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Formation : baisse des demandes de formation à l’Afdas

Par Thomas Corlin | Le | Rh, formation, intermittence

Désertion d’une partie des intermittents, demandes de formation en berne : l'Afdas, opérateur de compétences des métiers de la culture, est aux avant-postes des ressources humaines du secteur. Thierry Teboul, directeur général, décrit une reprise toute en contrastes, bientôt deux ans après que l’organisme ait dû cesser temporairement son accompagnement, en pleine crise.

Une formation aux métiers de la musique à Issoudun. - © Issoudun
Une formation aux métiers de la musique à Issoudun. - © Issoudun

Fin 2020, en pleine pandémie, l’Afdas annonçait suspendre sa prise en charge de formation. Comment s’est soldée cette situation inédite ? 

Un mois après l’arrêt, l’État a entendu nos demandes et mobilisé le Fonds National pour l’Emploi, en règle générale réservée aux salariés permanents. 20 M€ ont été rassemblés pour accompagner intermittents du spectacle et artistes-auteurs. Ainsi, 2021 a pu se passer sans tension budgétaire, et il en est de même pour 2022. Puisqu’il s’agissait d’un moment de forte demande en nouvelle compétence, par temps d’empêchement du travail, ce fut une belle très belle période en termes de formations. 

Quelle a été la particularité de cette période de forte demande ? 

C’est un nouveau comportement qui a émergé face à la formation, et elle porte moins sur la durée que sur la nature des formations demandées. Les gens veulent du « prêt à l’emploi » en quelque sorte, quelque chose qui leur permette de grimper facilement en compétence pour pouvoir à d’autres postes. Beaucoup de gens qui ont fait leur carrière dans l’industrie du live ont voulu basculer dans la musique enregistrée. En technique, beaucoup ont voulu être compétents en nouvelles technologies pour ne pas se retrouver bloqué sur certains postes. Ailleurs, ce sont des connaissances complémentaires, notamment en sécurité pour les festivals. 

Les périodes de crise permettent d’interroger en profondeur les parcours professionnels, et donnent du temps pour se lancer dans des programmes à fort impact.

Comment les organismes se sont-ils adaptés à la situation ? 

En culture, la formation est aussi un lieu de socialisation.

La formation était parfois empêchée dans ses formes traditionnelles, et les organismes ont constamment adapté leurs modalités et leurs formats. Or, toutes les formations ne sont pas convertibles en ligne. Tout d’abord, ce n’est pas envisageable pour les métiers manuels qui demandent de la pratique de geste sur place. Ensuite, dans les métiers de la culture, le formation ne se limite pas seulement aux compétences acquises. Se lancer dans une formation est un acte de professionnalisation fort qui met dans un contexte de socialisation parfois aussi déterminant que le contenu du stage lui-même, du moins dans le secteur culture où la cooptation représente quasiment un système de recrutement. Cette privation de ce qui était en fin de compte un espace de professionnalisation a été sûrement très nuisible pour beaucoup.

Une chute du nombre de formations a-t-elle été observée depuis la reprise ? 

Oui, pour la première fois depuis 2013, nous enregistrons une baisse des engagements, quoique minime. En début d’année, lorsque tout a réellement repris, c’était significatif : par rapport à la même période avant crise, la baisse était de -20 %. Avec le lissage sur l’année, elle est de -3 %. 

Cette reprise est assez paradoxale. Bien sûr, il a beaucoup été martelé que priver la société de culture était terrible, mais c’est aussi priver tout un secteur de travail qui a été très dommageable. Il en va d’une question de mode de vie et de socialisation. La pandémie a aussi généré beaucoup d’isolement créatif. La reprise se fait alors dans une euphorie des retrouvailles, couplée à une grande anxiété - à la fois d’un retour inégal des publics, et d’un autre épisode de crise à venir. 

Enfin, un changement du paysage s’opère en matière de ressources humaines. Tout le monde se demande où sont passés les intermittents. C’est vrai : certains ont déserté. Nous estimons à l’Afdas que sur les 100 000 intermittents ayant 2 ans d’ancienneté pour ouvrir des droits à la formation, 7 000 ont quitté le secteur, d’après nos chiffres. Il semblerait que la pandémie ait généré des prises de conscience en matière de qualité des conditions de travail et d’équilibre entre vie professionnelle et privée, les intermittents ont donc de nouvelles exigences et les employeurs doivent apprendre à y répondre, surtout dans une période où il existe une tension inédite entre offre et demande, qui ne joue pas en la faveur des employeurs.