, pour rouvrir leurs portes plus sereinement.
Par ailleurs, nous constatons, même depuis la réouverture - certes bridée - de la fête depuis juin, une vraie effervescence qui ne durera probablement qu’un temps. La rareté suscitée par cet épisode de privation a donné un appétit énorme au public et lui a rappelé, si nécessaire, le rôle de la fête.