« Les artistes profitent de cette période pour se former » (N. Ly, Studio des Variétés)
Par Thomas Corlin | Le | Rh, formation, intermittence
Du fait d’un confinement plus flexible que le précédent, les centres de formation sont autorisés à travailler sous certaines conditions. Norann Ly du Studio des Variétés (Paris 11e) décrit un mode de fonctionnement limité mais des artistes toujours motivés malgré le contexte.
Comment avez-vous adapté vos différents stages ?
À la sortie du premier confinement, un document spécifique à la branche culturelle régissait nos conditions de travail. C’est désormais un document commun à toutes les entreprises, et il impose un protocole désormais connu de tous. Une dernière directive, émise par le Ministère du Travail début novembre, nous a autorisé à maintenir une partie de notre activité en présentiel.
Cette situation a donc imposé un tri dans nos différents stages et programmes, entre ceux qui ne peuvent être maintenus qu’en présentiel, ceux qui s’adaptent mieux au distanciel, et ceux que nous devons annuler par manque d’espace ou d’effectif. À noter que des aménagements sont par exemple possibles lorsque les étudiants d’un certain module sont éloignés des moyens technologiques nécessaires à l’enseignement à distance.
Ainsi, nous avons jugé que la formation à la musique assistée par ordinateur ou la culture musicale se prêtaient à de l’enseignement virtuel. En revanche, il est difficilement imaginable de former des coachs d’artistes à distance. Nous avons dû par exemple renoncer à une formation de conscience corporelle, qui nécessite un plateau et la présence de tous.
Une formation ne peut se commencer en distanciel.
Par ailleurs, il est plus facile de continuer en distanciel un enseignement déjà entamé en présentiel puisque le contact a déjà été établi entre l’intervenant et les artistes qui suivent son enseignement. On ne peut pas commencer par du distanciel. Enfin, certains refusent tout simplement l’enseignement à distance.
Nos espaces étant modestes, nous devons parfois en louer d’autres en supplément pour pouvoir accueillir nos apprentis en respectant la distanciation. Une autre nouveauté pour nous est que nous devons aussi les accueillir pendant leur pause repas, toujours dans le respect du protocole sanitaire.
La situation a-t-elle provoqué une baisse des inscriptions à vos formations, et ainsi perturbé votre équilibre économique ?
Nous avons la chance d’être une structure assez subventionnée et nos financeurs nous soutiennent, malgré les difficultés de la période. Heureusement, il existe plusieurs axes de financements pour pouvoir suivre nos formations. L’un d’entre eux, l'AFDAS, vient d’annoncer qu’il ne pouvait plus traiter de demandes de financements pour des formations jusqu’au 15 janvier, puisqu’en l’absence de salaires d’intermittents, cet opérateur ne perçoit plus assez de cotisations.
Côté inscriptions, la situation est paradoxale. Nous n’enregistrons pas encore de baisse massive parce que, dans l’ensemble, les artistes veulent justement profiter de cette période pour se former. Certains sont même prêts à le faire en distanciel. Il y a aussi un fort besoin d’accompagnement pour des artistes qui travaillent actuellement en solitaire. Néanmoins, pour d’autres, il y a une perte de sens et une hésitation bien légitime à se lancer dans une carrière de musicien alors que le secteur n’a jamais été aussi sinistré.
C’est aussi le volume de travail que nous devons traiter qui affecte l’équilibre de notre organisme. Chaque formation a ses spécificités, et les adapter demande un travail qu’il faut constamment reprendre.
Quelle est l’attitude des artistes qui suivent vos formations actuellement ?
Je prendrai l’exemple d’une dizaine d’artistes de musiques urbaines que nous accompagnons avec Youtube Music dans le cadre du programme Stri-It, depuis septembre. Ils ne lâchent pas, cela reste central pour eux, aucun n’envisage l’abandon - du moins pour l’instant. Certains ont même eu des propositions de tourneurs ou de manageurs en septembre, dont je ne sais si elles ont été maintenues depuis le reconfinement.
Les artistes sont inégaux face à cette crise.
Certes, les artistes sont inégaux face à cette crise. Selon leurs impératifs économiques, certains devront abandonner leurs aspirations artistiques. Du côté des professionnels, ce sont probablement les plus petits acteurs, dont l’approche de la musique est quasi-militante, qui accuseront davantage le coup, et ce seront des pertes très préjudiciables pour le secteur. Néanmoins, de nouveaux artistes émergent, et le repérage continue.