Production

Café-théâtre : à Nîmes, du livestream d’humour… maintenant et après la crise

Par Thomas Corlin | Le | Diffusion, booking

Ouverte en novembre 2019, la Comédie de Nîmes (Gard) propose depuis janvier des spectacles streamés et payants chaque dimanche. Ce jeune café-théâtre envisage d’ores et déjà de poursuivre cette offre après la crise, en direction des publics empêchés, et d’amortir son investissement technique en proposant des captations aux compagnies accueillies.

Zoumac en live-stream à la Comédie de Nîmes.  - © Comédie De Nîmes
Zoumac en live-stream à la Comédie de Nîmes. - © Comédie De Nîmes

Comment avez-vous utilisé le support vidéo depuis le début de la crise ?

Lors du premier confinement, il y a eu un engouement : tout le monde en faisait de chez soi, le public suivait, il s’agissait de garder du lien sur une période que l’on imaginait courte, avant de reprendre une activité normale. J’avais donc lancé une mini-série, « Maison Break », parodie de « Prison Break », et mis en ligne des chansons. 

Puis, lors du second confinement, l’intérêt pour le support avait disparu, les streams se sont faits moins nombreux, tout le monde s’était lassé, et la situation était tellement accablante que le cœur n’y était plus. Pour autant, nous avons souhaité réutiliser l’outil de façon plus poussée pour conserver un lien avec le public. 

Comme d’autres théâtres dans notre branche (l’Apollo à Paris, l’Improvidence à Lyon), nous avons investi dans du matériel : trois caméras HD, placées à différents points dans la salle, et deux micros d’ambiance, fixés au dessus de la scène par un ami ingénieur du son. 

Nous avons fixé un prix à 8 euros par foyer. A 5 euros par exemple, nous aurions été trop proches de la gratuité

Nous avons contacté des comédiens pour leur proposer de jouer dans les conditions du live. Il s’agit de deux créneaux en direct le dimanche, l’un à 10h30, orienté jeune public, et un autre à 15h, orienté humour et adulte. Ils ont tous eu une certaine appréhension, avant de jouer le jeu : certains ont adapté leur spectacle, intégré des regards à la caméra, etc.

Pour les mettre dans l’ambiance, la salle n’était pas vide. Sans spectateur, sans rires, sans applaudissements, l’expérience est inhumaine. Nous avons donc invité des élèves de notre atelier théâtre, et trois autres comédiens. Nous avons ajouté des bustes de mannequins avec des têtes d’acteurs célèbres entre eux, et le tout donnait l’impression qu’il y avait un public dans la salle. 

Une forme d’interaction a été testée : pour la séance d’improvisation de 15h, le public envoyait en commentaire des suggestions de thème. Le public a dans l’ensemble très bien réagi : nous avons reçu des photos de spectateurs se préparant devant leur écran ou des vidéos d’enfants dansant pendant le spectacle jeune public. 

Il s’agit de séances payantes, comment en avez-vous fixé le prix ? 

En salle comme en ligne, il y a une tendance au gratuit qui nous semble dommageable. Pendant le festival Off d’Avignon, beaucoup de compagnies font du remplissage en invitant des spectateurs lorsque leur salle n’est pas pleine, pour montrer qu’ils ont du succès à d’éventuels programmateurs présents pendant la représentation. Cela a pour résultat d’habituer le public à du gratuit, et c’est problématique. 

En ligne, c’est pareil. Un artiste se produit, une salle s’organise, tout cela c’est du travail, et ça a un prix. Nous avons fixé un prix à 8 euros par foyer. En salle, la place est de 15 à 18 euros, ce qui aurait été trop cher pour un spectacle en ligne. En revanche, à 5 euros par exemple, nous aurions été trop proches de la gratuité. 

Entrée de la Comédie de Nîmes - © Comédie de Nîmes
Entrée de la Comédie de Nîmes - © Comédie de Nîmes

Comptez-vous conserver cet outil après la reprise ? 

Nous avons déjà programmé quelques dimanches, en variant les esthétiques. A priori, nous envisageons cette opération comme une parenthèse pour rester en lien avec notre public, travailler et faire travailler des comédiens. Nous ne voulons pas vider notre salle en mettant le livestream en avant. Néanmoins, nous envisageons de proposer des spectacles en streaming en parallèle de notre activité principale en salle, mais en orientant le support vers les publics empêchés. Nous sommes par exemple en contact avec une prison, et nous pourrions leur proposer un tarif spécial. 

Par ailleurs, maintenant que nous sommes équipés en matériel audiovisuel, nous pouvons proposer aux comédiens et compagnies qui viennent jouer chez nous, ou à d’autres, de faire leur captation. Souvent, ils n’ont que des vidéos de basse qualité et peu récentes à présenter aux professionnels, principalement parce qu’une captation professionnelle est très coûteuse. Nous pourrons en proposer une à bas prix pour amortir notre investissement. 

Comment votre lieu traverse-t-il la crise ? 

Le plus dur, ce sont les faux espoirs de réouverture.

Le plus dur, ce sont les faux espoirs de réouverture, qui entraînent des frais, notamment en communication, et beaucoup de déception. Mis à part cela, notre lieu s’en sort relativement bien grâce à sa petite taille. Nous avons ouvert en novembre 2019, et rencontré un succès immédiat parce qu’il manquait une salle de ce type dans cette zone. Nous avons fermé 4 mois après avec le premier confinement, puis exceptionnellement rouvert en été avec des jauges à 35 personnes (la salle peut en accueillir 50). Nous donnions 2 dates par week-end, contre 5 du jeudi au dimanche en temps normal. Ces moments de réouverture n’ont pas toujours rencontré le public escompté, mais c’était important de jouer.

Le lieu n’engendre pas beaucoup de frais, nous ne sommes que deux salariés, nous avons fait les travaux nous-mêmes, ainsi les aides nous permettent de nous en sortir. D’autres lieux que nous connaissons bien souffrent bien plus, hélas.