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Intermittence : comment cumuler son statut avec une autre activité  ?

Par Thomas Corlin | Le | Rh, formation, intermittence

Scop, auto-entreprise sous condition, SARL avec un mandataire social alternatif : oui, il est possible de cumuler l’intermittence avec d’autres activités. L’avocat Pierre-Marie Bouvery fait le point sur les arrangements compatibles avec les critères de Pôle Emploi.

Le cumul des activités est courant chez les intermittents.  - © D.R.
Le cumul des activités est courant chez les intermittents. - © D.R.

Dans quelles conditions peut-on travailler sous une modalité indépendante tout en restant intermittent du spectacle ? 

Certaines formes de structures peuvent coexister avec le régime de l’intermittence, selon le précis de Pôle Emploi sur l’indemnisation du chômage datant de 2015. Tout d’abord, grâce à la société coopérative de production (Scop) : un mandataire de Scop (il en faut deux pour en monter une) peut percevoir un salaire de cette structure qui sera pris en compte comme cachet d’une entreprise extérieure. Cela se fait de plus en plus même si ce n’est pas un modèle courant. 

Ensuite, toujours selon le guide de Pôle Emploi, il est possible de travailler avec un statut d’auto-entrepreneur, en parallèle de son statut d’intermittent du spectacle, à condition que cette activité ne relève pas de celle d’artiste-interprète. Ainsi, il est possible d’être artisan, mais aussi producteur phonographique, en tant qu’auto-entrepreneur, et continuer de gagner des cachets d’intermittent sur d’autres activités dédiées. Les revenus perçus en tant qu’auto-entrepreneur sont alors déduits de l’allocation chômage, mais l’intermittent garde son statut. 

Enfin, un arrangement vertueux, tout à fait en règle et très courant est celui de la SARL dont le gérant à 51 % est un proche. Il est par exemple fréquent dans les compagnies de théâtre, dont les associations sont présidées par un ami la plupart du temps. 

Hors de ces cadres-là, Pôle Emploi ne manquera pas d’exiger le remboursement de tout ou partie de ces sommes perçues. 

Pourquoi ces configurations sont-elles acceptables selon Pôle-Emploi et pas d’autres ? 

Ce n’est pas clair. Des décisions en cour de cassation ont d’ailleurs pu contredire les interdictions émises par Pôle-Emploi. Des contentieux ont en effet amené à conclure que la subordination salarié/employeur n’était pas le critère qui définissait le travail salarié ou, à l’inverse, que certaines co-productions étaient en fait du salariat. Le code du travail prévoit en tout cas une présomption de contrat de travail sans qu’il y ait question de subordination. 

Cette règlementation, en soi protectrice, donne lieu à des conjonctions inattendues, et les règles finissent par se rentrer dedans. 

D’où viennent ces tensions entre statuts ? 

En un sens, ces restrictions participent à conserver le régime d’intermittence.

Le travail de Pôle-Emploi est de distribuer, mais c’est une distribution restrictive - en un sens, PE est là pour donner le moins possible. De l’autre côté, l’URSSAF perçoit des cotisations, et a donc a une vision bien plus large du salariat. Enfin, et c’est légitime de leur part, les défenseurs du régime de l’intermittence n’ont pas vraiment intérêt à remettre en cause toutes ces exceptions : c’est aussi une façon de conserver sa particularité et de ne pas le diluer au profit de toute une gamme de statuts répondant à une logique peut-être plus marchande, et de risquer le voir disparaître. Il en va donc de la protection du statut : l’intermittence est en soi une exception au régime général, et si son cadre est juridiquement trop élargi, il est possible de le ruiner. Les syndicats marchent donc sur des œufs à ce sujet.

Le cumul des activités est-il fréquent ? 

Oui, mais c’est aussi le statut d’intermittent qui n’est plus aussi systématique qu’il a pu l’être. Une certaine culture de l’artiste-auto-entrepreneur a émergé avec l’évolution des métiers, et cette évolution n’est pas vraiment prise en compte par la loi. De nombreux artistes ont une volonté d’indépendance, particulièrement dans la musique où les conditions d’accès au marché sont plus aisées lorsqu’un artiste est son propre producteur. 

Dans le cinéma comme dans le spectacle, des questions reviennent en tout cas souvent, et ce par rapport à tous les organismes sociaux : qu’est-ce qui est ou non du salaire ? comment s’assurer de ne pas verser dans le travail dissimulé ? quelles sont les charges à verser ? La multiplicité des modes de gestion juridique induit de nombreuses ambiguïtés, et les réalités de l’artiste-auto-entrepreneur génèrent aujourd’hui plus de doutes que d’affirmations.