« L’intermittent se coupe du lien avec son employeur en passant par Smart » (P. Gauthier, SNAM-CGT)
Par Thomas Corlin | Le | Rh, formation, intermittence
Pôle-Emploi a annoncé la suppression du compte-employeur de Smart, entreprise coopérative belge permettant dans certains cas aux employeurs de payer les intermittents sans passer par la plateforme consacrée, le Guso. Philippe Gauthier de la SNAM-CGT tire au clair la situation du point de vue juridique et partage quelques conseils aux intermittents concernés.
La décision de Pôle Emploi à l’encontre de Smart intervient dans un contexte délicat où les opportunités de cachets n’ont jamais été aussi rares pour les intermittents. Est-elle inédite pour autant ?
Pôle Emploi reproche toujours la même chose à Smart et à ce type d’entreprise : de ne pas être l’employeur direct, dans le sens où Smart ne fournit pas lui-même d’emploi.
Pôle Emploi avait déjà agi de la sorte dans des cas similaires, et le fait dans un cadre juridique très établi. Son comportement n’a ici rien d’extraordinaire. Une filiale de Smart, Nouvelle Aventure, avait déjà été visée l’année dernière, la Snam l’avait relayé. Ce sont toujours les mêmes arguments qui sont avancés, et ils sont solides. Dans un autre registre, par le passé, l’entreprise Allo Jazz avait été également inquiétée juridiquement dans les années 80 pour portage salarial - ce que Smart se défend de faire. Ces pratiques ont toujours existé, et répondent effectivement à des problèmes administratifs que peuvent rencontrer des intermittents qui ne se sentent pas en position de pouvoir pour imposer l’usage du Guso à un employeur.
Pôle Emploi reproche toujours la même chose à Smart et à ce type d’entreprise : de ne pas être l’employeur direct, dans le sens où Smart ne fournit pas lui-même d’emploi. C’est l’intermittent qui vient vers eux avec des spectacles. Il ne s’agit même pas d’intérim, où la structure met en lien employeur et main d’œuvre. Dans la loi, le producteur de spectacle a la responsabilité du plateau artistique, et ce n’est pas le cas avec Smart et d’autres entreprises similaires.
Ensuite, au niveau administratif, les contrats émis par Smart sont problématiques pour les grilles de Pôle Emploi. L’assurance chômage est censée indemniser les personnes involontairement privées d’emploi. Or, avec Smart, l’intermittent choisit quand le travail commence et finit, ce qui peut passer pour un arrêt d’emploi volontaire.
Enfin, il est considéré que Smart fait du chiffre d’affaire sur l’emploi des autres. L’entreprise touche 8,5 % sur chaque contrat traité. L’entreprise se défend de tout marchandage en rappelant qu’elle a la licence 2, à savoir la licence producteur. Cela avait d’ailleurs fait l’objet d’un procès, qu’un juge administratif avait clos en leur faveur, sur l’argument que celui qui engageait les artistes était, de fait, producteur.
Qui choisit de passer par une structure comme Smart et pour quelles raisons ?
Il appartient à l’employeur de prendre en charge sa comptabilité, en faisant appel si besoin à un cabinet extérieur. Cela fait partie de ses responsabilités.
Paradoxalement, ce cas de figure arrive souvent avec des mairies, grosses ou petites, et d’autres collectivités territoriales. Il se peut aussi que de petits festivals associatifs, ou des organisations proposant une saison de 5 ou 6 concerts à l’année, y aient recours. Des cafés-concerts avancent souvent des problèmes de licence et demandent de passer par Smart. Il a déjà été vu que des cours de musique, ne relevant donc pas de la production de spectacle, soient déclarés en cachet par Smart.
Le plus souvent, c’est une façon pour l’employeur de se délester de ses formalités administratives. C’est d’ailleurs ce que propose clairement Urban District, une autre entreprise offrant les mêmes services que Smart sans se positionner comme une coopérative. D’autres structures similaires existent aussi, à des niveaux plus locaux. Il appartient pourtant à l’employeur de prendre en charge sa comptabilité, en faisant appel si besoin à un cabinet extérieur, cela fait partie de ses responsabilités. Bien sûr, une solution comme Smart est moins coûteuse mais coupe la relation entre l’employeur et l’intermittent.
Quelles alternatives restent-ils aux intermittents ?
En revanche, Smart était l’unique solution pour les artistes jouant à l’étranger dans un cadre non salarié, ne bénéficiant pas de la coordination salariale européenne.
Lorsqu’il y a spectacle, il y a toujours un organisateur qui peut s’acquitter de ses obligations sociales. Ils peuvent toujours convaincre les employeurs d’utiliser le Guso. Les centaines de compagnies qui avaient un compte employeur à Pôle Emploi mais l’avaient fermé pour passer par Smart peuvent faire la démarche inverse. Et les syndicats sont là pour les épauler dans leurs démarches.
En revanche, Smart était l’unique solution pour les artistes jouant à l’étranger dans un cadre non salarié, ne bénéficiant pas de la coordination salariale européenne. C’est un cas spécifique que la SNAM-CGT fait actuellement remonter auprès du ministère.